Face au Parlement européen de Bruxelles, c’est à une table mitoyenne à la mienne que Bruno Gollnisch – Parlementaire européen du Front National – s’assied, ce mardi 27 mai, place du Luxembourg, à la terrasse d’une brasserie nommée « le London ». Le garçon, d’origine turque mais parfaitement intégré, prend sa commande : « Un spaghetti carbonara avec beaucoup de parmesan ! » choisit-il. Une situation qui – mêlant un euro-sceptique à différents pays communautaires et à un proche d’un pays qui souhaite les rejoindre – m’amuse follement ! Ma plume journalistique me chatouille. Vais-je l’approcher ? Lui poser quelques questions qui me titillent quant aux lendemains politiques européens du F.N., parti qui vient d’écraser électoralement tant le P.S. que l’U.M.P. ? L’interroger sur l’attentat antisémite qui à eu lieu à Bruxelles en lui tendant la perche pour fustiger certains « Européens » qui, après un séjour « cultuel » en Syrie, s’en reviennent – avec armes et bagages – semer leur haine dans nos pays occidentaux ? Lui qui n’a pas de mots assez durs pour dénoncer « l’invasion » de la culture arabo-musulmane en France et son « agressivité » face à notre mode de vie judéo-chrétien, mais qui – pour la communauté juive – dégage un certain parfum de « négationnisme », a-t-il choisi son camp dans le conflit israélo-arabe ? Mais, en tant que Juif, ai-je le droit moral d’adresser la parole à quelqu’un qui par ses déclarations, a jadis sali la mémoire de 6.000.000 de mes frères, et prend encore aujourd’hui la pose pour faire la quenelle devant les objectifs ? Après tout, malgré ces attitudes clairement antisémites, aucun de nos martyrs n’entache son passé… contrairement à un Abou Abbas avec qui des dirigeants de notre Etat n’hésitent pas à partager la table. D’ailleurs, certains de nos éminents rabbanim – « sionistes-religieux » ou « orthodoxes » – n’ont-ils pas, après Oslo, serré la main dégoulinante de sang juif d’un Arafat ?
Toutes ces interrogations tournent dans ma tête pendant qu’il mange ses pâtes… Il commande ensuite un café : « Yéh’ezkel, décide-toi ! me dis-je. Dois-tu, oui ou non, te jeter à l’eau ? » Soudain, le Ciel entend ma prière : le vent soulève la bâche sous laquelle il demeure et fait tomber d’un coup l’équivalent de quelques litres de pluie qui y étaient retenus. Hachem a de l’humour et, cette fois, n’est pas bien méchant envers nos contempteurs : le liquide tombe juste à côté de lui ! En boutade, je lui lance : « Horreur ! Un attentat de l’extrême-gauche ! ». La glace (qui – par ces 19° centigrades – n’en est déjà plus) est rompue, la conversation s’engage, et il accepte de répondre à un rapide interview que je fais au débotté.
Après quelques considérations sur sa victoire, sur la politique européenne, j’en viens à l’attentat qui a touché notre communauté la semaine précédente :
– Samedi dernier, il y a eu un attentat antisémite à Bruxelles… Je présume que vous êtes au courant, malgré…
– Oui ! Bien sûr, nous sommes tout à fait au courant.
– Quel est votre sentiment ?
– Ben, notre sentiment c’était le même sentiment de condamnation absolue de ces crimes absolument odieux. Ils sont évidemment parfaitement odieux quand ils visent les Juifs, ils sont parfaitement odieux quand ils visent d’autres personnes que des Juifs et nous compatissons évidemment à la souffrance des victimes… euh… alors, elles sont mortes, mais de leur famille. Ils n’y a absolument aucune ambiguïté à ce sujet pour nous : ce sont des crimes abominables !
– Pensez-vous que ça pourrait être le fait d’islamistes, de djihadistes ?
– Je n’en sais rien, je n’ai aucun élément ! Et il m’a semblé simplement, en écoutant les nouvelles à ce sujet, que les principaux responsables de l’enquête – Je crois : le Procureur du Roi, la police… – étaient eux-mêmes extrêmement prudents, ne donnaient pas encore de conclusions quant aux motivations exactes des assassins… Il est vraisemblable quand même que c’est un crime antisémite. Evidemment, nous avons toujours réprouvé sans ambiguïté !
– Voyez-vous un rapport avec l’affaire Merah ?
– Je ne saurais le dire, vraiment ! Je ne saurais le dire… Quoiqu’il y ait en Europe des réseaux que l’on a laissé s’installer, évidemment et qui sont prêts à des actes de terrorisme ou à participer à je ne sais quelle guerre sainte. C’est très clair, mais je pense que – par exemple, pour parler de mon pays – la responsabilité du gouvernement français est très lourde. Parce que je vois que aujourd’hui on a arrêté – Enfin, il y a quinze jours ! – on a arrêté un certain nombre de jeunes gens, pour la plupart évidemment d’origine immigrée, certains ont la citoyenneté française – généralement ils ont d’ailleurs la double citoyenneté, ce qui pose d’ailleurs un problème d’allégeance politique comme on vient de le voir – et qui il y a quelques temps, quelques mois, voire il y a quelques années, ont participé à la guerre en Syrie aux côtés des djihadistes. Et ils ont été arrêtés, sont détenus, sous l’inculpation de participation à une organisation terroriste, mais je trouve cela – Je m’excuse ! – je trouve cela parfaitement incohérent. Notre gouvernement n’a cessé de dire que le responsable de cette situation c’était le gouvernement syrien. Nous n’avons cessé d’attaquer, nous avons même été à deux doigts de participer à des opérations militaires contre le gouvernement de Monsieur Bachar El Assad. Nous avons par conséquent donné en quelque sorte – Enfin ! « Notre gouvernement a donné » ! – un feu vert moral à ces jeunes gens qui, évidemment, ont pu très bien prendre ce que leur disait Monsieur Fabius – ou Monsieur Hollande, ou d’autres – au pied de la lettre et exprimer leur « générosité », leur foi religieuse extrémiste, en allant s’engager là-bas. Je crois que le principal responsable de cette situation, ce ne sont pas les jeunes d’origine immigrée, ce sont les responsables politiques français. Voilà ! C’est très clair pour nous.
Analyse : Pour peu que Monsieur Gollnisch soit fidèle à la logique de sa pensée, il semble donc que le F.N. considère – en ce qui concerne, pour le moins, l’affaire Merah – que le gouvernement et les médias français partagent la responsabilité dans l’attaque antisémite commise par celui-ci ! En effet, c’est bien le gouvernement et les médias français qui, à force de déverser leur haine et leurs mensonges contre Israël (Tout en sachant parfaitement que, pour certains esprits malades, « Israël et les Juifs ne font qu’un ! »), ont donné à ce fanatique « un feu vert moral » l’ayant amené à commettre son crime ! S’il s’avérait que l’assassin de Bruxelles ait été incité à commettre son acte pour les mêmes raisons, le gouvernement belge et les médias de ce pays seraient tout aussi coupables.
Mais reprenons le cours de l’interview :
– Et, au point de vue du Front National, concernant les « Territoires », quel est votre position ? Considérez-vous ça comme « Territoires occupés », comme « Territoires administrés »… ?
– S’agissant de quels territoires ?
– …de Judée-Samarie !
– Ah ! Bon, ben écoutez… (Léger embarras !)… C’est une… c’est une occupation qui… euh… légalement, dure depuis la fin de la Guerre des Six jours. Je crois personnellement… Nous sommes favorables évidemment à la… désireux de rechercher la paix. J’ai été le seul président de groupe, quand je prenais un groupe parlementaire, à m’être rendu au dîner qui était donné en l’honneur de la délégation israélienne chargée des relations avec le Parlement européen. J’ai rencontré d’ailleurs, à cette occasion, le président de la délégation et la vice-présidente – ou l’inverse – l’un membre du Likoud et l’autre du Parti Travailliste ; c’était deux généraux. Un homme et une femme mais deux officiers généraux israéliens. Je crois qu’il n’y aura pas de paix aussi longtemps que les Palestiniens n’auront pas la maîtrise de leur propre destinée ! Et je pense que Israël devrait avoir la sagesse d’en tirer les conclusions. Il est certain que le processus qui consiste… Pour des raisons que je peux comprendre, qui sont dans le tréfonds, si j’ose dire, de l’âme juive compte tenu du fait que dans l’Histoire d’Israël, il y a deux mille ans et dans le message, en quelque sorte divin, sur la Terre Promise ces territoires sont considérés par un certain nombre de Juifs comme étant les leurs mais je crois qu’il faut qu’ils surmontent cette tradition… Ils ont maintenant un Etat dans lequel les Juifs peuvent vivre pleinement leur identité propre, leur indépendance, leur liberté, leur souveraineté. Il faut qu’ils comprennent, à mon avis, que les autres aspirent à la même chose.
Analyse :
On sent, dès le départ, Monsieur Gollnisch très embêté par la question. Il semble répéter une leçon apprise par cœur et, j’en suis sûr, serait absolument incapable de donner les divers arguments « légaux » (et contradictoires) tendant à prouver que – selon les règles internationales – les Territoires (re)conquis en 1967 sont « occupés » ou « administrés » ! Cela se confirme d’ailleurs dans la suite de l’interview quand il trouve comme phrase échappatoire (La même qu’ils avait employée quand il fut mis en cause concernant sa déclaration sur la Shoah !) « Je ne suis pas un expert dans ce domaine ! » Il serait peut-être bon que les ambassades israéliennes fassent – ce qu’elles n’ont apparemment pas fait depuis longtemps ! – parvenir à tous les décideurs européens un dossier complet donnant la position des juristes qui partagent l’avis que la Judée-Samarie, le Golan et Jérusalem-est ne peuvent, au regard de la loi internationale, être considérés comme « occupés » !
Monsieur Gollnisch place ensuite une phrase « passe-partout » avant de conter une anecdote qui l’a fortement frappé : le président et la vice-présidente de la délégation israélienne qu’il a jadis rencontré étaient « deux généraux…un homme et une femme mais deux officiers généraux israéliens » ; sa pensée se dirige ensuite directement vers la relation « paix et guerre » ! Dans son subconscient, les élus israéliens, qui se sont vantés de leur passé militaire (Ce qui est très honorable dans l’Etat juif, mais très mal perçu dans les cercles européens !), se sont donc trouvés métamorphosés – avec l’ensemble de leurs collègues – en une sorte de généraux d’opérette sud-américains, bardés de médailles et bellicistes… et le gouvernement démocratique israélien s’est par conséquent retrouvé affublé d’uniformes guerriers.
Puis, l’on en vient sur « les Palestiniens » qui doivent avoir « la maîtrise de leur propre destinée ! »… et on se demande pourquoi les services de Hasbara (« Explication Information ») de l’Etat hébreu ne sont pas encore parvenus à inculquer, à nos interlocuteurs politiques, la simple vérité que le peuple dit « Palestinien » n’a jamais existé et qu’il n’est qu’une création de la propagande du KGB vers le milieu des années 1960. On s’aperçoit aussi que nous n’avons pu transmettre le fait que notre désir de garder la Judée-Samarie n’est pas seulement une« tradition » religieuse et/ou historique, mais implique également un besoin sécuritaire.
Poursuivons :
– Alors, je sais bien qu’un certain nombre d’amis Juifs me disent « Mais comment pouvons-nous discuter avec des gens qui ne nous reconnaissent pas ? » D’accord ! Mais je leur ai dit : « Mais écoutez ! Arafat avait fini par vous reconnaître. Vous n’avez pas conclu avec Arafat : vous avez en ce moment le Hamas. Vous ne voulez pas discuter avec le Hamas, vous aurez les Salafistes. Voilà… »
– Monsieur Gollnisch ! Je m’excuse… Mais c’est le Hamas qui ne veut pas discuter avec Israël !
– Oui, oui, oui ! Je…
– …Qui prône la destruction de l’Etat d’Israël !
– Oui, je sais… Mais c’est très…
– Quant au Fatah, ils n’ont jamais renié la Chartes palestinienne !
– Ah, si !
– Ah, non ! Non, non ! Arafat a dit que c’était « caduc » mais légalement ce n’est pas valable parce que les trois quarts du Conseil National Palestinien auraient dû entériner cette décision et ne l’a jamais fait !
– Je ne suis pas un expert dans ce domaine ! Je pense qu’il fallait, à mon avis, sauter sur l’occasion, ce qui a été – me semble-t-il – sur le point d’aboutir lors des accords d’Oslo. Je vais vous dire sincèrement : j’ai beaucoup de sympathie pour les uns et pour les autres, je souhaite que les uns et les autres puissent vivre en paix dans des frontières sûres, reconnues et internationalement garanties, mais je ne suis pas, au premier chef, comptable de ce problème dont je reconnais la gravité puisqu’il peut mettre en danger, par ricochet, la paix mondiale. Mais moi, je m’occupe surtout des problèmes de la France, pour être très franc !
Analyse :
On croit cauchemarder ! Monsieur Gollnisch n’est qu’un exemple des centaines, des milliers, de décideurs politiques européens qui votent des résolutions, des sanctions, concernant le Proche-Orient, qui jugent qui est le « bon » et le « méchant »… et qui ne connaissent pratiquement rien de la réalité du terrain. Ils émettent des opinions simplement basées sur des « ouï-dire », mettant en danger de mort la vie de millions de gens par leur ignorance ! Mis en face d’un contradicteur qui connaît, – lui – le sujet, ils ne peuvent qu battre en retraite, comme Monsieur Gollnisch, ou s’entêter à soutenir mordicus, sans substrat, leurs idées fausses.
Mais terminons l’analyse de la partie de cet interview, pour ce qui touche Israël et notre communauté :
– Oui, mais l’Europe ne tente-t-elle pas d’imposer une solution ?
– Je crois que l’Europe ferait mieux d’être modeste et de balayer devant sa porte ! Ça n’exclut pas les bons offices, les conseils, éventuellement les médiations, si les parties en conflit le souhaitent, mais je suis résolument hostile à cette manie européenne qui prétend donner au monde entier des leçons sur la démocratie, les Droits de l’Homme, etc. Parce que chaque jeudi de session à Strasbourg, tous les mois, cette Assemblée européenne – Qui est l’Assemblée d’une organisation internationale européenne et rien de plus ! – joue à l’Organisation des Nations Unies et émet des résolutions aussi bien sur la Palestine que sur les Droits de l’Homme en Indonésie, la condition féminine au Guatemala, enfin toutes sortes de choses. Je crois que c’est absurde. Je crois que ça ne renforce pas du tout notre prestige à l’étranger, et que nous avons suffisamment de problèmes à l’intérieur de l’espace européen pour ne pas abuser comme ça, ne pas – trop – nous mêler des affaires des autres.
Conclusion :
« Bravo, Monsieur Gollnisch ! Vous semblez avoir compris. Puissiez-vous, avec tous vos collègues du Parlement européen, dorénavant vous en tenir à cette sagesse. » (On peut rêver, non !?) Pour notre part, nous nous devons – tant pour ce qui concerne les idées antisémites que les idées anti-sionistes – de faire un immense effort d’information. Ne restons pas sur la défensive et soyons attaquants, sans cesse attaquants ! Notre cause est juste, le Droit est de notre côté… C’est à nous de l’expliquer, longuement s’il le faut, de le clamer sans répit à la face du monde, de le prouver quotidiennement, même à ceux réputés partiaux et supposés nous haïr. Nous devons vaincre l’ignorance, la paresse intellectuelle, principaux atouts de nos ennemis !