Amours tiĂšdes et haines douces : le patrimoine des gens mĂ©diocres – Par Rony Akrich

 

Les rĂ©fĂ©rences littĂ©raires d’hier et d’aujourd’hui ne manquent guĂšre au signifiĂ© de l’éternelle exigence d’intensifier l’Amour autour de soi et d’abord pour soi.

Un sentiment bien trempĂ© pour mieux gĂ©rer mes relations, mes oppositions et Ă©viter l’ingĂ©rence de pensĂ©es malĂ©fiques capables de renverser le pouvoir de l’Amour. Saisir la nature de ce sentiment, la maniĂšre de le vivre, au travers des Ă©preuves du quotidien, doit prĂ©sumer de l’apport des Ă©motions dans un Amour essentiel au devenir de tous et de chacun.

Nous savons que la haine gratuite dĂ©truisit le second Temple, le Rav Kook (Orot haKodesh) dĂ©clarait  Ă  ce sujet : « ce qui fut dĂ©truit par haine gratuite ne pourra ĂȘtre reconstruit que par Amour gratuit ».

Ce concept est assez rĂ©cent, malgrĂ© une recherche exhaustive, il demeure introuvable parmi les anciennes Ă©critures. Si « haine gratuite » est une formule pourtant trĂšs usitĂ©e,  son antonyme ne l’est, lui, que trĂšs rarement.

Pour quelle raison? L’argument pour l’expliquer est  élĂ©mentaire.  L’expression fait dĂ©faut car le sujet relĂšve d’un verbe conjuguĂ© naturellement et associĂ© au premier pas de l’existence originelle. On trouve nombres d’ordonnances concernant la haine et ses frontiĂšres, la loi rĂ©prime la haine mais aucune ne lĂ©gifĂšre sur le devoir d’aimer.

ConcrĂštement, la haine ne peut ĂȘtre un idĂ©al envers et contre tous, la lutte sans merci livrĂ©e aux forces du mal ne peut empĂȘcher un tant soit peu l’expression de l’Amour par compassion ou mansuĂ©tude.

Aimer Dieu traduit nĂ©cessairement une prĂ©occupation, sans Ă©gale, de sa CrĂ©ation comme de ses crĂ©atures, il s’agit lĂ  d’un aphorisme plus qu’évident de la profonde nature d’IsraĂ«l. Celui-ci  poursuit l’Ɠuvre du patriarche Avraham, un homme dont l’engagement moral lui permit de ne jamais tomber dans l’absolu et de toujours relativiser la rĂ©alitĂ©.

Le Rav Tsvi Yehuda haCohen Kook, dans son ouvrage (Le-Netivot Yisrael 2, 222), nous  entretient des concepts de gratuitĂ© et d’amour, il ne souhaite nullement dĂ©finir l’Amour comme une vertu sans raison ou bien par trop rĂ©flĂ©chie.

Il s’agit d’un Amour sans calcul, un Amour jailli des sources premiĂšres et naturelles du Projet crĂ©ateur d’IsraĂ«l.

Il ne dĂ©pend de rien, il est Ă  l’image de l’Amour divin, une alliance Ă©ternelle.

La gratuitĂ© de l’Amour n’aspire nullement aux bons et loyaux services vis-Ă -vis de Dieu, mais Ă  la seule bonne action de ce qui doit ĂȘtre ‘bien-fait’.

L’Amour ambitionne d’offrir sans ne jamais rien attendre en retour.

L’Amour aime pour ce qu’il est et non pour ce qu’il deviendra.

Il fait fi de toute insuffisance et ne supporte guĂšre le conditionnel. Il souffre la souffrance de l’ĂȘtre aimĂ© et se rĂ©jouit naturellement de sa joie sans que ce dernier n’ait pu prendre le temps de l’exprimer. Conscient des dĂ©fauts et des insuffisances de l’ĂȘtre il garde pour lui une totale dĂ©fĂ©rence, ainsi s’énonce le verset du prophĂšte Zekharya 8,17:  » Ne mĂ©ditez dans votre cƓur aucune mĂ©chancetĂ© l’un contre l’autre, n’aimez pas le faux serment, car toutes ces choses, je les hais, dit l’Eternel. « 

Le CrĂ©ateur maĂźtrise a priori la diffĂ©renciation complĂ©mentaire de nos genres, deux crĂ©atures humaines, somme toute identiques, mais créées Ă  partir d’une volontĂ© diffĂ©rente. NĂ©anmoins, l’une n’est jamais exactement la rĂ©plique de l’autre. Ces deux ĂȘtres sont, de par leur patrimoine hĂ©rĂ©ditaire, Ă©ducatif, culturel et historique, le reflet d’un caractĂšre unique dans leur singularitĂ©. L’Eternel a manifestement soutenu cette diversitĂ©, mais Il ne l’a favorisĂ©e qu’au sein de l’unitĂ© premiĂšre. Il existe dans la nature créée une complicitĂ© mutuelle entre l’altĂ©ritĂ© et l’identitĂ©. L’opposition ne s’oppose pas toujours totalement, la similitude ne relĂšve pas toujours du semblable. Les vĂ©ritĂ©s sont des combinaisons, des composites d’IdentitĂ© et d’AltĂ©ritĂ©.

 

L’Amour demeure cet unique condiment si essentiel Ă  l’unitĂ© nationale, au vivre ensemble et au devenir sociĂ©tal.

Ainsi pour le peuple d’IsraĂ«l, plus il se rassemble, sans ressemblance aucune, autour de cet  idĂ©al foncier offert et acceptĂ© au mont SinaĂŻ, plus il redore son blason et prĂ©sente ses lettres de noblesse HĂ©braĂŻque Ă  l’HumanitĂ©.

A l’inverse, il n’est guĂšre difficile d’apprĂ©hender le pouvoir de la haine gratuite et ses effets dramatiques quant au devenir national.

Le devoir d’aimer devient ainsi  limpide comme l’eau de roche, un Amour d’IsraĂ«l envers et contre toutes nos diffĂ©rences car ce qui nous rapproche est bien plus important, c’est alors vouloir offrir et octroyer Ă  la nation d’IsraĂ«l le meilleur de ses prophĂ©ties.

L’Amour gratuit ne veut pas dire aimer l’autre sans raison mais nous n’avons aucune raison particuliĂšre de ne pas le vivre, il suffit de savoir et de comprendre le sens de cette appartenance au peuple messager, nulle autre raison n’est nĂ©cessaire. Cependant le Rav Kook dans « Igrot haReaya 2, p 187 » s’empresse de nous mettre en garde contre un amour intempestif et exacerbĂ©, il tente de nous instruire des dangers inhĂ©rents Ă  un amour par trop libĂ©rĂ© et imprudent.

Certaines  personnes jugent, considĂšrent et apprĂ©cient l’autre et autrui de maniĂšre erronĂ©e, du seul fait de leurs connaissances peu Ă©laborĂ©es et guĂšre objectives. Ainsi, elles font preuve d’un manque probant de perspicacitĂ© face aux dualitĂ©s de l’ĂȘtre, d’une incapacitĂ© Ă  entendre celui qui, selon son Ăąme et sa conscience, est, d’une autosatisfaction des seules apparences aussi partiales soient elles.

Il faut savoir, sans l’ombre d’un doute, distinguer entre le difficile reflet des sources profondes et sacrĂ©es de l’ĂȘtre  et la pollution consumĂ©riste de son  libre arbitre entraĂźnĂ©e vers les catacombes d’un ‘ĂȘtre’ devenu ‘avoir’.

Nous voici en prĂ©sence d’ñmes prisonniĂšres d’elles-mĂȘmes, de roses entourĂ©es d’épines, mais que celui qui aime la rose supporte ses Ă©pines! Actuellement beaucoup d’organismes religieux essayent de ramener les brebis Ă©garĂ©es dans les ‘verts pĂąturages’ de la foi et du culte. Pour rapprocher un homme de la Torah, il faut se hisser Ă  un niveau oĂč l’on pourra l’aider en Ă©tant certain de ne pas rĂ©gresser. Nos maĂźtres enseignent une rĂšgle essentielle qui renforce cette idĂ©e: « Seules les paroles qui sortent du cƓur pĂ©nĂštrent dans le cƓur».

 

Rav Eliahou Dessler zatsal dit: « Seul un individu ayant totalement assimilĂ© une notion peut ne faire qu’un avec elle, et pouvoir ainsi rĂ©ussir Ă  convaincre son prochain.  A l’inverse, vouloir acquĂ©rir, mentalement, une quantitĂ© de savoir sans ne jamais vivre ce que l’on sait, cela nous interdit toute communication vraie avec autrui. »

 

En clair, si un individu n’agit pas comme notre patriarche Avraham, il lui sera pratiquement impossible d’apprĂ©hender sa stature morale. Ne pas ĂȘtre Ă  la hauteur de son Ă©thique et tenter de lui ressembler, vouloir de toutes les façons convaincre les hommes de la justesse du texte Divin, rien de cela ne pourra gĂ©nĂ©rer un quelconque renouveau dans le temps. Pire, on risque soi-mĂȘme de se prendre au jeu et d’y perdre un tant soit peu de son assurance.


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