Aujourd’hui, la populace victimaire célèbre l’idéal des droits de l’homme et de la liberté en vociférant les slogans mais jamais bien au-delà. Elle est une bonne élève, elle méprise toute forme de responsabilité contraignante et d’impératif mobilisant, elle conçoit le tout selon son propre intérêt et sans jamais transgresser sa loi, surtout. Beaucoup renoncent à l’union des liens sacrés, ils préfèrent vivre côte à côte mais, grand dieu, sans fidélité officielle, seulement officieuse. On n’exige plus de construire mais de « kiffer grave », plus de responsabilité mutuelle mais « de s’la jouer solo ». Beaucoup perdent foi en l’idéal de servir et de protéger leur identité, leur souveraineté, leur indépendance, ils ne se sentent plus vraiment prêts à s’engager ni même à défendre les valeurs d’une richesse singulière.

La société post moderniste se dépouille et déconstruit pratiquement toutes les formes d’obligation et d’engagement constitutifs des particularismes nationaux.
Nous devons nous hisser au-dessus de cette mêlée douloureuse.
Au sein même de la congrégation juive, si pieuse et si religieuse, le risque demeure et reste important. Certains esprits, principalement chez ceux qui se refusent à reconnaitre les temps nouveaux du peuple d’Israël, poursuivent la promotion d’une religion au service du seul ordre et contentement individuel. Il nous faut entendre et comprendre le projet Divin, transmis à travers la Torah, comme une reconstruction, non point de l’individu pour l’individu, mais bien de la nation des Hébreux.
Ces derniers doivent témoigner, par leur propre restauration nationale, devant les peuples, de la réelle possibilité à rédimer le monde et à affranchir l’Humanité.
La Torah se fonde, essentiellement, sur l’alliance abrahamique et le contrat Divin, si elle possède un sens et un devenir, c’est celui de la mobilisation et de l’engagement de toute l’assemblée d’Israël. Seulement, et seulement alors, le singulier pourra jouir de l’usufruit de sa foi, symbolisé par l’épisode épique de la sortie d’Egypte, raconté dans le Texte biblique. Lors de la confiscation de l’agneau idolâtré par les Egyptiens, les Hébreux font preuve d’une toute première unité nationale et ce, durant plusieurs jours, puis, tous ensemble ils vont le sacrifier au nez et à la barbe de leurs tortionnaires. Ces actes de résistance, dans le seul intérêt du groupe, vont commencer à déterminer l’idéologie d’intérêt général au service du projet Divin.

Cet engagement constitue la base et le fondement de la Foi, confiante, fidèle et vraie, il est sa ligne de fond et son but ultime.

Le Talmud (Tamid 32a) rapporte qu’Alexandre le Grand demanda aux Sages juifs: «Qu’elle est la définition du sage? » Ils lui répondirent: «Celui capable d’anticiper les lendemains.» Augurer de l’avenir ne signifie pas être prophète, le sage est celui capable d’entendre et de comprendre l’actualité, d’imaginer des scénarios possibles quant aux différentes probabilités du devenir et de l’avenir.
Prenons le verset: «Heureux est l’homme toujours prudent» (Mishle 28,14), dans le traité de Guitin p.55b, Rashi explique la prudence de la personne comme une volonté de prendre soin, de prendre en compte les conséquences éventuelles, veiller sur ses faits et gestes et ne jamais causer de dommages collatéraux. On pense, bien sûr, à cette veille de seconde guerre mondiale, où les appréciations erronées et insidieuses des maitres à penser tant assimilationnistes qu’orthodoxes entrainèrent des millions de Juifs vers les chambres et les fours. Un enseignement probant et nécessaire à l’appréciation d’une réalité, souvent annonciatrice, pour des sages prêts à entendre les appels des lendemains. Nul mal à tenter de vouloir être un sage aux accents prophétiques, un militant contre tout immobilisme et un éclaireur des temps nouveaux.

Voyons donc les mutations sociétales de notre occident contemporain.
Essayons, à travers elles, de déchiffrer les penchants et les dispositions de la société israélienne. La société occidentale et moderne évolue, en principe, autour de trois pivots capitaux qui traitent de l’Humain et de ses droits singuliers: liberté, personnalité et intimité. Voici des valeurs absolues, celles qui vous donnent l’impression de ne plus jamais pouvoir être violées. Leur écho sur le monde et la culture est palpable dans à peu près toutes les matières de l’existence, depuis la justice, l’éducation, la littérature et les arts jusqu’au quotidien du tout un chaque-un.

L’intimité de l’être vivant occupe une place de choix, elle réfléchit sa coquille, c’est-à-dire son refuge, elle est ce lieu où l’on se sent le plus accompli, car le plus protégé. Nous pouvons désigner l’individualisme comme l’attribut évident de nos sociétés modernes, il recèle en son sein tous les symptômes d’une pathologie maligne. La question de ‘société en bonne santé’ demeure pertinente et à propos là où le profit personnel conditionne l’ordre absolu, où les alliances bénéficiaires soutiennent férocement leurs privilèges, à l’encontre de tout avantage pouvant servir les intérêts de tous. La conscience collective de l’individu peut très bien ne pas être cohérente avec la conscience collective que représente un peuple et, moins encore, avec la conscience collective de l’Humanité tout entière.

On s’interroge souvent sur les origines de ce concept suprême, modérateur et normatif de « société » présenté par Mr Durkheim.
La réponse se situe surement dans le domaine des notions morales, certainement pas dans les actes, car dans ceux-ci, l’idée de conscience collective parait plus confuse, plus difficile et moins judicieuse, naturellement plus mentale que morale. Compte tenu de la situation, un trouble progressif névrotique se développe au sein de tout le monde occidental. ‘Elle’ n’est jamais vraiment ‘Elle-même’, quant à ‘Lui’, il n’est jamais vraiment ‘Lui-même’, malgré cela, ‘Il et Elle’ campent sur leur positions et, par voie de conséquence, le « Nous » tant attendu se fait de plus en plus rare.
Peut-être n’est-il pas inopportun de signaler un certain nombre d’effets secondaires au terrorisme de ces dernières années, sans foi ni loi, il frappe les grandes cités du monde libre. Evidemment, le climat de peur et d’angoisse, les inspections sécuritaires omniprésentes et incessantes sont brusquement devenues une réalité quotidienne qui participe, de manière importante, au ressenti d’inquiétude. Pour aller plus loin, le terrorisme semble apporter une certaine métamorphose dans le mode de vie occidental, soudainement, il parait normal de pouvoir s’intéresser à autrui, d’échanger ses sentiments, ses ressentis. Il est évident que les concepts de ‘vie privée et d’individualisme’ ne tiendront plus jamais le même haut du pavé, car, au vu et au su des évènements traumatisants, ces soi-disant valeurs se sont avérées inconséquentes.
Le pénible dans cette affaire c’est que, dorénavant, il ne sera plus possible de s’évader dans la seule hypothèse individualiste. Le tout nouvel impératif de l’homme sera de dévisager l’Humanité, face à face, de scruter la Terre telle que nous l’avons transformée, puis de s’engager vers une réelle prise de responsabilité collective et pratique.
Or, si les sociétés modernes prennent, véritablement, conscience de ces nécessités, elles seront très rapidement les témoins d’un individualisme qui ne suppose plus l’émiettement des êtres, l’ostracisme, l’égotisme fanatique, la détérioration des rapports humains, la ruine de la solidarité.

Ainsi comprennent-elles, sans détour aucun, que la science, dont nous sommes peut être devenus les maîtres, a probablement déchargé l’homme de ses besognes laborieuses, mais, non moins, assujetti l’individu à la dure raison de ses seuls avoirs, fait de l’homme un objet. Certes la matière, à sa façon, comble les appétits, cependant elle déclenche aussi, sur son passage, une déprédation inouïe de l’environnement. L’être postmoderne est insouciant car totalement inconscient de ses agissements, ce sont pourtant chacun de ses gestes qui modèlent son univers.
Voici venu le temps, pour lui, d’améliorer le caractère de chacune de ses relations avec autrui, le pouvoir de générer une société, la meilleure possible, afin de ne plus épancher son dénuement sur ses tiers et calomnier sa réalité dont il est l’unique responsable.