C’est à Hébron que débute l’histoire quatre fois millénaire des Juifs, pour autant qu’on puisse en fixer le point de départ dans le temps et dans l’espace.
Le monument d’Hébron trône avec majesté, Il possède la paix et la sérénité des sanctuaires antiques. Très ancien, le Caveau de Makhpéla sert de sépulture aux Patriarches et Matriarches d’Israël. Toutefois ces pierres restent les témoins silencieux des millénaires passés, des conflits incessants, des querelles religieuses et politiques.
Sépulture Hébraïque à ses débuts, il devint une synagogue, une basilique byzantine, une mosquée, une église au temps des croisades, puis à nouveau une mosquée.
Hébron est le reflet de la longue et tragique histoire des juifs, de leur propension exceptionnelle à traverser l’adversité.
Lorsque les soldats israéliens font leur entrée à Hébron pendant la Guerre des Six Jours, en 1967, aucun Juif n’y habite plus depuis une génération. Une modeste colonie s’y installe en 1970 et malgré la peur et l’incertitude, Kiriat Arba – Hébron s’y développe de plus en plus.
Un mystère questionne tout un chacun qui se promène à Hébron aujourd’hui : que sont devenus toutes ces peuplades qui un jour y résidèrent?
Où sont passés les Cananéens, les Edomites ?
Qu’est-il arrivé aux anciens Hellènes, aux Romains, aux Byzantins, aux Francs, aux Mamelouks et aux Ottomans?
Disparus dans le temps, inéluctablement, alors que les Juifs demeuraient omniprésents au sein d’un récit dont ils n’étaient plus que l’objet.
Si Hébron est un modèle de cette ténacité juive tout au long de l’Histoire, la cité témoigne aussi d’une étonnante ambiguïté des Juifs quant à leur propriété et leur implantation sur cette Terre.
Aucun peuple n’a préservé, avec pareille constance, une passion aussi affective vis-à-vis de cette région si singulière du globe terrestre.
En revanche, nul autre n’a démontré une disposition aussi trempée et aussi perpétuelle à l’émigration, d’une telle audace et d’un tel savoir-faire lorsqu’il fallut se déraciner et se transporter autre part.
Voici donc une étrange réalité où durant la majeure partie de l’Histoire des Juifs, ceux-ci vécurent bien loin d’une Terre qu’ils estimaient être la leur.
Hébron restera dans la mémoire collective le lieu où se régla la première acquisition en Terre d’Israël.
Le chapitre 23 de la Genèse relate le pourquoi et le comment d’Abraham qui à la mort de Sarah, décida d’acquérir le champ de Makhpéla ainsi que les parcelles attenantes pour y inhumer son épouse et y prévoir aussi sa propre sépulture.
Ce moment biblique grave l’instant dans l’éternité, plaçant ainsi l’une des traditions hébraïques, des plus ancestrales, des plus exclusivement conservées, dans une dimension de toute évidence fondamentale et essentielle. Il s’agit là d’un texte racontant un fait tangible dont les témoins diffusèrent verbalement le déroulement à leurs enfants et cela au travers toutes les générations.
La tradition attesta de la légitimité des contenus de l’évènement, celle de la transaction et du protocole de la vente soigneusement exposés.
L’affaire fut inoubliable car cela ne procédait point d’un simple troc de biens, mais d’une mutation du statut social. Ce qui frappe plus encore le lecteur, ce qui laisse une marque indélébile dans son esprit, ce sont les mots poignants que prononce Abraham avant d’entamer le marchandage: «Je suis un étranger et un hôte parmi vous.»
Puis, affaire conclue, le texte souligne par deux fois que la grotte et le champ qui l’entourait passèrent en propriété à Abraham, sous les yeux des Hittites. Dans ce premier épisode vrai de l’Histoire juive, les ambiguïtés et les anxiétés du peuple sont déjà étonnamment présentes.
Notre Patriarche est en quelque sorte le but ultime de la Création et la conclusion provisoire de sa première phase. En effet, jusqu’à l’apparition d’Abraham, n’a-t-on pas la sensation que tout ce qui s’était passé dans l’Univers était finalement sans grande valeur ?
Et c’est bien Abraham qui offre signification et valeur à l’existence du monde.
D’après le Talmud, le tombeau demeure l’ultime lieu de rencontre de l’être humain avec un coin terrestre, son âme restant dans une certaine mesure liée à ce lieu même. Raison pour laquelle Abraham aspire tant à s’attacher au site où ont été enterrés Adam et Eve, en tant que successeur du projet divin au sein de l’humanité.
La première expression d’une implantation véritable et continue en Terre d’Israël porte également un sens cosmologique, c’est-à-dire historique, quant à la métamorphose décisive de l’Humanité : n’est-il pas manifeste qu’aujourd’hui, les dénégations les plus graves concernent la possession de la terre d’Israël ?
Tout cela relève bel et bien d’une conception historique et spirituelle dépassant de loin les questions de géostratégie et de politique?
Comment comprendre le « Retour » sans convoler vers le berceau de notre histoire, là où l’Eternel scella son alliance.
Nul ne se résout à une connaissance d’Israël sans que ce haut lieu ne se grave au tréfonds de notre être.