Le retour de Nimrod Cohen des geôles du Hamas aurait pu être un moment d’unité et d’émotion nationale. Mais la joie s’est vite transformée en polémique. Son père, Yehouda Cohen, figure publique des familles d’otages, est devenu en quelques heures la cible d’une tempête politique et médiatique. Ses propos virulents contre le gouvernement de Benyamin Netanyahou, tenus à peine quelques jours après la libération de son fils, ont suscité une vague d’indignation à droite comme au centre. Pour beaucoup d’Israéliens, celui qui incarnait la souffrance collective a franchi la ligne rouge de la décence.
Yehouda Cohen s’était imposé, durant la guerre, comme l’un des visages du combat pour la libération des otages. Invité sur de nombreux plateaux, il s’était montré critique envers la gestion du gouvernement, multipliant les appels à une “responsabilité politique” et les mises en cause directes du Premier ministre. Mais depuis la libération de son fils, ses propos se sont radicalisés. Dans un entretien qui a choqué une partie de l’opinion, il a déclaré : « Cet homme [Netanyahou] est dangereux pour Israël. Il serait prêt à bombarder Jérusalem pour rester un jour de plus au pouvoir. » Une phrase qui a enflammé les réseaux sociaux et relancé un débat explosif : jusqu’où va le droit à la critique lorsqu’on parle depuis la douleur ?
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Des familles endeuillées, des vétérans de Tsahal et plusieurs responsables religieux ont dénoncé ses paroles. “Yehouda Cohen a oublié que c’est l’armée qu’il salissait hier qui a risqué sa vie pour libérer son fils”, a écrit un parent de soldat tombé au combat, cité par Arutz Sheva. Sur X (ex-Twitter), certains ont rappelé ses liens passés avec des militants d’extrême gauche, accusant Cohen d’avoir “servi la propagande des ennemis d’Israël”. Le ressentiment est profond : il ne vise pas la douleur d’un père, mais l’usage politique qui en est fait. Dans une société encore marquée par le trauma du 7 octobre, transformer la souffrance en arme partisane est perçu comme une trahison morale.
Les médias de gauche, eux, défendent le droit de Cohen à s’exprimer librement. Pour eux, sa colère illustre le désarroi d’une partie du pays, épuisée par la guerre et les promesses politiques non tenues. Mais cette lecture laisse sceptique la majorité des Israéliens, qui voient dans ce discours une nouvelle tentative de récupération. Comme l’explique un éditorialiste de Jerusalem Post, “le problème n’est pas ce que dit Yehouda Cohen, mais le moment où il le dit. Quand tout un peuple se recueille, il choisit l’accusation.” Ce décalage révèle la fracture morale qui traverse Israël : d’un côté, la compassion sincère ; de l’autre, une minorité incapable de suspendre sa haine politique, même au nom de l’unité nationale.
Derrière l’affaire Cohen, c’est une question plus large qui se pose : comment préserver la dignité du deuil collectif dans une société saturée de colère ? Les Israéliens aspirent à la paix intérieure autant qu’à la sécurité. Mais tant que la douleur servira d’étendard politique, la guérison restera hors de portée. Yehouda Cohen aurait pu redevenir un symbole d’espoir et de gratitude ; il est devenu, malgré lui, le miroir d’un Israël divisé. Car dans ce pays où chaque larme porte une histoire, toutes les larmes ne sont pas innocentes — certaines, hélas, se transforment en discours.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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