Après l’insulte de Yair Netanyahou, Emmanuel Macron s’entretient avec Mahmoud Abbas sur la reconnaissance d’un État palestinien

La crise diplomatique entre Paris et Jérusalem continue de s’envenimer. Vingt-quatre heures après que Yair Netanyahou, fils du Premier ministre israélien, a insulté Emmanuel Macron pour sa volonté de reconnaître un État palestinien, le président français a tenu un entretien officiel avec Mahmoud Abbas. Le chef de l’État français a confirmé que la France « mobilisait toutes ses forces » pour promouvoir une solution à deux États, tandis que des sources palestiniennes affirment que Paris pourrait reconnaître la Palestine « dans les prochaines semaines ».

Un échange entre Macron et Abbas

Lundi, Emmanuel Macron a annoncé sur X, en hébreu, qu’il venait de s’entretenir avec le président de l’Autorité palestinienne. « La France mobilise toutes ses forces pour obtenir la libération de tous les otages, le renouvellement d’un cessez-le-feu durable et l’acheminement immédiat de l’aide humanitaire à Gaza », a-t-il écrit.

Dans son message, le président français a insisté sur « l’après-guerre » : démantèlement de l’arsenal du Hamas, mise en place d’une gouvernance « crédible » et réforme en profondeur de l’Autorité palestinienne. Ces étapes, selon lui, doivent permettre de « progresser vers une solution politique à deux États, pour la paix et la sécurité de tous ».

Du côté palestinien, la présidence d’Abbas a confirmé la teneur de l’entretien. Selon une source citée par Sky News Arabia, Macron aurait demandé à Abbas de préparer sa succession en désignant un vice-président, de réorganiser le Fatah et de réintégrer des figures écartées comme Mohammed Dahlan ou Nasser al-Qoudwa. La même source affirme que Macron a promis que la France envisageait « sérieusement » de reconnaître un État palestinien dans les frontières de 1967 d’ici quelques mois.

Le contexte : l’insulte de Yair Netanyahou

Cette conversation intervient au lendemain d’une polémique qui a fait grand bruit. Yair Netanyahou, le fils aîné du Premier ministre, a violemment insulté Emmanuel Macron sur les réseaux sociaux, lui lançant : « Va te ***** » en réaction à son projet de reconnaissance d’un État palestinien.

Benjamin Netanyahou a publiquement pris ses distances avec le ton employé, tout en soutenant le fond du message. « Le style n’est pas acceptable, mais Yair est un vrai sioniste qui se soucie de l’avenir du pays », a-t-il déclaré, défendant son fils tout en fustigeant la position française.

Le Premier ministre a ajouté que « Macron se trompe gravement en continuant à promouvoir l’idée d’un État palestinien au cœur de notre pays, dont la seule aspiration est la destruction d’Israël ». Il a rappelé qu’aucun responsable du Hamas ni même de l’Autorité palestinienne n’avait condamné les atrocités du 7 octobre 2023, « la pire tuerie de Juifs depuis la Shoah ».

Une reconnaissance imminente ?

Depuis juillet, Emmanuel Macron a affiché sa volonté de faire de la France un moteur de la reconnaissance internationale de l’État palestinien, en lien avec l’Arabie saoudite. En septembre, lors de l’Assemblée générale de l’ONU, Paris doit co-présider une conférence internationale consacrée à la solution à deux États.

Selon les Palestiniens, la reconnaissance française serait imminente. Un conseiller d’Abbas a affirmé que Paris pourrait annoncer officiellement sa décision « dans les prochaines semaines », ajoutant que Macron considérait ce geste comme une étape indispensable pour relancer le processus de paix.

Les craintes israéliennes

Pour Israël, cette perspective est inacceptable. Le gouvernement Netanyahou accuse Macron de « récompenser le Hamas » en pleine guerre et de fragiliser les efforts pour libérer les otages. « Une reconnaissance unilatérale n’apporte pas la paix, elle donne un signal aux terroristes qu’ils ont gagné », a commenté un haut responsable israélien.

L’analogie d’Amir Ohana, président de la Knesset, comparant Macron à Chamberlain à Munich en 1938, résume l’état d’esprit à Jérusalem : la conviction que la France répète les erreurs de l’histoire en cherchant à apaiser les ennemis d’Israël.

Une fracture diplomatique ouverte

Jamais depuis la guerre des Six Jours de 1967 les relations franco-israéliennes n’avaient été aussi dégradées. Israël a déjà menacé de fermer le consulat français à Jérusalem et de saisir des propriétés françaises, dont le Tombeau des Rois. Paris, de son côté, envisage des contre-mesures, comme restreindre les passeports diplomatiques israéliens ou limiter les activités du Mossad sur son sol.

Dans ce climat explosif, la moindre déclaration prend une dimension de crise. Le simple échange entre Macron et Abbas, perçu comme un signe d’engagement, est lu en Israël comme un affront direct.

Une affaire qui dépasse le Moyen-Orient

Cette confrontation a aussi des répercussions intérieures. Emmanuel Macron, déjà affaibli par des sondages catastrophiques (seuls 15 % des Français lui font confiance), se retrouve critiqué à la fois en France et en Israël. Ses adversaires l’accusent de trahir la sécurité d’Israël et de jouer un jeu dangereux avec le Hamas.

Pour les Palestiniens, en revanche, la position française est un espoir : voir une grande puissance occidentale briser le tabou et reconnaître officiellement leur État, près de 80 ans après la création d’Israël.

Conclusion : l’Europe au pied du mur

L’entretien Macron–Abbas révèle une fracture profonde entre Israël et une partie de l’Europe. Là où Jérusalem voit une prime au terrorisme, Paris revendique une stratégie pour la paix. Mais la brutalité du 7 octobre et l’absence de condamnation claire de la part des dirigeants palestiniens rendent cette démarche presque inaudible pour les Israéliens.

Pour Israël, il s’agit d’un combat existentiel. Pour la France, d’une bataille diplomatique censée peser à l’ONU. Mais dans ce duel de récits, un constat demeure : le fossé entre les deux alliés historiques n’a jamais été aussi large.

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