Demande de recours collectif de 2,5 millions de shekels : « le public ne peut pas comprendre qu’un produit “innocent” serve d’outil d’espionnage et de surveillance »

Une demande de recours collectif déposée en Israël vise deux géants mondiaux de l’électronique grand public, Samsung et LG, accusés d’avoir transformé leurs téléviseurs intelligents en outils de surveillance permanente des utilisateurs. Selon la plainte, ces appareils collecteraient des données personnelles sensibles à grande échelle, sans consentement réel et éclairé, dans le but principal d’optimiser la publicité ciblée et les revenus commerciaux.

La requête, déposée devant le tribunal de district du centre d’Israël, a été introduite par deux citoyens israéliens ainsi qu’un mineur représenté par son père. Tous affirment utiliser des téléviseurs Samsung ou LG à leur domicile. Les plaignants sont représentés par des avocats spécialisés dans les actions collectives, qui estiment que les pratiques reprochées constituent une atteinte grave et systémique à la vie privée des consommateurs en Israël.

Au cœur de la plainte figure l’accusation selon laquelle les téléviseurs intelligents ne se limitent pas à afficher des contenus audiovisuels, mais procèdent à une collecte constante d’informations sur leurs utilisateurs. Les données concernées incluraient notamment la durée de visionnage, les applications utilisées, les recherches effectuées, les adresses IP, ainsi que des informations sur d’autres appareils connectés au téléviseur, comme des ordinateurs ou des consoles de jeux.

Plus inquiétant encore, la plainte affirme que ces téléviseurs réaliseraient des « captures d’écran » répétées de tout ce qui s’affiche à l’écran, y compris des contenus personnels projetés depuis un téléphone ou un ordinateur via un câble HDMI. Cette pratique reposerait sur une technologie connue sous le nom d’ACR (Automatic Content Recognition – reconnaissance automatique de contenu), permettant d’identifier en temps réel les images diffusées afin de constituer des profils de consommation extrêmement détaillés.

Selon les plaignants, ces captures se feraient à un rythme très élevé, parfois en l’espace de fractions de seconde, ce qui signifierait que même des photos privées, des vidéos personnelles ou des documents professionnels affichés brièvement pourraient être analysés et transmis aux serveurs des fabricants. La plainte ajoute que certaines données biométriques, telles que des empreintes vocales, seraient également collectées dans certains scénarios d’utilisation.

Les avocats des plaignants soutiennent que l’objectif principal de cette collecte massive est purement commercial. Samsung et LG auraient mis en place des filiales dédiées à la publicité numérique, respectivement Samsung Ads et LG Ad Solutions, dont la mission consiste à monétiser les données de visionnage des utilisateurs. Ces informations permettraient de proposer aux annonceurs un ciblage publicitaire d’une précision exceptionnelle, présenté par l’une des sociétés comme un « atout stratégique majeur ».

La question du consentement est centrale dans le recours collectif. Selon la plainte, l’accord donné par les utilisateurs lors de l’installation initiale du téléviseur ne peut être considéré comme valide. Les documents juridiques seraient volontairement longs, complexes et présentés de manière à inciter l’utilisateur à accepter rapidement toutes les conditions, sans réelle compréhension des implications. Les plaignants parlent de « tactiques abusives », exploitant la lassitude et le désir des consommateurs de simplement utiliser leur nouvel appareil.

Il est également reproché aux fabricants de rendre particulièrement difficile la désactivation ultérieure de la collecte de données. Les options de refus seraient dissimulées dans des menus complexes, accompagnées d’avertissements laissant entendre que certaines fonctionnalités essentielles du téléviseur pourraient devenir inaccessibles si l’utilisateur refuse le suivi.

La demande de recours collectif vise une indemnisation estimée à plus de 2,5 millions de shekels pour l’ensemble des membres du groupe concerné, qui inclurait toute personne ayant utilisé un téléviseur Samsung ou LG en Israël au cours des sept dernières années. Une sous-catégorie spécifique concerne les mineurs, dont la plainte souligne la vulnérabilité accrue face à ces pratiques, notamment en raison de l’exposition potentielle à des publicités inadaptées à leur âge.

Les chefs d’accusation invoqués reposent sur plusieurs lois israéliennes, parmi lesquelles la loi sur la protection de la vie privée, la loi sur la protection des consommateurs, la loi sur les ordinateurs et la loi sur les communications. Les plaignants estiment que les pratiques décrites constituent une violation cumulative et systématique de ces cadres juridiques.

Cette action en justice s’inscrit dans un contexte international plus large. Aux États-Unis, une plainte similaire a récemment été déposée par le procureur général du Texas contre plusieurs fabricants de téléviseurs, accusés d’utiliser des technologies comparables pour surveiller les habitudes de visionnage des citoyens. Les débats autour de la protection de la vie privée face aux objets connectés prennent ainsi une ampleur croissante, tant sur le plan juridique que politique.

À ce stade, Samsung et LG n’ont pas encore réagi officiellement à la demande de recours collectif déposée en Israël. L’affaire pourrait toutefois faire jurisprudence et contraindre l’ensemble du secteur de l’électronique grand public à revoir en profondeur ses pratiques en matière de collecte de données. Pour de nombreux consommateurs, elle pose une question fondamentale : jusqu’où un appareil domestique peut-il aller dans l’observation de la vie privée sans franchir une ligne rouge éthique et légale.


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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