Le « Fils de SaĂŒl » (SaĂŒl fia) est un film dramatique hongrois coĂ©crit et rĂ©alisĂ© par LĂĄszlĂł Nemes, Ă lâaffiche en France depuis le 4 novembre.
Ce film a remportĂ© le Grand prix au Festival de Cannes 2015. Il est actuellement en compĂ©tition pour lâOscar du meilleur film en langue Ă©trangĂšre Ă la 88e cĂ©rĂ©monie des Oscars qui aura lieu en 2016.
Le sujet du film obsĂšde le cinĂ©aste LĂĄszlĂł Nemes dans la mesure oĂč une partie de sa famille a Ă©tĂ© assassinĂ©e Ă Auschwitz :
« CâĂ©tait un sujet de conversation quotidien. « Le mal Ă©tait fait », avais-je lâimpression quand jâĂ©tais petit. Cela ressemblait Ă un trou noir, creusĂ© au milieu de nous ; quelque chose sâĂ©tait brisĂ© et me maintenait Ă lâĂ©cart. Longtemps, je nâai pas compris. A un moment, il sâest agi pour moi de rĂ©tablir un lien avec cette histoire ». Dans une optique dâauthenticitĂ©, LĂĄszlĂł Nemes a effectuĂ© un grand travail de documentation avec sa co-scĂ©nariste.
Clara Royer : « Nous avons lu dâautres tĂ©moignages, ceux de Shlomo Venezia et Filip MĂŒller, mais aussi celui de MiklĂłs Nyiszli, un mĂ©decin juif hongrois affectĂ© aux crĂ©matoriums. Bien sĂ»r, Shoah de Claude Lanzmann, notamment les sĂ©quences des Sonderkommando, avec le rĂ©cit dâAbraham Bomba, reste une rĂ©fĂ©rence.
Enfin, nous nous sommes Ă©galement appuyĂ©s sur lâaide dâhistoriens comme Gideon Greif, Philippe Mesnard et ZoltĂĄn VĂĄgi. Le film raconte lâhistoire de SaĂŒl AuslĂ€nder, membre dâun Sonderkommando Ă Auschwitz Birkenau, câest Ă dire prisonnier des nazis et chargĂ© comme supplĂ©tif du bon fonctionnement de la Solution Finale, depuis la descente des trains des dĂ©portĂ©s jusquâĂ lâentretien des fours crĂ©matoires, via le tri des affaires.
SaĂŒl survit grĂące Ă des gestes rĂ©pĂ©titifs et machinaux, sous les brimades et humiliations quotidiennes des SS. Un jour, il croit reconnaĂźtre son fils dans le cadavre dâun garçon qui vient dâĂȘtre gazĂ©. DĂšs lors, indiffĂ©rent aux risques, et tandis quâun soulĂšvement se prĂ©pare parmi les siens, il nâa plus quâune idĂ©e en tĂȘte: trouver un rabbin pour lâenterrer selon la Tradition, et ce, alors mĂȘme quâil risque de faire Ă©chouer le projet de ses camarades âŠ
Rares sont les films ayant traitĂ© avec autant de rĂ©alisme lâitinĂ©raire des Sonderkommandos, ces Juifs agissant sous la contrainte des Allemands. Le film est encensĂ© par la critique et par Claude Lanzmann lui-mĂȘme, pour sa pudeur et son rĂ©alisme. La photographie dĂ©naturĂ©e (presque monochrome) du chef-opĂ©rateur Matyas ErdĂ©ly participe Ă la rĂ©ussite du film, au mĂȘme titre que lâutilisation Ă©touffante du format cinĂ©matographique 1.37.
La profondeur de champ est rĂ©duite Ă son minimum, aucun horizon ni lignes de fuites, mais des visages marquĂ©s parcourent ce rĂ©cit insoutenable. Le film montre la vie Ă Auschwitz-Birkenau, notamment en utilisant plus des tonalitĂ©s sonores en hors-champ, et en faisant appel Ă lâexpĂ©rience sensorielle. Le champ de vision du spectateur, mĂȘme au plus prĂšs des fours crĂ©matoires, reste celui, parcellaire, de cet homme devenu un ouvrier de la mort, un automate, privĂ© dâĂ©motion.
Et câest justement en montrant ce camp comme une usine, et ces hommes comme des ĂȘtres dĂ©shumanisĂ©s, que le cinĂ©aste tient la complaisance Ă distance, et montre lâhorreur viscĂ©rale. LâexpĂ©rience nâen est que plus marquante, et le choc plus puissant. Le Fils de SaĂŒl est un film oppressant, rythmĂ© visuellement par les dĂ©placements et les gestes de SaĂŒl, ainsi que par les sons glaçants du four crĂ©matoire : claquements mĂ©talliques, bruits de pas et de mains qui tambourinent sur la porte de la chambre Ă gaz, bruissement des corps que lâon tire, grincement des chariots que lâon pousse, ordres criĂ©s en allemand, bribes de conversations en diverses langues.
LivrĂ© Ă la libre interprĂ©tation du spectateur, ce film ouvre des champs lâĂ©levant jusquâĂ la mĂ©taphysique, via cette question essentielle : livrĂ© Ă la barbarie, un homme doit-il trouver un sens Ă lâexistence en sacralisant le culte des morts au nom de la Tradition, ou en se rĂ©voltant au nom de la Vie et de lâavenir ? ViscĂ©ral, mais indispensable pour les gĂ©nĂ©rations qui ne connaissent la Shoah quâĂ travers les livres dâHistoire âŠ
Par D. Anoulard pour infos-israel.news
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