Le 31 mai dernier, dans la zone industrielle de Puget-sur-Argens (Var), un drame glaçant a marqué la France : Christophe Belgembe, 53 ans, a tué son voisin tunisien, Hichem Miraoui, et blessé grièvement un homme d’origine turque. Poursuivi pour assassinat et tentative d’assassinat « terroriste » à caractère raciste, il a été placé en détention provisoire. L’affaire, qualifiée par les services de renseignement de premier attentat d’ultradroite en France, soulève une question lourde de conséquences : s’agit-il d’un « moment de folie » isolé ou d’un acte prémédité ancré dans une idéologie violente ?
Un meurtre raciste au cœur de la nuit
Le soir du 31 mai, vers 22h35, la gendarmerie est alertée par l’épouse de l’auteur. Elle signale que son mari vient de tirer sur ses voisins. Sur place, les forces de l’ordre découvrent un corps sans vie : celui de Hichem Miraoui, 45 ans, Tunisien installé en France depuis plusieurs années. À ses côtés, un homme d’origine turque, blessé par balles, est transporté en urgence à l’hôpital.
L’arme utilisée est un fusil légalement détenu. Christophe Belgembe, ouvrier sans antécédents judiciaires, n’a pas résisté à son arrestation. Selon plusieurs témoins, il nourrissait depuis longtemps une hostilité vis-à-vis de ses voisins immigrés, multipliant les propos xénophobes.
L’accusation de terrorisme retenue
Dès le lendemain, le Parquet national antiterroriste (PNAT) s’est saisi de l’affaire. L’homme est poursuivi non seulement pour assassinat et tentative d’assassinat, mais avec la circonstance aggravante de terrorisme.
Cette qualification repose sur deux éléments :
- Le choix des victimes, ciblées uniquement en raison de leur origine étrangère.
- L’adhésion supposée de l’auteur à une idéologie raciste d’ultradroite, nourrie par des lectures et discours identitaires.
En juillet, lors de son audition, Christophe Belgembe n’a pas revendiqué explicitement une appartenance politique. Mais ses propos confus et ses écrits retrouvés à son domicile laissent entrevoir un imaginaire complotiste où l’immigration est perçue comme une « invasion ».
Les services de renseignement en alerte
La coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) s’est réunie début juillet autour de cette affaire. Dans un rapport interne, les analystes soulignent que « cet acte constitue la première attaque terroriste d’ultradroite en France », ajoutant que « le risque de contagion, par mimétisme ou par radicalisation accélérée, ne peut être exclu ».
En filigrane, c’est la montée de l’ultradroite violente qui inquiète. Inspirée par des modèles américains, mais aussi par des attentats comme celui d’Anders Breivik en Norvège (2011)【source : Anders Breivik – Wikipédia】, une partie de ces mouvances fantasment sur une guerre raciale. Internet, via les forums cryptés et les réseaux sociaux radicaux, joue un rôle central dans cette dynamique.
Un profil inquiétant mais banal
À première vue, Christophe Belgembe ne correspond pas au cliché du terroriste organisé. Ouvrier discret, sans passé judiciaire, père de famille, il semblait mener une vie banale. Mais ses proches décrivent un homme obsédé par « l’invasion migratoire », de plus en plus isolé et paranoïaque.
Cette banalité est précisément ce qui inquiète les enquêteurs. « Les terroristes d’ultradroite ne sont pas des génies du crime », explique un haut responsable. « Ce sont souvent des individus fragiles, nourris par des théories complotistes, qui décident un jour de passer à l’acte. »
Une comparaison avec le jihadisme
Les spécialistes soulignent une convergence troublante entre les profils jihadistes et ceux de l’ultradroite violente. Dans les deux cas, il s’agit d’individus fragiles, happés par une idéologie simpliste, séduits par la violence comme solution et désireux de donner un sens héroïque à leur existence.
Le PNAT traite désormais l’ultradroite avec la même vigilance que l’islamisme radical. En 2024, 4 projets d’attentats d’ultradroite avaient déjà été déjoués en France. L’affaire de Puget-sur-Argens montre que la menace n’est plus virtuelle, mais peut se traduire en actes meurtriers.
Les victimes et la mémoire
La communauté tunisienne de Puget-sur-Argens a exprimé son effroi. Des portraits de Hichem Miraoui ont été affichés sur les vitrines des commerces de la ville. « C’était un père de famille apprécié de tous », confie un voisin. Une marche silencieuse a réuni plusieurs centaines de personnes début juin.
Du côté des associations antiracistes, le drame est perçu comme un tournant. « Il faut cesser de minimiser la violence de l’ultradroite. Cet attentat raciste doit être reconnu pour ce qu’il est : du terrorisme », a déclaré un représentant de SOS Racisme.
Entre « moment de folie » et préméditation
La défense de Christophe Belgembe évoque pour sa part un « moment de folie », une explosion soudaine de violence sans préméditation structurée. Mais les juges d’instruction ne semblent pas convaincus. Le fait que les victimes aient été ciblées en fonction de leur origine et les éléments idéologiques retrouvés au domicile de l’auteur orientent l’enquête vers une qualification terroriste durable.
Conclusion : un signal d’alarme pour la République
L’attentat raciste de Puget-sur-Argens marque un point de bascule. Pour la première fois, la France est confrontée à un acte terroriste revendiqué non pas au nom de l’islamisme radical, mais de l’idéologie ultradroite. Si l’auteur reste un individu isolé, sa violence reflète une menace plus large : celle d’une radicalisation croissante, alimentée par la haine en ligne et les discours complotistes.
Pour Israël comme pour les Juifs d’Europe, habitués à être la cible d’attaques islamistes, cette affaire rappelle que la haine n’a pas une seule couleur politique ou religieuse. Elle peut naître aussi bien du jihadisme que de l’ultradroite raciste. Dans les deux cas, c’est la République et ses valeurs qui sont attaquées.
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