Un nouvel acte de profanation visant le patrimoine juif en Europe de l’Est a provoqué une vive indignation en Ukraine et au-delà. Dans la région de Mykolaïv, au sud du pays, un agriculteur local a détruit au tracteur une partie d’un cimetière juif datant de plus de 150 ans, effaçant des dizaines de pierres tombales et retournant la terre d’un site historique attesté par des archives officielles et des témoignages locaux. La découverte de ces destructions a conduit la communauté juive ukrainienne à saisir les forces de l’ordre et à exiger des mesures urgentes pour protéger ce lieu de mémoire.
Les faits se sont déroulés à proximité du village de Pankratova, dans les environs de la ville de Youjno-Oukraïnsk, dans l’oblast de Mykolaïv. Selon les historiens locaux Vassyl Seliabine et Oleksandr Chyva, qui ont été les premiers à documenter les dégâts, l’agriculteur exploitait légalement une parcelle de terrain voisine du cimetière. Progressivement, il aurait toutefois empiété sur la zone funéraire elle-même, détruisant des stèles anciennes avant de labourer l’ensemble du terrain, comme s’il s’agissait d’un simple champ agricole.
D’après les informations communiquées par Communauté juive unie d’Ukraine, l’acte ne peut être qualifié ni d’erreur administrative ni d’ignorance. Le site du cimetière est connu de longue date, clairement identifié dans les archives locales et reconnu comme tel par les habitants âgés de la région. Des cartes de l’Armée rouge datant des années 1930 mentionnent explicitement l’emplacement du cimetière, ce qui exclut toute ambiguïté quant à son statut historique et religieux.
Le directeur général de la Communauté juive unie d’Ukraine, Vitaly Kamozin, a confirmé que l’incident s’est produit sur le territoire d’une ancienne colonie fondée au XIXᵉ siècle. À cette époque, une petite communauté juive vivait aux côtés de colons allemands, chacun disposant de ses propres infrastructures communautaires, dont un cimetière distinct. Le cimetière juif, utilisé pendant plusieurs décennies, constitue aujourd’hui l’un des rares témoins matériels de cette présence juive ancienne dans la région.
Selon Kamozin, la destruction des tombes représente non seulement une atteinte grave au respect dû aux morts, mais aussi une perte irréversible pour l’histoire locale. « Il ne s’agit pas de simples pierres, mais de fragments d’identité, de mémoire et de continuité historique », a-t-il souligné. La communauté juive considère cet acte comme particulièrement choquant dans un pays où de nombreux cimetières juifs ont déjà été abandonnés, dégradés ou détruits au cours du XXᵉ siècle, notamment durant la Seconde Guerre mondiale et la période soviétique.
Une plainte officielle a été déposée auprès de la police locale, à l’initiative des historiens ayant découvert les faits. Les forces de l’ordre ont ouvert une enquête afin de déterminer les responsabilités pénales de l’agriculteur impliqué. Parallèlement, la Communauté juive unie d’Ukraine a adressé une demande formelle aux autorités afin que le site soit rapidement clôturé et protégé, pour empêcher toute nouvelle intrusion ou dégradation.
L’affaire met en lumière un problème plus large et récurrent en Europe orientale : la protection insuffisante des sites funéraires juifs. Des milliers de cimetières, parfois pluriséculaires, sont disséminés dans des zones rurales ou semi-urbaines, souvent sans signalisation claire ni statut juridique effectif. Dans ce contexte, ils deviennent vulnérables aux actes de vandalisme, à l’urbanisation sauvage ou à l’exploitation agricole.
Les organisations juives rappellent que, selon le droit international et les conventions sur la protection du patrimoine culturel, les cimetières constituent des sites protégés, indépendamment de leur état d’entretien ou du nombre de visiteurs. La destruction intentionnelle d’un tel lieu peut relever non seulement du droit pénal national, mais aussi de normes internationales relatives au respect des minorités religieuses et culturelles.
En Ukraine, pays actuellement confronté à de multiples défis sécuritaires et économiques, la préservation du patrimoine historique est parfois reléguée au second plan. Néanmoins, les responsables communautaires insistent sur le fait que la guerre et les difficultés nationales ne peuvent justifier l’indifférence face à la profanation de lieux sacrés. Au contraire, affirment-ils, la protection de ces sites est un indicateur clé de l’engagement d’un État envers la mémoire, la diversité et l’état de droit.
Ce nouvel incident intervient alors que plusieurs cas similaires ont été signalés ces dernières années dans différentes régions d’Ukraine, de Pologne, de Moldavie et de Roumanie. Dans certains cas, les destructions ont été le fait d’actes antisémites délibérés ; dans d’autres, elles résultaient d’un mélange d’avidité foncière, de négligence administrative et d’absence de sanctions dissuasives.
Pour la communauté juive d’Ukraine, l’enjeu dépasse le cas précis de Pankratova. Elle appelle à une cartographie nationale des cimetières juifs, à leur inscription officielle dans les registres fonciers et à la mise en place de clôtures et de panneaux explicatifs. Une telle démarche, estiment ses responsables, permettrait non seulement de prévenir de nouvelles destructions, mais aussi de sensibiliser les populations locales à l’histoire plurielle de leurs régions.
À ce stade, l’enquête policière est en cours et aucune mise en examen n’a encore été annoncée. La Communauté juive unie d’Ukraine a indiqué qu’elle suivrait de près l’évolution du dossier et qu’elle n’excluait pas de saisir des instances internationales si les autorités locales ne prenaient pas les mesures nécessaires. Pour les descendants des communautés disparues et pour les défenseurs du patrimoine, l’affaire constitue un test crucial : celui de la capacité des institutions à faire respecter la mémoire des morts et la dignité des vivants.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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