La scène a choqué la communauté juive du Canada. Une jeune femme juive a été prise à partie, insultée et filmée en pleine rue par des manifestants anti-israéliens près du consulat d’Israël à Toronto. L’incident, survenu cette semaine lors d’un rassemblement hostile à l’État hébreu, illustre la vague croissante d’antisémitisme qui déferle depuis des mois sur le Canada anglophone.
En larmes, la victime a raconté sa mésaventure dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. « J’ai pleuré dans la rue, et une femme s’est mise à me filmer en riant », confie-t-elle d’une voix tremblante. « J’ai couru me réfugier dans les toilettes d’un restaurant pour respirer un peu, mais même là , je n’ai pas pu échapper à la haine. » Son récit a été relayé par la journaliste canadienne Dalia Kurtz, qui a dénoncé sur X (anciennement Twitter) un climat d’insécurité inédit pour les Juifs du pays : « Même les toilettes étaient couvertes de graffitis antisémites. Ce qui s’est passé devant le consulat israélien, c’est une incitation pure et simple à la haine. Le message que nous recevons du gouvernement canadien, c’est “partez”. Et le message de la foule, c’est “mourrez”. »
Cette scène glaçante survient dans un contexte d’explosion des actes antisémites au Canada. Depuis le 7 octobre 2023, les signalements de menaces, d’agressions ou de vandalisme visant des Juifs ou des institutions communautaires ont augmenté de plus de 100 %, selon la League for Human Rights of B’nai Brith Canada. À Montréal, des synagogues ont été vandalisées et plusieurs écoles juives ont dû fermer temporairement après des menaces de mort. À Vancouver et Ottawa, des étudiants juifs ont rapporté des insultes et des intimidations sur les campus.
La police de Toronto a confirmé être « au courant des récents incidents de harcèlement liés à des manifestations anti-israéliennes » et a annoncé un renforcement de la surveillance autour des bâtiments diplomatiques israéliens. Dans un communiqué, elle a rappelé que « la liberté d’expression ne justifie pas les comportements haineux ni les menaces à l’encontre de citoyens pour leur identité ou leurs opinions politiques ».
Pour les organisations juives canadiennes, cette réaction reste cependant insuffisante. Le Centre pour Israël et les Affaires juives (CIJA) a exhorté le gouvernement à adopter une ligne plus ferme face à ce qu’il qualifie de « haine décomplexée contre les Juifs sous couvert d’activisme politique ». « Quand on brandit des pancartes appelant à la destruction d’Israël devant des familles juives, il ne s’agit plus de protestation mais d’intimidation », a déclaré son vice-président Richard Marceau à The Jerusalem Post.
Les responsables communautaires expriment une inquiétude profonde. Depuis plusieurs mois, des citoyens juifs rapportent qu’ils cachent désormais leurs signes religieux dans l’espace public. Le rabbin Menachem Margolin, président de l’Association juive européenne, a dénoncé une « banalisation inquiétante de la haine anti-juive dans les sociétés occidentales, y compris au Canada, longtemps perçu comme un havre de tolérance ».
Cette agression s’ajoute à une série d’incidents similaires à Toronto depuis le début de la guerre contre le Hamas. En novembre dernier, un couple juif avait été encerclé par une foule brandissant des drapeaux palestiniens et criant des slogans violents devant le consulat israélien. En décembre, un jeune homme portant une kippa avait été frappé dans le métro après avoir défendu Israël dans une conversation.
Pour Israël, ces événements traduisent une dérive morale dangereuse dans certaines démocraties occidentales. Des diplomates israéliens à Ottawa ont condamné « la lâcheté d’un gouvernement qui tolère les appels au meurtre contre les Juifs au nom de la liberté d’expression ». Le ministère israélien des Affaires étrangères a rappelé qu’« il incombe aux États démocratiques de protéger leurs citoyens juifs, où qu’ils soient, contre la haine et la terreur idéologique qui s’exportent de Gaza vers les rues du monde libre ».
Le Canada, pays qui se voulait modèle de coexistence, se retrouve ainsi face à une fracture grandissante. Tandis que les autorités peinent à tracer la ligne entre liberté de manifester et incitation à la haine, de plus en plus de Juifs canadiens envisagent de quitter le pays. « Je n’aurais jamais pensé dire cela un jour », a témoigné la victime de l’agression, « mais je crois qu’il est temps de rentrer en Israël. Là -bas au moins, on ne se cache pas pour vivre en Juif. »
Un constat amer, mais révélateur d’un climat où la peur et l’intimidation semblent désormais triompher dans les rues de Toronto.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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