CHOISIR LE PIRE OU LE MEILLEUR ! – Par Rony Akrich

Dans le monde humain, il semble que la diversitĂ© fasse problĂšme, d’emblĂ©e. Il nous est Ă©trangement difficile d’accepter la diversitĂ© humaine, comme telle.
Il est certes naturel que nous Ă©tablissions, plus facilement, des liens avec des personnes d’horizons similaires, nous hĂ©sitons souvent Ă  frĂ©quenter, ou Ă  travailler, avec des communautĂ©s culturelles trĂšs diffĂ©rentes des nĂŽtres. Cela conduit inĂ©vitablement Ă  une situation dans laquelle nous sommes ignorants de ce qui se passe au-delĂ  de nos propres murs, dans d’autres communautĂ©s, d’autres rĂ©gions de ce pays oĂč nous rĂ©sidons.
En consĂ©quence, et tout naturellement, nous commençons Ă  nous mĂ©fier de tout ce qui est diffĂšrent, la crainte par insuffisance, la peur par mĂ©diocritĂ©, servent la bĂȘtise, la malveillance et les rivalitĂ©s.

L’unitĂ© ne peut aboutir sans abandonner nos mauvais penchants, sans cesser de rechercher le non-conformisme rassurant et cesser de vouloir imposer l’uniformitĂ©.
Cela concerne tout d’abord la cellule familiale, source premiĂšre de l’éducation intime, puis la citĂ© ouverte vers l’ĂȘtre social et enfin mon pays dans son ensemble. Partager les mĂȘmes valeurs, la mĂȘme culture, la mĂȘme origine, les mĂȘmes us et coutumes, n’a jamais empĂȘchĂ© les conflits et les drames. Toutefois, nous ne pouvons pas ignorer la rĂ©alitĂ© : dans notre pays, nous ne partageons pas tous les mĂȘmes valeurs, nous ne suivons pas une seule et mĂȘme pratique religieuse et nous venons, pour beaucoup, de cultures diffĂ©rentes.
Pour jouir de la paix, de la prospĂ©ritĂ© et de la dĂ©mocratie, nous devons d’abord reconnaĂźtre que nous ne serons jamais tous identiques, mĂȘme si HĂ©breux.
Nous pouvons alors nous efforcer de dĂ©velopper l’unitĂ© par le respect mutuel et la tolĂ©rance pour nos diffĂ©rences. L’un des moyens de rĂ©aliser l’unitĂ© consiste Ă  interagir avec des personnes d’origines diffĂ©rentes des nĂŽtres. GrĂące Ă  cela, nous pouvons comprendre et respecter les cultures de chacun. Progressivement, nous commencerons Ă  comprendre les joies, les difficultĂ©s et les griefs des autres.
Pour moi, vivre dans une société uniforme serait plutÎt ennuyeux.
Pour ma part, je choisirai toujours de vivre parmi des personnes appartenant à des systÚmes sociaux différents, aux opinions politiques et aux appartenances religieuses différentes.
Cet environnement est nettement plus passionnant, avantageux et profitable.
Mais changer notre façon de penser, de nous comporter et d’interagir avec les autres n’est pas une entreprise facile.
Nous devons changer radicalement notre maniĂšre de faire.
Cela nous oblige Ă  nous interroger.
Cela nous oblige Ă  ĂȘtre plus conscients de notre environnement.
Nous devons ĂȘtre assez courageux pour nous mĂȘler Ă  des groupes inconnus et explorer de nouveaux domaines. Ainsi, la prochaine fois que nous prononcerons le mot « unité », rĂ©flĂ©chissons d’abord si nous le pensons vraiment ou non.
Si le problĂšme n’est pas un manque de terrain d’entente, si nous sommes toujours unis par notre hĂ©ritage, par notre destin, alors peut-ĂȘtre que le problĂšme se trouve ailleurs?
Peut-ĂȘtre est-ce un problĂšme d’idĂ©ologie ?
Il est vrai que nous, Juifs, nous empressons de nous stéréotyper.
Des porte-paroles orthodoxes accusent des rabbins non orthodoxes d’ĂȘtre des « clowns » et affirment que les autres mouvements ont abandonnĂ© la Torah ou l’ont ajustĂ©e pour l’adapter Ă  leurs fantaisies prĂ©fĂ©rĂ©es.
Les leaders des mouvements sĂ©culiers, eux, affirment que ces derniers sont des superstitieux mĂ©diĂ©vaux (est-ce vraiment une si mauvaise chose?) Et qu’ils ne se prĂ©occupent que de la minutie rituelle plutĂŽt que des glorieux mandats Ă©thiques qui animent la tradition juive.
Dans ces accusations, nous jetons l’un sur l’autre l’opprobre, il y a juste assez de vĂ©ritĂ© des deux cĂŽtĂ©s pour nous mettre tous mal Ă  l’aise. Mais il n’est pas difficile de percevoir la voix lĂ©sĂ©e de la victime, qui cherche Ă  panser ses propres blessures en faisant du mal Ă  d’autres. Le ‘cliché’ n’est finalement pas utile : cela ne renforce pas notre identitĂ© et n’aide pas les autres Ă  mieux nous comprendre.
Notre peuple, fidĂšle Ă  lui-mĂȘme, demeure capable du meilleur et du pire, un peuple contentieux.
La controverse fait partie intégrante de la prise au sérieux des idées.
Malheur Ă  nous si jamais nous considĂ©rons nos idĂ©es et nos opinions comme caducs et ne valant plus la peine d’ĂȘtre argumentĂ©es.
Quel état voulons-nous ?
Quelle société aspirons-nous?
Certes, nos diffĂ©rences ne peuvent ĂȘtre balayĂ©es, ni mĂȘme minimisĂ©es, mais la rĂ©ponse biensĂ©ante, face Ă  des opinions divergentes, demeure davantage la discussion que le pugilat.
Se rencontrer et partager de cette maniĂšre n’exige pas l’octroi de l’authenticitĂ©, ni la reconnaissance d’une ouverture intellectuelle. Tout ce qu’il faut, c’est un dĂ©sir d’ĂȘtre ensemble, la volontĂ© de s’écouter les uns les autres et la capacitĂ© d’exprimer son dĂ©saccord d’une maniĂšre attentionnĂ©e et constructive.
Les Juifs, dans leur grande majoritĂ©, poursuivent, bienheureusement, cette voie et tentent d’y persĂ©vĂ©rer, sans se soucier des titres provocateurs et subversifs Ă  la une des medias israĂ©liens.
Si nous n’apprenons pas Ă  parler les uns avec les autres de maniĂšre respectueuse, si nous ne pouvons pas exprimer les domaines importants dans lesquels nous diffĂ©rons avec dignitĂ© et compassion, nous briserons l’unitĂ© du peuple.
Il y a une diffĂ©rence entre l’unitĂ© et l’uniformitĂ©.
Nous n’avons jamais Ă©tĂ© un peuple uniforme, mais nous avons pu maintenir l’unitĂ© malgrĂ© nos discordes. Cette nĂ©cessitĂ© est encore, et toujours, Ă  l’ordre et au goĂ»t du jour.
Sur le plan personnel, cela signifie que pour le bien de Sion, je ne peux pas autoriser ma passion, pour l’HĂ©braĂŻsme renaissant, Ă  diffamer les chemins de vie de mes autres compatriotes IsraĂ©liens.
Tous ensemble ou pas du tout.
En attendant, nous devrions peut-ĂȘtre travailler un peu plus fort pour nous traiter tous ensemble avec un minimum de dignitĂ©, de retenue et, j’ose dire, d’amour?
L’Amour d’IsraĂ«l est un commandement aprĂšs tout!
Toutes les sociĂ©tĂ©s exigent un certain degrĂ© d’harmonie et de bonne volontĂ©. La cohĂ©sion sociale est essentielle Ă  la prospĂ©ritĂ© et au succĂšs. Pour le peuple d’IsraĂ«l, toutefois, l’unitĂ© n’est pas simplement un moyen d’atteindre des objectifs matĂ©riels.
L’unitĂ© sociale est une valeur beaucoup plus grande, un objectif en soi.
Il existe une seconde diffĂ©rence entre l’unitĂ© recherchĂ©e par le peuple d’IsraĂ«l et celle des autres nations.
Une sociĂ©tĂ© peut ĂȘtre unifiĂ©e de deux maniĂšres: en actes et en pensĂ©es. « L’harmonie dans l’action» dĂ©signe des actions concrĂštes visant Ă  aider ses voisins ou Ă  contribuer Ă  la nation dans son ensemble. « L’harmonie a travers une alliance de vocation » signifie altĂ©ritĂ© et amour quant au devenir de son peuple.
Toutes les nations ont besoin de ces deux formes, mais seule une coopĂ©ration concrĂšte est essentielle Ă  la rĂ©alisation des objectifs matĂ©riels d’une nation.
Pour les HĂ©breux, cependant, la paix est une condition prĂ©alable Ă  la prĂ©sence de Dieu et Ă  une providence originale, et cette paix dĂ©pend, principalement, de l’unitĂ© dans le cƓur.
Ainsi, pour IsraĂ«l, « l’unanimitĂ© quant Ă  l’alliance de vocation » est l’objectif ultime, alors que « l’unitĂ© d’action » est un moyen de l’entĂ©riner et de l’assurer.