Faire don d’une partie de sa richesse matérielle à autrui n’est jamais chose facile, notre instinct nous prévient, ce qui est à nous, fruit de nos labeurs, doit demeurerchez nous et en notre seule possession.
Pour nos sages il s’agit là de «l’œil malveillant» vis à vis d’une responsabilité partagée qui s’accompagne trop souvent d’un ressenti d’abus de dépendance. Certains d’entre nous sont persuadés qu’un tel comportement est légitime, ils ne pensent nullement être égoïstes.
Après tout, ne s’agit-il pas d’un avis rabbinique dans «les Maximes de nos Pères » précisant: «Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à toi», ce point de vue serait équilibré et juste.
Pourtant, une autre opinion s’exprime dans cette même Mishna et affirme qu’une telle attitude est antinomique des règles sociales, elle relève de l’exécrable des gens de Sodome. Ceci pourrait être le sens du verset de la Torah : «L’Homme est mauvais dès sa prime jeunesse.»
Il y aurait là une reconnaissance de la nature humaine telle qu’elle est, l’homme naîtrait comme une bête sauvage, égoïste, criarde, violente et conquise par elle-même.
Ce qui gouverne la société humaine est significatif, éloignés les uns des autres ils sont grelotants mais tout proches, ils transpirent un peu trop.
L’inadaptation sociale n’est jamais définitive, l’Humain comprend très tôt qu’il ne peut être et devenir, seul. La sociabilité demeure à jamais imparfaite, car il existe chez l’homme un désir d’autonomie s’adaptant assez mal d’un autre alter ego. Il lui faudra dorénavant poursuivre son devenir à travers une éducation spécialisée.
Raison pour laquelle la Torah nous fut donnée, sublimer le meilleur de l’être vers une plus grande stature morale et sociale.
Nous ne pouvons pas modifier complètement la nature humaine, mais nous pouvons peaufiner et mener nos vies vers des aspirations plus nobles et plus élevées. Le second propos de la Mishna nous engage donc aux leçons de l’art altruiste.
L’éternelle discussion où se confrontent l’égoïsme et la générosité permet d’entendre les forces et les tendances logées dans la nature même de l’Homme, à travers l’ambivalence inhérente à son être propre.
Les mythes sociaux ont tenté de tout temps de concilier la liberté au singulier à la liberté au pluriel.
Rien de plus humain que de poursuivre son intérêt, sans que cela n’empiète sur un autre idéal plus supérieur réconciliant l’Homme et la société.
Néanmoins, l’imminence d’un tel idéal ne sera possible, sur notre vieille terre, qu’à une seule condition : l’Homme devra greffer une chair sur son cœur de pierre et autoriser sa conscience à plus de confiance. La Torah exige que nous surmontions totalement l’état d’être naturel : «ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à toi».
Ne pas simplement canaliser ou contrôler notre nature, mais plutôt lui permettre de s’améliorer, s’accomplir dans un effort constant, une discipline et un caractère bien trempé. Nous devrions probablement déplorer que notre Homme ne soit pas un mouton, une créature sociable, cela lui aurait évité les tourments de l’Histoire et les batailles sociétales.
Mais assurément le coût était nécessaire à son long cheminement dans l’Histoire, il y avait là un prix à payer dans nos différentes tentatives à construire le devenir humain.
Levinas dans «Difficile liberté» écrit: «Particularisme? Certes. Mais non pas limitation quelconque apportée aux allégeances nationales, au devoir civique et à la fraternité…»
Les temps d’Abraham sont revenus: il faut obéir pour son compte sans compter les fidèles. Pour son compte qui n’est pas égoïste. Comme n’est pas égoïste l’autre mode d’existence pour soi: le retrait en soi par l’état d’Israël.
Par Rony Akrich pour Alyaexpress-News