L’absurdité des masses, des puissants, nous confronte violemment aux réalités dramatiques d’un monde en pleine effervescence mais surtout d’un occident aveuglé par ses propres croyances erronées. Une foi toute religieuse en sa propre puissance, sa raison et sa morale l’entraine inexorablement vers les méandres d’une Histoire qu’il ne comprend plus, qu’il n’entend plus. Quelques exceptions au sein de ces sociétés, aliénées par les marchés, le festif et l’ignorance, sont hypocritement vilipendées au quotidien par des medias acquis aux principes de l’abrutissement des masses comme du nivellement par le plus bas et le plus misérable de la personne humaine.
Trop souvent le dogme se trouve aliéné et fait preuve d’une stupidité surabondante.
« Quand toute une nation ne sait plus s’occuper que de niaiseries, quelle attention peut-elle donner aux grandes choses ? (J. J. Rousseau.)
Le bon sens et l’Histoire, passée et récente, nous ont appris que les dictateurs mégalomanes ne peuvent jamais vraiment être apaisés ou conciliants. Tôt ou tard, ils doivent être confrontés et provoqués par la nécessaire liberté de pensée et de mouvement des hommes.
Le bon sens nous enseigne qu’il y a du bien et du mal, des agresseurs et des victimes dans le monde.
Le bon sens exclut toute notion d’égalité morale comme une pensée où tous les individus pourraient être d’accord sur tout et n’importe quoi.
Le bon sens pousse les nations et les créatures à se défendre contre les violences injustifiées et la terreur aveugle.
Le bon sens nous interdit de renoncer à la propriété physique actuelle au nom de futurs accords fugitifs de demain.
De sinistre mémoire, nous nous souvenons des accords de Munich en 1938 et, plus tard, ceux d’Oslo en 1992. Les premiers provoquèrent la mort et le génocide de dizaines de millions d’êtres humains sur la surface de notre terre. Les seconds, pour le seul minuscule état d’Israël, entraineront l’assassinat sauvage de plus de 1500 hommes, femmes et enfants. A la lumière de ces deux exemples probants il est aisé de prouver et de signifier la finalité du manque de bon sens ou, si vous préférez, de la dramatique connerie humaine. Churchill fit remarquer qu’à Munich, Chamberlain sacrifia l’honneur de l’Angleterre afin d’éviter la guerre, pour, en retour, obtenir le déshonneur et la guerre, ainsi en fut-il !
Le bon sens nous est si souvent étranger parce qu’il exige, généralement, une décision douloureuse à prendre, la nature humaine est très réfractaire à ce genre d’engagement. Elle reste terrifiée face au devoir qui l’interpelle et préfère s’en remettre aux vertus de la diplomatie.
En conséquence, hier comme aujourd’hui, le bon sens est relégué au vœu pieu de la pensée inconsciente et les regrets, comme les condoléances, ne viendront qu’a posteriori, mais il sera toujours trop tard pour des millions de nos frères.
Il est intéressant de noter que l’Hébraïsme biblique et la tradition juive accordent une large place au bon sens. Kohelet (l’Ecclésiaste) et Mishlei (les Proverbes), les deux livres écrits par le roi Salomon, sont justement des ouvrages de bon sens aux traits de caractères universels et d’une vision pratique de la vie et du monde.
Mes maîtres à penser contestaient fréquemment mes subtiles reparties qui tentaient de leur faire entendre les raisons de ma contradiction, ils m’affirmaient simplement qu’elles ne satisfaisaient pas au « bon sens » du sujet en cours.
Ils voulaient, essentiellement, m’enseigner que si l’objection n’a pas de sens, elle n’est ni juste ni vraie. Dans le Judaïsme, la foi déclarée et le sens caché sont équilibrés par la logique et la raison commune, même le savoir-faire, aussi rigoureux soit-il, doit être mesuré par ce que je nomme, le juste entendement. Dans le ‘Mishlei’, le fautif n’est pas tant le principal objet de mépris du roi Salomon, car qui ne faute à un moment donné de sa vie si ce n’est l’insensé, mais celui qui manque de bon sens, de jugeote.
Selon le roi Salomon, le manque de bon sens causera inévitablement une erreur profonde de jugement, une faute d’appréciation fatale et une terrible catastrophe au final. Personne ne prémédite une telle chose, nul ne pense pouvoir se tromper, chacun spécule sur ses analyses des pour et des contre et, trop souvent, de manière subjective. Tout cela nous entraine vers de fâcheuses erreurs, des jugements stupides qui deviennent très vite les désastres de notre Histoire. Pourtant, si les processus de la pensée ne sont pas conduits par le bon sens instinctif et la jugeote réfléchie, présents en chacun de nous, nous voilà perdus entre charybde et scylla. Le Judaïsme croit au bon sens collectif au sein de la société dans son ensemble, être à l’écoute de la ‘vox populi’ est un refrain communément réitéré par nos Sages. Nous devrions, ainsi, nous efforcer de rendre le bon sens plus ordinaire, la jugeote plus habituelle dans notre vie quotidienne, personnelle et nationale.
« Les êtres imprégnés d’amour pénètrent les couches de l’Humanité et rencontrent des factions de nations, de religions, d’oratoires et d’idéaux contradictoires. Ils s’évertuent de toutes leurs forces à réunir en un toutes les parties, de rassembler et de fédérer, aidés du bon sens spirituel de leur âme si pure qui s’élève et plane vers les zéniths Divins au-dessus de toutes les contraintes. Ils reconnaissent que toutes les particularités doivent devenir totalité, que les meilleures formes sociétales doivent être promues et doivent entrer avec toute la félicité de leur particularisme dans La lumière d’une vie parfaite. Ils désirent que chaque particule soit préservée et exaltée, et l’ensemble achevé, uni et rempli de paix. » (orot hakodesh. Rav Kook)
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