LE MAL-ETRE HEBRAÏQUE – Par RONY AKRICH

 

Comment est-il possible d’accepter d’ĂȘtre sĂ©parĂ© de soi-mĂȘme, coupĂ© d’une part de nous-mĂȘmes? Le Juif ne serait-il pas la portion congrue de l’HĂ©breu, l’identitĂ© fraction de celui qui fut le nombre entier? C’est pourquoi, une vĂ©ritable rencontre avec soi, vers soi, n’aura d’autre finalitĂ© que nous permettre une rĂ©elle prise de conscience, quant aux raisons d’une telle dĂ©chirure, mais non point d’y dĂ©couvrir l’identitĂ© absolue. L’avoir humain se laisse souvent manger la laine sur son dos par une image sociale bien fĂącheuse, un attrape-nigaud pour les faibles bipĂšdes. Les voilĂ  persuadĂ©s que seule l’accumulation de biens leur permettra d’ĂȘtre!

Comment pouvoir ainsi envisager un mouvement quel qu’il soit ?

Les uns sont trop pieux et donc inamovibles, les autres embourbés dans le consumérisme et donc inextricables. Le décorum est inébranlable, factice, il est la devanture par laquelle nous nous exhibons aux yeux du monde

L’HĂ©breu, lui, aspire, se refuse aux situations donnĂ©es, tire les leçons du passĂ© pour mieux traverser les mĂ©andres d’une Histoire, qui, si elle n’est pas la sienne, ne mĂ©rite aucun attardement. De cette maniĂšre, uniquement, il renaĂźt de ses cendres et pourfend l’ensemble de ses dĂ©tracteurs.

C’est face Ă  l’adversitĂ© qu’il se rĂ©vĂšle capable de l’impossible! Rien ne lui rĂ©siste, tout peut ĂȘtre changĂ©, transformĂ©.

En quelques annĂ©es, Ă  peine sorti d’un enfer que Dante n’aurait pu imaginer, il se mĂ©tamorphose et Ă©volue, pour peu qu’on l’autorise Ă  s’épanouir, sans regret ni nostalgie aucune pour un passĂ© rĂ©volu.

Cependant, l’Ɠuvre n’est guĂšre aisĂ©e et l’épreuve demeure omniprĂ©sente, les hommes prouvent trop souvent leur incapacitĂ© Ă  se mesurer au pĂ©ril de leur demeure. S’il Ă©tait possible et si facile de rencontrer son ĂȘtre le plus cher, c’est-Ă -dire : soi-mĂȘme, pour un devenir des plus vrais, nul ne tolĂšrerait autant de tourments sur les chemins sinueux de son identitĂ©.

Or, cette derniĂšre est loin, bien loin de nous, enfouie au profond de notre mĂ©moire collective, une vaste part de nous-mĂȘmes nous Ă©tant dissimulĂ©e, Ă©chappant ainsi Ă  notre contrĂŽle.

L’exil provoqua une perte substantielle du Patrimoine hĂ©braĂŻque, l’HĂ©breu n’était plus le maĂźtre des lieux, il venait d’échouer sur son propre terrain. Il avait Ă©tĂ© inlassablement troublĂ© et traquĂ© par ses dĂ©sirs et ses pulsions. Sa personnalitĂ© devenue retorse, exigeait encore et toujours plus de plaisir et de jouissance, elle le tentait et rĂ©ussissait Ă  dĂ©tourner notre HĂ©breu des impĂ©ratifs de sa rĂ©alitĂ©.

Attention, tout pourrait recommencer !

Gardons-nous de crier victoire avant l’heure !

Les fanatismes de tous bords sont toujours parmi nous, et lorsqu’ils dĂ©cident de nous conquĂ©rir, ils n’abandonnent pas facilement.

Je pense qu’il nous faut, dĂšs Ă  prĂ©sent, nĂ©gocier une sacrĂ©e dose d’ĂȘtre biophile, d’amour de sa propre existence, d’une recherche sans fin de dĂ©nominateurs communs pour rĂ©ussir Ă  annihiler les maux qui perdurent.

Cet HĂ©breu, que nous retrouvons pas Ă  pas aujourd’hui, pĂ©nĂštre lui aussi progressivement. Il insuffle des vĂ©ritĂ©s nouvelles-anciennes qui bousculent nos habitudes, vieilles de deux mille ans. Il est lui-mĂȘme une identitĂ© complexe, composĂ©e d’aspirations qui ne s’accordent pas forcĂ©ment et toujours les unes avec les autres.

Durant l’exil, il nous fallait apprendre à survivre et voici que, soudain, il nous fallut apprendre à vivre!

Quel souvenir concret avions-nous lorsque nous parlions du ‘Peuple’ ?

Que savions-nous du sens rĂ©el de la ‘Nation’?

Depuis des lustres nous étions des bannis, poursuivis, violés et assassinés. Les mots comme souveraineté ou indépendance avaient-ils une résonance?!

«Une Nation de prĂȘtres et un Peuple saint» est un verset en HĂ©breu, mais pas nĂ©cessairement compris dans l’harmonie du collectif IsraĂ«l. Une telle rĂ©alitĂ© ne peut se rĂ©soudre au manque de sa vĂ©ritĂ©, il est Ă©vident que rien ne se produira dans l’instant, tout sera dans l’élaboration et dans la construction progressive Ă  partir de modĂšles illustrĂ©s dans le Texte biblique. Il s’agira d’un modĂšle de sociĂ©tĂ© adaptĂ© et remodelĂ© selon le temps et l’espace du moment. Si nous essayons de ressembler Ă  celui qui nous sert d’idĂ©al, c’est afin d’apprĂ©hender concrĂštement Sa force, Son talent et surtout Ses attributs. L’Éternel, D.ieu d’IsraĂ«l, demeure notre rĂ©fĂ©rant envers et contre tous les alĂ©as de notre Histoire. Au fil des jours, au hasard ou non de nos rencontres, face Ă  l’adversitĂ©, ce fil de la vie ne s’est jamais interrompu. Des profondeurs des multiples gouffres oĂč l’on nous prĂ©cipita, nous gardions, grĂące Ă  notre mĂ©moire collective et malgrĂ© un vĂ©cu souvent dramatique, l’espoir ineffable de notre renaissance et de notre Ă©ternitĂ©.

Le retour des Juifs sur le terroir ancestral provoquera un grand nombre de bouleversements, notamment cette question cardinale de «qui est Juif ?» sans encore oser poser la vĂ©ritable question: «qui et que sera l’HĂ©breu?»

Durant des siĂšcles nous ne faisions que ‘sĂ©journer’ sur des terres Ă©trangĂšres et dans un mĂȘme temps nous aspirions et espĂ©rions pouvoir ĂȘtre de retour pour ‘habiter’ de nouveau la Terre promise.

Tout du long, notre Histoire et notre culture demeurÚrent à nos cÎtés, aprÚs que notre Terre nous fut dérobée et notre Verbe hébraïque relégué aux oubliettes.

C’est bien cet environnement omniprĂ©sent, pour ceux demeurĂ©s fidĂšles Ă  la tradition, qui joua un rĂŽle essentiel dans la prĂ©servation et la survie de notre moi collectif, d’une identitĂ© Ă©brĂ©chĂ©e mais inĂ©luctablement d’actualitĂ©.

Notre culture thoranique et biblique fut pourvoyeuse de repĂšres permettant Ă  tout un chacun de se retrouver au sein de cette identitĂ© juive en mal d’ĂȘtre HĂ©braĂŻque.

 

Par Rony Ackrich pour Alyaexpress-News


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