L’homme estime durant toute son existence n’être qu’un corps, dans certaines circonstances il remarque qu’il est esprit, mais en définitive il ne découvre qu’il est une âme qu’au moment de son décès. En vrai, la nature tripartite de l’homme engage trois polarités distinctes. La première a misé ses valeurs sur le corps et en conséquence, elle s’est bâti une histoire matérielle qui abandonne l’esprit et l’âme. La seconde a parié ses valeurs sur l’esprit, elle place sur un plan élevé la valeur de la culture, du savoir, de la réflexion et les œuvres de l’intelligence. Elle peut délaisser l’attention portée au corps et n’avoir que fort peu de souci de l’âme, auquel cas elle devient un être purement cérébral. Nous connaissons bien en Occident ce type humain qui a souvent les faveurs de nos médias.

 

La troisième s’est totalement dirigée vers l’âme, elle peut aisément se détourner des tentations qui se rapportent au corps et à la culture de l’esprit. Elle évolue en ce cas vers un ascétisme religieux brûlant du désir de trouver D.ieu.

 

Cette triple polarité matérialise son exigence dans l’élaboration des valeurs d’une époque. La postmodernité en Occident est très nettement une civilisation du premier type. La modernité s’est affirmée dans des valeurs du second type. La religion est encore très largement marquée par un comportement du troisième type, presque jusqu’à la caricature.

 

L’équilibre des trois données de l’être l’humain n’est pas aisé à exécuter, tant dans l’individu, que dans la société.

 

Là se trouve peut être les raisons d’une fascination et d’une haine, sans bornes, des nations pour l’idéal de l’homme Hébreu. Idéal de vie respectant le soin donné au Corps, l’élévation de l’Esprit dans la conscience et la connaissance, où le sens du Sacré est nettement présent, sans pour autant avoir été récupéré par une religion dogmatique et intransigeante.

 

Mais nous n’en sommes pas encore Là!

 

Suite au fratricide de Caïn sur Abel, l’Histoire ne sera qu’une suite incessante d’échecs et justement, dix générations après avoir crée Adam le premier homme, à son image, D.ieu interrompt l’épopée dramatique des hommes et décrète l’anéantissement de l’humanité par le déluge. Il voulait ainsi offrir à des créatures sauvées l’occasion d’une nouvelle remise en question et la possibilité d’un nouveau départ, reconstruire leur histoire sur des fondations plus salubres.

 

 

 

L’homme est un individu totalement imprévu, écartelé par de perpétuelles rivalités intérieures, il est effectivement très difficile de déterminer si l’homme est droit ou non, ce n’est pas la question la plus aisée! Dans son ouvrage Orol HaKodesh (vol. III, p. 135), le Rav Kook invoque une donnée de nature à nous instruire à propos de cette énigme.

 

L’homme détient deux «âmes»: l’une sainte et la seconde impure (ce serait mieux d’écrire l’autre car seconde est cardinal alors que l’une ne l’est pas ici), chacune de ces deux âmes postulant, dans un combat permanent, à diriger l’homme.

 

D’après le Rav Kook, si nous ne sommes pas convaincus de cette vérité, il nous sera très difficile de déchiffrer l’homme dans toutes ses proportions.

 

 

 

Quelques-unes des hypothèses modernes de la psychologie prétendent démêler les profondeurs occultes de l’âme humaine, elles affirment que l’homme ne serait mû en fait, que par l’instinct de conservation ou bien l’instinct sexuel.

 

D’autres grands psychologues ou psychanalystes comme Adler, ont aussi présumé que c’est le statut social ou ce que les moralistes avaient déjà appelé «la recherche des honneurs et de la gloire» qui préoccupe en priorité la personne humaine. On pourrait nous inciter également à admettre la théorie de Darwin qui, se référant aux calculs de Malthus, assurait qu’il n’y aurait à l’avenir plus assez de nourriture sur Terre pour l’ensemble de l’humanité, et que seuls les plus forts survivraient.

 

Par conséquent, n’est-ce pas la devise «Etre égoïste, ou ne pas être» qui devrait devenir la règle de base de l’homme? Y a-t-il encore une place pour les justes dans ce monde?

 

 

 

L’égoïsme s’immisce dans toutes les figures de l’activité humaine et recouvre tout.

 

C’est lui qui allonge les tentacules de son pouvoir à tous les niveaux de la vie, c’est lui qui conserve, abrite, C’est encore lui qui conteste à l’âme, altère l’esprit, frappe le corps et immobilise la volonté au cœur de la société.

 

C’est l’égoïsme qui, ne rêvant qu’à lui-même, agit en retrait, toujours caché.

 

C’est toujours en son nom, que l’on perpètre les pires trahisons.

 

C’est l’égoïsme qui assassine l’amour et le démolit, parce qu’il est à l’origine du désaccord et de la scission. C’est l’origine même de la séparation entre le corps et l’esprit.

 

L’égoïsme est l’archétype du mal.

 

 

 

Dans son commentaire sur le livre des prières, le Rav Kook souligne ce concept essentiel de pureté originelle de l’âme humaine. Durant son passage sur Terre, l’être humain peut emprunter le plus mauvais des chemins, et se conduire comme une bête sauvage, mais son âme demeurera éternellement pure.

 

Toutes les figures de dépravation, d’impureté et de violence ne peuvent parvenir à éteindre la lumière perpétuelle qui habite au fond de notre âme; elles ne peuvent que l’affaiblir et la dépouiller de son éclat.

 

C’est D.ieu qui a insufflé la vie à l’homme. Kant lui-même ne se disait il pas étonné par deux choses: les espaces infinis et la conscience morale de l’homme?

 

 

 

Malgré ses difficultés et ses blessures, l’être humain dispose en son for intérieur de cette Neshama Tehora cette «âme pure» que l’Eternel lui a octroyée, et rien, ne pourra l’en priver.

 

 

 

De ce fait je saisis mieux l’affirmation selon laquelle «Le penchant du cœur de l’homme est mauvais depuis son enfance» (Genèse VIII, 21), ne s’oppose guère au verset de l’Ecclésiaste qui déclare que «D.ieu a créé l’homme droit» (VII, 29). Bien entendu, il est primordial de différencier le phénomène existentiel du phénomène de l’essence. Le fondement de l’homme, c’est son intellect, sa spiritualité et son intériorité, incontestablement, il devra se dépasser face aux dures épreuves avant que ces propres capacités ne se révèlent.

 

L’homme est foncièrement droit, mais son rendez-vous avec la réalité du Monde ici-bas ébranle cette notion essentielle et cache tous ses indices d’opinion.

 

Dans son livre Le Sentier de la rectitude, Messilat Yesharim, Rabbi Moshé Haïm Luzzato dit que la rencontre entre l’homme et son univers déclenche mille et un bouleversements.

 

A l’origine, il s’agit d’une confrontation entre la sainteté intrinsèque de l’âme humaine, et l’élément profane de notre vie quotidienne. C’est pourquoi nous ne devons pas être déconcertés par la découverte de ces mêmes désordres considérablement amplifiés dans notre préhistoire.

 

 

 

Quittons donc les procès de valeur et plaçons l’intonation sur l’étude de ce qui est. C’est l’entendement qui importe par-dessus tout. La compréhension de la vraie nature de la vie, la faculté de comprendre les hommes tels qu’ils sont et non tels que nous voudrions qu’ils soient.

 

L’homme idéal, cela n’existe pas.

 

Cela est certainement lié à son conflit intérieur, il y a les hommes tangibles, avec leurs doutes, leurs frontières, leurs déficiences, leurs méprises, leur insuffisance et cette flamme intérieure qui les encourage à offrir le meilleur d’eux-mêmes, mais aussi leurs délires et leurs sursauts, leurs opacités et leur clarté.

 

Il y a de l’excellence en l’homme, mais il y a la difficulté d’être humain, le cheminement de l’aventure humaine. Cette simplicité qui rend l’être humain au fond si attendrissant.

 

Exiger, à coup de jugements moraux, de l’homme réel qu’il soit idéal est au fond très cruel.

 

Il est ce qu’il est. Ni bon, ni mauvais.

 

Dans le monde relatif, rien n’est absolu. Les hommes sont ce qu’ils sont, ils sont parfaits dans leur imperfection même, ils sont parfaits dans leur unique et originale singularité. Incomparables.

 

Celui qui condamne sans cesse les hommes au nom de l’homme idéal et se répand en jugements moraux, n’aime pas les être humains tels qu’ils sont, parce qu’il ne les comprend pas.

 

Il a mis le devoir-être à la place de l’être.

 

Il exige beaucoup, et c’est son amertume qui lui dit que les hommes ne sont jamais à la hauteur. Et c’est de là qu’il tire sa férocité critique.

 

Mais cette exigence tyrannique repose sur une erreur. L’erreur de mesurer l’être à l’aune du devoir-être. Mieux on comprend une personne et moins on se permet de la juger. Une mère qui aime son enfant ne le juge pas. Elle l’accueille pour lui donner un nouvel élan et l’élan de l’amour fait d’avantage pour réparer et construire que les critiques acerbes.

 

L’amour ne prononce pas de jugement et ne montre pas du doigt une faute.

 

C’est l’intellect coupant qui pointe du doigt le reproche et plante le jugement moral.

 

Ce n’est pas le cœur qui comprend et éclaire.

 

 

 

De manière allégorique, nos Sages nous narrent comment l’âme humaine demeure déjà dans ce qui n’est encore que le fœtus de l’être humain: «Dans le ventre de sa mère, l’enfant connaît toute la Torah. Peu après sa naissance, un ange le frappe sur la bouche, et lui fait oublier tout cet enseignement».

 

Le nourrisson sera alors confronté à une réalité difficile qui l’éloignera de son intériorité, (Traité talmudique Nidda, p. 3b).

 

Dès sa naissance, dès les soubresauts de sa délivrance, le nouveau-né est désigné comme soldat de la résistance contre ses tendances néfastes qui l’éloignent de son âme et de sa spiritualité. Le rendez-vous entre l’âme vivante, divine de ce nouvel homme et sa propre dimension matérielle ne peut qu’entrainer une opposition certaine.

 

L’âme n’aspire qu’à l’épreuve d’elle-même, la plus éminente et la plus exhaustive.

 

Son but ne se trouve dans aucun temps, ni dans aucun lieu, il est totalement dans l’ici et dans le maintenant, dans la pure croissance de soi même. Une existence à formuler ce qu’elle est et à se reconnaître dans un parfait apprentissage de soi.

 

 

 

Le but de l’existence est la vie elle-même infiniment offerte à elle-même dans une étreinte qui n’a ni début ni limite. Du point de vue de l’âme, il n’y a rien à faire, tout ce qui importe, c’est d’être. L’âme ne se préoccupe que bien peu de la célébration du corps ou du panache des tableaux de l’intellect. Le cœur est le pont entre l’esprit et l’âme et c’est le cœur qui s’essaye lui-même comme intuition et sentiment de Soi. L’âme ne recherche point la science, mais plutôt l’être sensible. La connaissance est concept, le sentiment est pure expérience, ce que l’âme sonde, c’est le ressenti sincère et patent, c’est se connaître elle-même certes, mais à travers sa propre expérience. L’affect le plus élevé que la vie ressent pour elle-même est l’amour, et c’est aussi l’exercice de la conscience d’unité avec tout ce qui est, le bien souverain.

 

En cela seulement le sentiment d’amour est parfait. De même que dans le blanc toutes les couleurs sont présentes, dans son unité, l’âme enrobe tous les affects humains.

 

 

 

Du contenu de la Torah, le verbe divin nous conduit au cœur de ce dédale qu’est la réalité du Monde ici-bas. Se saisissant alors dans son visage le plus spirituel, l’homme sera comparable à un ange d’apparence humaine!

 

C’est alors et seulement alors que nous aurons gagné le combat et soumis la matière.

 

L’homme serait plus heureux s’il poursuivait les chemins de l’harmonie parfaite, là ou l’entendement divin voudrait que nous aspirions davantage par idéal que par égoïsme.

 

Le temps est venu, sans nul doute, de nous consacrer à « l’Imitatio Dei », à réaliser un rêve, être et devenir soudés aux attributs de l’Eternel, de sincérité de générosité et d’altruisme.

 

Face à un monde de félicité, d’aucun ne se tourmenterait de savoir pourquoi l’homme fut créé.

 

La souffrance physique et morale devenues tout ou partie inévitables de l’existence humaine, entrainent celui-ci à s’interroger sur le réel besoin de sa création.

 

Pourquoi ne pas créer d’emblée une société impeccable sans mal ni souffrance ? Le monde de vérité exigé par D.ieu recèle toutes les opportunités d’excellence au vu et su de la réalité.

 

Nous devons parfaire ce mouvement de perfectionnement de l’œuvre engagée, en y contribuant personnellement dans notre quotidien et dans une concordance avec la volonté divine.

 

 

 

Le mal et le désordre existent dans le monde de réalité quand il s’est éloigné du monde de vérité.

 

Le Créateur nous a offert toutes les solutions et ce, afin de nous pourvoir du courage de rejoindre la vérité tout en luttant contre le mal et la confusion qui régissent ce monde de la réalité.

 

À la faveur de nos efforts, l’Humanité accédera pas à pas à sa perfection maximale, nous avons reçu le plus grand de ses attributs: celui de pouvoir enrichir la création en y apportant notre touche singulière, celui de lui faire atteindre l’idéal absolu grâce à l’effort de l’homme.