AMALEK, LE MAL À VISAGE HUMAIN – Par RONY AKRICH

 

« Ainsi parla le Seigneur des ArmĂ©es: Je demande des comptes Ă  Amalek pour ce qu’il a fait Ă  IsraĂ«l en se mettant sur son chemin Ă  sa sortie d’Egypte: Maintenant, va frapper Amalek, et anĂ©antissez tout ce qui est Ă  lui; qu’il n’obtienne point de merci! Fais tout pĂ©rir, homme et femme, enfant et nourrisson, bƓuf et brebis, chameau et Ăąne! » (Shmouel1 15,2-3).

Selon nos sages, nos maĂźtres Ă  penser, le conflit engagĂ© par le prophĂšte, juge et prĂȘtre, Shmouel, contre les AmalĂ©cites Ă  l’époque du roi Shaul, ne  concerne et ne commande pas seulement les souverains d’antan. Cette injonction Divine va bien au-delĂ  d’un temps ou d’une Ă©poque, elle demeure d’ailleurs tout autant conforme aujourd’hui. La question qui se pose est la suivante: quelle est donc cette nĂ©cessitĂ© pouvant justifier une Ă©ducation entraĂźnant nos HĂ©breux vers un caractĂšre revanchard, jusqu’au-boutiste et dangereux?

Rambam, “le grand aigle”, tĂ©moigne sans l’ombre d’un doute de la non-violence d’IsraĂ«l, mĂȘme au vu et su du commandement Divin, les HĂ©breux utiliseront la force uniquement aprĂšs avoir proposĂ© la paix. Rassurez-vous, depuis les conquĂȘtes de JosuĂ©, nous proposions trois formules de face Ă  face: accepter le statut de citoyen Ă©tranger, quitter les lieux, ou la guerre totale. L’enseignement est clair et peu importe la conjoncture, guerre de dĂ©fense ou autre, l’ultimatum sera dĂ©livrĂ© Ă  chaque occasion.

Le Rambam inscrit dans ses lois royales (ch. 6 loi 4) l’éventuelle non belligĂ©rance avec Amalek, si jamais ce dernier convenait d’un Ă©tat de paix sans appel. Incontestablement, cette entente impose Ă  Amalek un changement radical, une mĂ©tamorphose intĂ©rieure totale, car il est certes plus difficile de corriger l’ensemble d’une conscience nationale que de modifier au singulier nos faits et gestes. Nos illustres maĂźtres n’hĂ©sitent guĂšre Ă  nous rappeler certaines rĂ©alitĂ©s Ă©tonnantes: des descendants d’Aman en droite ligne d’Amalek (adepte d’une solution finale du problĂšme juif) instruisaient le texte sacrĂ© Ă  BnĂ©-Brak. Une histoire pathĂ©tique oĂč des hommes, dont l’ancĂȘtre Ă©tait le mal Ă  visage humain selon la formule de Hannah Arendt, dĂ©cident d’adhĂ©rer Ă  la foi et au peuple d’IsraĂ«l.

Pourrions-nous conclure que la paix est possible ?

À cette fin, nous devons dĂ©chiffrer l’évĂ©nement « Amalek » Ă  travers ses manifestations tant matĂ©rielles que spirituelles, la soudainetĂ© de sa dĂ©cision, celle de se lancer Ă  l’assaut d’IsraĂ«l et de lui assener un coup fatal. Il n’est nullement question ici d’une quelconque revendication territoriale de la part des AmalĂ©cites. Les HĂ©breux sont des esclaves nouvellement affranchis, sortis des mĂ©andres de la souffrance exilique aprĂšs des gĂ©nĂ©rations et qui, enfin, peuvent souffler et jouir de la libertĂ© et du bonheur retrouvĂ©.

Amalek lñche sa horde vers les plus faibles, ceux qui se traünent, ceux qui doutent du bon sens de l’aventure.

« Souviens-toi de ce que t’a fait ‘Amalek, lors de ton voyage, au sortir de l’Egypte ; comment il t’a surpris chemin faisant, et s’est jetĂ© sur tous les traĂźnards par derriĂšre. Tu Ă©tais alors fatiguĂ©, Ă  bout de forces, et lui ne craignait pas D.ieu. Aussi, lorsque le Seigneur, ton D.ieu, t’aura dĂ©barrassĂ© de tous tes ennemis d’alentour, dans le pays qu’Il te donne en hĂ©ritage pour le possĂ©der, tu effaceras la mĂ©moire d’Amalek de dessous le ciel: ne l’oublie point. » (Devarim 25,17-19).

La dĂ©termination du mal Ă  vouloir ruiner, sans mobile apparent, les plus vulnĂ©rables et les plus inoffensifs relĂšve d’une barbarie sans nom, elle Ă©voque pour nous l’une des pĂ©riodes les plus noires de l’Histoire contemporaine. Une seule solution existe, et Rambam, dans sa philosophie politique du Guide des EgarĂ©s (3Ăšme part. ch. 41), nous la remĂ©more: la force de la dissuasion. Il ne s’agit pas de chasser et de chĂątier le monstre seulement, il faut de maniĂšre absolue Ă©radiquer le mal Ă  sa racine, et anticiper toute rechute! Un seul ĂȘtre, un seul peuple s’essayant Ă  l’idĂ©e fallacieuse d’en finir avec les Juifs, saura de prime abord que le chĂątiment des HĂ©breux sera sans aucune pitiĂ©. Les consĂ©quences seront, non seulement, tragiques pour les acteurs mais aussi pour tous les leurs, ils trĂ©passeront frappĂ©s par une mĂȘme punition impitoyable et sans autre forme de procĂšs.

Nous serons alors les témoins de poignantes implorations de la part des femmes de ces démoniaques adversaires, elles refuseront de collaborer plus longtemps aux ambitions maladives et assassines. Une seule volonté, celle de sauver leur propre vie et celle de leurs enfants.

Pensez-vous que l’antisĂ©mitisme, la haine du Juif ait disparu? À mon grand regret, me voilĂ  bien obligĂ© de reconnaĂźtre l’insupportable insuffisance de l’Humain, si la science demeure son point d’orgue, son ĂȘtre se meurt. Le danger n’est pas Ă©cartĂ©, il reste omniprĂ©sent diluĂ© sous diverses formes hybrides, raison de notre vigilance et de notre vivacitĂ© Ă  rĂ©agir le plus promptement possible, Amalek est toujours lĂ .

Shaul se hĂąta d’exĂ©cuter le commandement Divin:

« Shaul convoqua le peuple
 Il y avait deux cent mille gens de pied, plus dix mille parmi les hommes de YĂ©houdah. » (Shmouel 1 15,4).

Sa cible fut dĂ©truite: «Shaul dĂ©fit ‘Amalek 
 Il prit vivant Agag, roi d »Amalek, et fit passer tout son peuple au fil de l’épĂ©e. » (7-8).

Selon le texte biblique, justice serait rendue. La campagne menĂ©e tambour battant par le nouveau souverain d’IsraĂ«l doit apporter une rĂ©ponse univoque aux HĂ©breux comme aux nations. Elle doit prĂ©server le monde de toute autre tentative de dĂ©stabilisation pouvant provoquer souffrances et dĂ©sastres.

Tout Ă©tait presque parfait, quand malheureusement il manqua Ă  son devoir, c’est-Ă -dire une pleine et entiĂšre obĂ©issance Ă  l’Éternel:

« Mais Shaul et l’armĂ©e Ă©pargnĂšrent Agag. » (9).

Ce fait, ce non-geste charitable peut-il rĂ©ellement mettre en danger le devenir d’IsraĂ«l? L’homme seul, dĂ©membrĂ© de son organisation criminelle, peut-il encore menacer l’état de paix ? Incontestablement le dessein du roi Shaul Ă©tait d’épargner Agag pour des raisons humanitaires, qui plus est, adopter une noble attitude en prĂ©servant le souverain de toute atteinte Ă  son corps dĂ©fendant. Las, le bĂąt blesse, sa mansuĂ©tude fut une fĂącheuse mĂ©prise:

« Sur quoi le Seigneur parla ainsi Ă  Shmouel : Je regrette d’avoir confĂ©rĂ© la royautĂ© Ă  Shaul, parce qu’il m’a Ă©tĂ© infidĂšle et n’a pas accompli mes ordres. » (10-11).

Le prophĂšte Shmouel prend les choses en main, et exĂ©cute ce qui devait ĂȘtre fait, c’est lui qui, dans tout son ĂȘtre de justice et de tendresse, donnera le coup de grĂące au roi d’Amalek.

« Comme ton Ă©pĂ©e a dĂ©solĂ© les mĂšres, qu’ainsi ta mĂšre soit dĂ©solĂ©e entre les femmes! Et Shmouel fit exĂ©cuter Agag devant le Seigneur. » (33).

Rambam Ă©voque Ă  plusieurs reprises ce sujet et dĂ©clare, sans ambiguĂŻtĂ©, que toute mansuĂ©tude Ă  l’égard des barbares entraĂźne inĂ©vitablement un comportement en porte Ă  faux vis-Ă -vis des ĂȘtres bienfaisants, puisque la confusion des valeurs rĂšgne en maĂźtre.

Les scĂ©lĂ©rats se retrouvent Ă  l’air libre et condamnent ainsi la sociĂ©tĂ© des justes  et des innocents Ă  vivre dans la peur et la crainte de chaque instant.

Avant que la sentence d’Agag ne soit prononcĂ©e, celui-ci eu le temps de copuler avec une servante et de donner naissance Ă  une descendance dont on entendra parler. Une de ces cĂ©lĂšbres figures fut « Aman le Perse » dont nous avions dĂ©jĂ  prĂ©cisĂ© le rĂŽle sur la scĂšne internationale: premier concepteur de la solution finale du problĂšme juif en un jour.

La pensĂ©e Ă©sotĂ©rique s’intĂ©resse particuliĂšrement Ă  ce thĂšme, car, en fin de compte, le sieur Aman engendrera des MaĂźtres en IsraĂ«l qui participeront Ă  la propagation du savoir et de la connaissance toraniques. Selon les sages kabbalistes, il se trouve donc une Ă©tincelle divine en toute chose, en clair, Amalek en est porteur tout autant que quiconque sinon il ne pourrait ĂȘtre. D’oĂč ce verset si spĂ©cifique:

« Tu effaceras la mĂ©moire d’Amalek de dessous le ciel.  » (Devarim 25,19).

Le Rav Kook, de cĂ©lĂšbre mĂ©moire, nous enseigne qu’au-dessus du ciel, il n’y a aucune nĂ©cessitĂ© Ă  devoir annihiler l’existence d’Amalek,  sa partie divine transcendante obtiendra, sans nul doute, son salut (Midoth haRĂ©iya: Aaava). Il s’agit trĂšs certainement de l’une des causes ayant poussĂ© Shaul Ă  la misĂ©ricorde.

Or, cette attitude, comme nous l’avons dit plus haut, causera nombre de dommages collatĂ©raux. Le Rav Kook insiste sur un fait indĂ©niable: il est impossible de gĂ©rer le quotidien selon les apprĂ©ciations de la mystique juive. Ces derniĂšres contribuent au meilleur entendement de l’intelligence profonde de la rĂ©alitĂ©, sans pour autant servir le vĂ©cu matĂ©riel, lĂ©galiste et suffisamment explicitĂ© au sein de la nature concrĂšte. (Commentaires sur le livre de priĂšres ‘Olat Réïya l, 438).

En conclusion, la puissance pernicieuse d’Amalek est encore et toujours prĂ©sente parmi nous. Le roi David ne rĂ©ussira qu’à blesser sĂ©rieusement l’hydre, sans pour autant Ă©liminer dĂ©finitivement le monstre qui n’aura de cesse Ă  poindre son visage hideux Ă  travers l’Histoire. Inlassable cruautĂ© qui se dĂ©verse par trombes et noie trop souvent l’HumanitĂ© dans les profondeurs de l’ignominie sans se prĂ©occuper des temps et des espaces.

La bataille est rude, mais notre rĂ©sistance est sans bornes, notre combat est assidu, soutenu mais parviendra Ă  ces fins envers et contre tous les alĂ©as de l’Histoire.

Pour le plus grand bien d’une crĂ©ation en mal de vivre, mais encore et toujours emplie d’espoir envers un devenir des plus prometteurs.

 

Par RONY AKRICH pour Alyaexpress-News


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