La publication du rapport accablant de Greenpeace a provoqué une onde de choc dans toute l’industrie textile mondiale. Selon l’enquête scientifique menée par le Bremer Umweltinstitut, laboratoire allemand certifié et indépendant, les vêtements achetés sur la plateforme chinoise Shein contiennent des concentrations dramatiquement élevées de substances toxiques — et c’est Israël qui enregistre les niveaux les plus extrêmes. Un simple manteau commandé depuis Israël contenait une quantité de PFAS — les “produits chimiques éternels” — 3 269 fois supérieure à la limite autorisée par la réglementation européenne REACH. Une donnée qui, à elle seule, expose la gravité du danger sanitaire auquel les consommateurs sont confrontés.
Le rapport, publié simultanément dans la presse allemande, espagnole, suisse et israélienne, révèle que sur les 56 articles achetés par Greenpeace dans huit pays, 18 dépassent largement les seuils légaux de substances toxiques. Mais la véritable alerte vient d’Israël : sur les cinq articles testés, quatre contenaient des produits dangereux, et deux dépassaient drastiquement les normes internationales. Les PFAS retrouvés dans le fameux manteau ne sont pas de simples résidus industriels : ce sont des composés chimiques utilisés pour rendre les tissus hydrofuges, à l’épreuve des taches ou plus résistants. Ils sont toutefois liés, selon de multiples études scientifiques publiées dans The Lancet, Nature et l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), à des cancers, à des troubles du développement chez les enfants, à la stérilité et à des perturbations endocriniennes graves. Leur surnom, « Forever Chemicals », n’est pas une métaphore : ils ne se dégradent jamais dans la nature et s’accumulent dans le sang humain pendant des décennies.
Le laboratoire allemand a également relevé la présence de phtalates dans plusieurs articles, notamment des sandales achetées en Israël. Ces molécules, utilisées pour assouplir le plastique, sont elles aussi classées comme perturbateurs endocriniens. D’autres vêtements contenaient du cadmium et du plomb — des métaux lourds interdits dans la plupart des pays occidentaux. Bien que certains articles israéliens se situent encore dans les limites légales pour ces métaux, la tendance globale révèle une industrie où la gestion des risques chimiques est inexistante.
Le scandale est d’autant plus grave que Shein, géant mondial de l’ultra fast fashion, inonde le marché israélien depuis plusieurs années. Les commandes explosent, souvent livrées à domicile en moins d’une semaine, attirant des milliers de jeunes consommateurs séduits par les prix bas, les renouvellements incessants et la publicité massive sur TikTok et Instagram. Mais ce modèle, basé sur une production industrielle à la chaîne dans des usines opaques, montre ici son vrai visage : un système totalement hors contrôle, où le coût environnemental et sanitaire est transféré aux clients finaux, en particulier dans les pays où la régulation est plus permissive.
Pour Israël, ce rapport met en lumière une vulnérabilité particulière : l’absence de lois strictes encadrant les substances chimiques dans les textiles importés. Contrairement à l’Union européenne, qui impose la réglementation REACH depuis 2007, Israël ne dispose pas encore de cadre contraignant permettant d’interdire des produits textiles contenant des substances dangereuses au-delà d’un seuil défini. Greenpeace Israël l’a répété dans plusieurs médias locaux : “Le consommateur israélien est devenu une zone de test toxicologique à ciel ouvert.” Les conclusions sont sans appel : les produits toxiques envoyés en Israël sont plus dangereux, plus chargés en produits chimiques et moins filtrés que ceux vendus en Europe occidentale.
Les conséquences sanitaires sont loin d’être théoriques. Les PFAS pénètrent dans la peau via la transpiration ou l’abrasion du tissu. Ils contaminent les eaux usées lorsque les vêtements sont lavés — ce qui signifie que les machines à laver israéliennes, puis les stations d’épuration, puis la mer Méditerranée, reçoivent ces substances persistantes. C’est un cercle vicieux : le consommateur porte le vêtement, le vêtement relâche des toxines, les toxines polluent l’environnement, puis reviennent par la chaîne alimentaire. C’est précisément ce que l’Union européenne tente de stopper en interdisant progressivement des milliers de composés PFAS. Israël, lui, n’en est qu’au début de cette prise de conscience.
Le caractère explosif du rapport ne réside pas seulement dans les chiffres. Il révèle les méthodes industrielles d’une entreprise devenue symbole de l’opacité mondiale. Shein ne produit pas elle-même ses vêtements : elle sous-traite à des milliers de micro-usines chinoises, souvent sans contrôle, sans audits environnementaux, et sans responsabilité claire. Le modèle repose sur l’hyper-vitesse : produire aujourd’hui, livrer demain, recommencer après-demain. Dans cet environnement, les normes sanitaires deviennent un obstacle, donc une variable contournée. Les chercheurs de Greenpeace notent que les vêtements les plus dangereux sont ceux fabriqués dans les plus petits ateliers, où les opérateurs utilisent des traitements chimiques interdits pour accélérer la teinture, renforcer le tissu ou éviter les moisissures durant le transport.
L’enquête de Greenpeace soulève aussi une question politique majeure : comment protéger les consommateurs israéliens — adultes, enfants, nourrissons — face à une industrie mondiale incontrôlable ? La directrice du programme Consommation de Greenpeace Israël, citée par les médias nationaux, affirme que le pays doit adopter de toute urgence une législation comparable à celle de l’Union européenne : “Sans réglementation forte, l’industrie textile continuera d’inonder Israël de produits toxiques. Il n’y a aucune raison pour que les vêtements envoyés ici soient plus dangereux que ceux envoyés en Suisse ou en Allemagne.” La déclaration souligne une réalité dérangeante : Israël, pays technologiquement avancé, reste en retard dans la régulation des biens de consommation importés.
Sur les réseaux sociaux israéliens, la polémique enfle. Des parents s’indignent d’apprendre que des vêtements achetés pour leurs enfants — parfois des manteaux, parfois des chaussures — contiennent potentiellement des substances cancérigènes. Des médecins spécialistes, notamment des oncologues pédiatriques, appellent à une réaction rapide du ministère de la Santé. Certains députés évoquent déjà la possibilité de proposer une loi introduisant des contrôles obligatoires sur les textiles importés à grande échelle.
Derrière ce scandale, une vérité plus large se dessine : la fast fashion n’est pas seulement un problème esthétique ou environnemental. Elle est devenue une menace sanitaire. Et l’exemple israélien le démontre avec force. Le modèle Shein, qui repose sur l’achat impulsif, la consommation rapide et le remplacement constant, ne peut exister que dans un monde où les contrôles chimiques sont faibles. Israël, où une majorité des jeunes achètent désormais leurs vêtements en ligne, se trouve en première ligne de cette transformation dangereuse.
Les PFAS détectés à des niveaux 3 269 fois supérieurs au seuil autorisé rappellent l’une des règles essentielles des crises sanitaires : lorsque l’industrie prend l’avantage sur la régulation, ce sont les citoyens qui paient le prix. Et dans ce cas précis, le prix est potentiellement lourd, silencieux, invisible, mais cumulatif.
La question maintenant est simple : Israël continuera-t-il d’être une zone grise de consommation textile ? Ou transformera-t-il cette alerte mondiale en moteur de réforme ? Le scandale Shein peut devenir le point de bascule d’une politique sanitaire ambitieuse. À condition que le pays décide, enfin, de faire passer la santé publique avant les prix cassés.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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