Une révélation rare et lourde de conséquences secoue le débat sécuritaire en Israël : des responsables au sein du système de défense reconnaissent désormais que, durant près de deux décennies, Shin Bet, l’unité 504 du renseignement militaire et le Mossad n’ont pas disposé d’un agent humain significatif infiltré au cœur même de la direction du Hamas dans la bande de Gaza. Cette admission, qualifiée en interne de « cécité prolongée », jette une lumière crue sur les limites du renseignement israélien face à l’organisation terroriste qui contrôle Gaza depuis 2007.
Selon des sources sécuritaires, cette absence d’agents de haut niveau n’est pas le fruit d’un choix stratégique ponctuel, mais le résultat d’une accumulation de facteurs structurels. Le Hamas a progressivement renforcé ses mécanismes de contre-espionnage, instaurant une culture de suspicion extrême, des compartimentations internes rigoureuses et une surveillance constante de ses cadres. Toute tentative d’infiltration humaine était rapidement détectée ou neutralisée, rendant quasi impossible l’accès direct aux cercles décisionnels les plus élevés.
L’un des éléments les plus révélateurs évoqués ces derniers jours concerne la fameuse affaire dite du « sardine verte ». Un député avait récemment affirmé que les services de sécurité détenaient un agent portant ce surnom au sein du Hamas. Des vérifications internes ont finalement établi qu’aucun agent de ce type n’a jamais existé et que ce nom relevait davantage d’une plaisanterie interne ou d’une désinformation mal comprise. Cet épisode illustre la confusion qui a parfois entouré l’évaluation réelle des capacités humaines du renseignement israélien à Gaza.
Pendant ces années, les services israéliens ont largement compensé l’absence de sources humaines de haut niveau par un recours massif aux moyens technologiques. Interceptions de communications, surveillance électronique, imagerie satellitaire et cyber-renseignement ont permis de dresser des tableaux précis des capacités militaires du Hamas, de ses stocks d’armes et de certaines de ses intentions opérationnelles. Toutefois, ces outils, aussi sophistiqués soient-ils, ne remplacent pas l’accès direct aux délibérations internes, aux rivalités personnelles et aux décisions prises dans les cercles fermés de la direction.
Des responsables sécuritaires admettent aujourd’hui que cette lacune a contribué à une compréhension incomplète des dynamiques internes du Hamas. Sans agent au sommet, il était difficile d’évaluer avec précision le degré de préparation stratégique, les intentions à long terme ou les débats internes précédant des décisions majeures. Cette situation a alimenté ce que certains décrivent comme une « illusion de contrôle », fondée sur des données techniques solides mais privées de la profondeur humaine nécessaire à une anticipation fine.
La question des « trahisons internes » a également été évoquée. Selon plusieurs experts, la prolifération de rumeurs sur des informateurs aurait parfois servi, paradoxalement, à diluer les soupçons au sein du Hamas. En encourageant l’idée d’une infiltration généralisée mais floue, l’organisation aurait réussi à masquer l’absence réelle d’agents israéliens de haut niveau, tout en renforçant la peur et la discipline parmi ses rangs. Certains analystes estiment même que des accusations de collaboration ont été instrumentalisées par le Hamas pour éliminer des rivaux internes sous couvert de sécurité.
Ces révélations interviennent dans un contexte de remise en question plus large du renseignement israélien après les événements récents. Des commissions internes examinent désormais non seulement les échecs opérationnels, mais aussi les paradigmes qui ont guidé la collecte d’informations pendant des années. L’accent mis sur la supériorité technologique aurait, selon certains critiques, relégué au second plan l’investissement patient et risqué dans le renseignement humain profond.
Pour autant, des anciens responsables mettent en garde contre des conclusions hâtives. Infiltrer la direction d’une organisation comme le Hamas, fortement idéologisée, enracinée localement et marquée par des liens familiaux étroits, représente un défi exceptionnel pour n’importe quel service de renseignement au monde. Le fait qu’aucun agent significatif n’ait été maintenu pendant vingt ans ne signifie pas une inaction totale, mais reflète la complexité extrême du terrain gazaoui.
Aujourd’hui, le débat est ouvert au sommet de l’État : faut-il repenser en profondeur la doctrine du renseignement israélien concernant Gaza et les organisations terroristes similaires ? Plusieurs voix appellent à un rééquilibrage entre technologie et HUMINT, estimant que seule une combinaison renouvelée des deux permettra d’éviter de futures zones d’ombre. D’autres soulignent que les transformations sociopolitiques à Gaza pourraient, à terme, ouvrir de nouvelles opportunités d’infiltration.
Quoi qu’il en soit, l’aveu public de cette absence prolongée d’agents au sein de la direction du Hamas constitue un moment rare de transparence dans un domaine habituellement marqué par le secret. Il met en évidence les limites, mais aussi les défis permanents auxquels sont confrontés les services de sécurité israéliens dans un environnement hostile, mouvant et profondément verrouillé.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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