Riyad Khedir, un activiste tunisien installé en Allemagne, a publié un message sur les réseaux sociaux exigeant que la Tunisie « retire la citoyenneté » à tout Juif tunisien servant dans les rangs de Tsahal.
L’appel, relayé par plusieurs pages Facebook tunisiennes le 13 octobre, a immédiatement suscité un flot de réactions, entre soutien nationaliste et condamnation pour incitation à la haine.
Le militant justifie sa position par la « défense des valeurs arabes » et l’« opposition à l’ennemi sioniste », sans évoquer les Tunisiens musulmans ayant acquis une double nationalité étrangère et servi dans d’autres armées, notamment en Europe.
L’affaire, à première vue marginale, réveille une vieille fracture : la place des Juifs d’origine tunisienne dans la mémoire nationale. Beaucoup ont quitté le pays après l’indépendance et les émeutes antijuives de 1967, mais demeurent attachés à leur double identité culturelle et linguistique.
Un discours dangereux et révélateur
Cet appel au bannissement s’inscrit dans une dérive idéologique qui se banalise dans certaines sphères politiques du monde arabe : celle qui confond judaïsme, sionisme et trahison nationale.
Dans un pays qui se veut démocratique depuis la révolution de 2011, une telle proposition viole les principes constitutionnels les plus élémentaires, notamment la liberté de conscience et l’égalité des citoyens.
Les autorités tunisiennes n’ont pas réagi officiellement, mais des observateurs soulignent que de telles déclarations nourrissent un climat de suspicion et d’hostilité à l’égard d’une communauté déjà fragilisée.
Selon l’universitaire franco-tunisien Jacob Lellouche, « ces appels à la déchéance de nationalité ne sont pas une question juridique, mais un test moral : ils révèlent à quel point l’antisémitisme politique reste ancré dans certaines élites post-révolutionnaires ».
Le contexte régional
Cet épisode survient alors que plusieurs États arabes ont normalisé leurs relations avec Israël dans le cadre des Accords d’Abraham, signés en 2020.
La Tunisie, elle, reste à l’écart, affichant une hostilité constante envers Jérusalem. Pourtant, de nombreux Tunisiens d’origine juive vivent en Israël, certains occupant des fonctions importantes dans les domaines de la science, de la défense ou de la culture.
Pour ces citoyens israéliens nés de familles tunisiennes, servir dans Tsahal n’est pas un acte de trahison, mais la continuité d’un engagement envers leur pays d’accueil et la défense du peuple juif.
Analyse : un miroir des contradictions tunisiennes
En réalité, ce type d’appel reflète le malaise identitaire d’une Tunisie en quête de repères.
Coincée entre un nationalisme arabe hérité du nassérisme et un islam politique persistant, elle peine à assumer la diversité de son histoire.
Les Juifs tunisiens, pourtant enracinés depuis des siècles, deviennent le symbole commode d’une identité niée : celle d’un pays pluriel, méditerranéen et ouvert sur l’Occident.
La haine d’Israël sert souvent de diversion face à la crise économique et sociale profonde.
Comme le souligne un éditorialiste de The Times of Israel, « l’obsession antisioniste est la soupape d’un système incapable de se réformer ».
Or, cette rhétorique dangereuse isole la Tunisie encore davantage de ses voisins qui, eux, choisissent la voie du dialogue et des échanges économiques avec Israël.
La question dépasse le seul cas tunisien. Elle interroge le rapport du monde arabe à ses propres minorités, et sa capacité à dépasser la logique du rejet.
Retirer la nationalité pour cause de service militaire en Israël, c’est criminaliser un lien identitaire, religieux et historique.
C’est aussi refuser d’admettre que la loyauté nationale et l’attachement au peuple juif ne s’excluent pas mutuellement.
Face à ce glissement dangereux, le silence officiel de Tunis résonne comme une approbation tacite.
Mais pour la communauté juive tunisienne — qu’elle vive à Djerba, à Netanya ou à Paris — le message est clair : tant que la haine primera sur la mémoire commune, il ne pourra y avoir ni réconciliation, ni avenir partagé.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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