À Téhéran, un avertissement aux voisins arabes : « Vous avez misé sur le mauvais cheval »

Cinq ans après la signature des Accords d’Abraham, l’Iran profite de chaque crise régionale pour marteler son message : la normalisation avec Israël ne serait pas une promesse de stabilité, mais une « trahison » et un pari perdant. Derrière la rhétorique, Téhéran cherche à miner l’élan diplomatique israélo-arabe et à réaffirmer son rôle de pivot du « front de résistance ».


Depuis leur conclusion en 2020 avec les Émirats arabes unis et Bahreïn, les Accords d’Abraham sont devenus une cible privilégiée de la propagande iranienne. Pour Téhéran, il s’agit d’un « complot américano-sioniste » destiné à isoler la République islamique. Le guide suprême Ali Khamenei avait qualifié dès 2021 ces accords de « péché et d’erreur historique », exhortant les pays arabes à revenir en arrière. La rhétorique se déploie sous toutes ses formes, des caricatures venimeuses représentant Israël et ses partenaires du Golfe comme des « traîtres », jusqu’aux menaces implicites d’instabilité économique et sécuritaire.

La guerre déclenchée après les attaques du Hamas le 7 octobre 2023 a constitué un moment décisif. Les médias iraniens ont diffusé des images du « cheval sioniste » s’effondrant sous la charge de la résistance palestinienne, message symbolique adressé au monde arabe : miser sur Israël, c’était choisir un allié en déclin. Mais la riposte israélienne – bombardements massifs à Gaza, frappes en Syrie, au Liban et jusqu’au Yémen, et attaques directes contre des sites en Iran en 2024 puis en juin 2025 – a rapidement contredit cette narrative. Israël a montré sa capacité d’action militaire, transformant le discours triomphaliste iranien en propagande défensive.

L’épisode le plus récent, la frappe de Doha ayant visé des membres du bureau politique du Hamas, est désormais brandi par Téhéran comme une preuve de la fragilité des accords de normalisation : loin de garantir la paix, ils auraient importé le conflit jusque dans les capitales du Golfe. Les chaînes iraniennes insistent sur ce qu’elles appellent la « contagion de l’instabilité », avertissant Riyad et Abou Dhabi que leur alliance avec Israël pourrait se retourner contre elles.

Parallèlement, l’Iran adapte son langage. Après la reprise des relations avec l’Arabie saoudite en mars 2023, sous médiation chinoise, la dénonciation des « traîtres arabes » a laissé place à un appel à « l’unité islamique ». Cette diplomatie double – condamnations publiques, canaux de dialogue discrets – vise à éviter l’isolement tout en maintenant la posture d’avant-garde de la cause palestinienne.

La stratégie iranienne s’articule désormais autour de trois axes : une propagande constante pour délégitimer Israël ; des menaces implicites sur les économies et la sécurité des États du Golfe ; et une diplomatie pragmatique cherchant à ménager des ouvertures régionales. L’objectif est clair : dissuader de nouveaux pays – Syrie post-Assad, Arabie saoudite sous condition palestinienne – d’adhérer aux Accords d’Abraham, et présenter Israël non comme un facteur de stabilité mais comme une source de chaos.

Pour Israël et ses alliés, le défi est d’autant plus aigu que la guerre en cours démontre la capacité de Téhéran à instrumentaliser chaque crise. Alors que Jérusalem et Washington cherchent à élargir le cercle de la normalisation, l’Iran se charge d’alimenter le doute, rappelant à ses voisins arabes que, selon ses termes, « ils ont misé sur le mauvais cheval ».


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
© 2025 – Tous droits réservés