Depuis plusieurs jours, la personnalité du Rav Shlomo Yehouda Be’eri, connu sous le surnom de « le Yanouka », se retrouve au centre d’une controverse alimentée par deux publications de sites laïcs. Ces plateformes, souvent critiques envers la religion et les milieux orthodoxes, affirment mettre à nu, à travers des enregistrements privés, une facette inconnue du maître, l’une des figures rabbiniques les plus populaires de ces dernières années. L’impact médiatique a été immédiat : des extraits d’enregistrements présentés comme anciens ont été diffusés, retirés de leur contexte, et associés à une narration construite pour discréditer le Rav. Mais en examinant les textes eux-mêmes, tels qu’ils ont été publiés, une autre réalité, plus nuancée et plus complexe, apparaît.
Les enregistrements cités par les sites laïcs proviennent, selon les propres aveux de ces médias, d’une période lointaine : « des enregistrements de dix-sept ans », réalisés à une époque où le Rav n’avait qu’une vingtaine d’années. On y entend une voix attribuée au Yanouka exprimer, dans un style direct et chargé d’émotion, une série de remarques sur l’argent, la richesse ou encore la position sociale. Ces passages, qui semblent mêler frustration personnelle et cynisme juvénile, sont immédiatement utilisés par les sites pour dresser un portrait déformé du maître, comme si ces extraits représentaient la totalité de son être actuel.
L’un des enregistrements présentés montre le Rav déclarer : « Je veux être le plus riche, je ne veux pas qu’un élève ait un dollar de plus que moi. » Un autre passage évoque « dix millions de dollars à organiser cette semaine » ou encore une frustration devant « l’état lamentable » du monde matériel. L’enregistrement rapporte aussi des propos contre « les gens qui ont de l’argent », décrits comme déclenchant en lui un mouvement de « haine gratuite ». Dans un autre passage isolé, il évoque que « les riches devraient être pauvres » et parle de « criminels goyim » ou de « laïcs défaillants dans la religion et dans l’esprit ». D’autres extraits montrent un jeune homme souhaitant « que le Rav devienne le plus riche du monde » afin de pouvoir « dominer les rabbins, les justes et tout le monde ».
Pris isolément, ces fragments sonnent durs. Mais lorsqu’on lit attentivement les articles des mêmes sites, un détail central apparaît : ces propos étaient tenus à une période marquée par une « attaque de la cour de Berland », une période où le jeune Rav aurait été « dans la détresse », selon la réponse officielle de son entourage. La réaction du camp du Yanouka, citée fidèlement par les deux publications, affirme que ces extraits sont « cyniques », prononcés dans un contexte de pression, de harcèlement et de guerre interne violente. Et surtout, les deux articles reconnaissent explicitement que les enregistrements datent d’une époque très ancienne, bien avant que le Rav ne devienne une figure publique respectée et suivie par des milliers de personnes.
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Les sites laïcs tentent d’opposer ces enregistrements à une déclaration publique récente du Rav, prononcée à Souccot, dans laquelle il dénonçait l’obsession de certains pour la richesse :
« Il y a dans ce monde beaucoup de joueurs qui, au lieu d’étudier la Torah et de révéler la divinité, s’occupent d’argent, de biens, de politique ou de compétition entre donateurs. Qui a besoin de cette compétition ? Est-ce que les donateurs m’intéressent seulement ? »
Ce contraste, mis en avant par les sites laïcs, ne prouve qu’une chose : le Rav d’aujourd’hui tient un discours en rupture avec les propos qu’on lui prête à l’âge de vingt ans. Les mêmes articles ne mentionnent aucune parole récente soutenant les extraits anciens ; ils admettent, au contraire, que le discours public du Yanouka est désormais entièrement tourné vers l’humilité, la spiritualité et la critique de la fascination pour l’argent.
Un autre élément rapporté par les articles concerne le Rav Reouven Nakar, dayan dans un Beit Din, qui affirme que des plaintes avaient été déposées contre le Yanouka par le passé, mais qu’aucune n’avait pu être confirmée. Selon ses paroles, rapportées par les médias, la police lui aurait dit que le Rav avait été « écouté pendant longtemps ». Mais là encore, les mêmes publications précisent que rien, à ce stade, n’a été établi, et que l’affaire est encore en enquête. La police, citée dans les deux textes, déclare simplement : « L’affaire de l’unité Lahav 433 et la plainte de la station Moriah sont encore en cours d’enquête. » Aucune accusation, aucun verdict, aucune conclusion. Pourtant, les titres des sites laïcs sont rédigés comme s’il s’agissait de faits établis.
Le second article reprend les mêmes propos que le premier, mais en les habillant d’une narration dramatique visant à présenter le Rav comme un « rabbin faiseur de miracles » entouré de mystique, de fidèles fervents et de secrets. Là encore, les attaques reposent exclusivement sur les mêmes enregistrements anciens. L’article parle d’« écoutes clandestines », d’« intimidations », de « rêves de domination », mais toutes ces affirmations s’appuient uniquement sur les extraits déjà cités. Aucune preuve nouvelle. Aucun témoignage supplémentaire. Rien qui dépasse les fragments audio remontant à dix-sept ans. Et, surtout, aucune information indiquant que ces propos seraient représentatifs du Rav d’aujourd’hui.
La réponse officielle du camp du Yanouka, que les deux sites publient intégralement, affirme que le Rav est « depuis plusieurs mois sous une attaque violente destinée à nuire à son action de charité », que les enregistrements sont « privés, anciens », et qu’ils ont été « découpés » pour servir un récit hostile. La réponse précise que les propos étaient « cyniques » et prononcés dans un moment de pression intense lié aux attaques du groupe de Berland. Fait crucial : aucun des articles ne conteste cette chronologie. Aucun ne prétend que les enregistrements sont récents. Aucun ne suggère que les propos correspondent aux prises de position actuelles du Rav.
Si l’on se limite strictement aux faits contenus dans les deux articles, sans extrapolation ni interprétation extérieure, on constate essentiellement ceci :
— les enregistrements datent d’il y a dix-sept ans ;
— ils reflètent un contexte de conflit interne ;
— aucun élément récent ne confirme ces propos ;
— le Rav prêche aujourd’hui l’humilité et l’anti-matérialisme ;
— toutes les enquêtes policières sont en cours et ne concluent rien ;
— les attaques sont exclusivement basées sur des extraits privés et incomplets.
Ces deux publications laïques, présentées comme des révélations inédites, ne dévoilent rien d’autre qu’un usage sélectif d’enregistrements d’un jeune homme de vingt ans, arrachés à leur contexte. La tentative d’associer ces fragments à la personnalité actuelle du Rav ne repose sur aucun élément présent dans leurs propres textes. En réalité, si l’on se limite aux faits, le seul constat possible est celui-ci : un maître religieux populaire subit aujourd’hui une campagne de discrédit orchestrée à partir de données anciennes, partielles et non vérifiées — tandis que son enseignement public actuel affirme exactement l’inverse de ce que ces extraits cherchent à lui faire dire.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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