Cinq ans aprĂšs Tsouk Etan, la grande peur du Hamas n’est plus IsraĂ«l…mais la dĂ©sobĂ©issance civile

IsraĂ«l a mis fin Ă  l’opĂ©ration militaire avec un haut niveau de dissuasion contre le Hamas Ă  Gaza, et la bande de Gaza est apparue dans l’attente d’un changement important de la situation de la population civile. Mais l’argent transfĂ©rĂ© par la communautĂ© internationale est terminĂ©, les habitants sont dĂ©sespĂ©rĂ©s et la grande peur du Hamas n’est plus IsraĂ«l

Elior Levy Publié le 06.07.19, 22:04

Un simple graphique peut en dire long sur les cinq derniĂšres annĂ©es dans la bande de Gaza, depuis le dĂ©but de l’opĂ©ration Tzuk Eitan jusqu’à aujourd’hui. Au cours des premiĂšres annĂ©es, le nombre de roquettes tirĂ©es sur IsraĂ«l Ă©tait trĂšs faible, mais la situation s’est aggravĂ©e au cours des deux derniĂšres annĂ©es.

En 2014, annĂ©e du dĂ©but de l’opĂ©ration, 4 225 roquettes et obus de mortier ont Ă©tĂ© tirĂ©s de la bande de Gaza sur IsraĂ«l. En 2015, leur nombre est tombĂ© Ă  27 roquettes et obus de mortier seulement, un an plus tard, il est passĂ© Ă  46, et en 2017, 87 roquettes et mortiers ont Ă©tĂ© tirĂ©s sur IsraĂ«l.

Puis les tirs de roquettes depuis la bande de Gaza qui a eu lieu en 2018, s’est Ă©levĂ© Ă  1 378 roquettes tirĂ©es vers IsraĂ«l, marquant la fin du silence de trois ans aprĂšs « Tzuk Eitan » et le dĂ©but de l’attrition – la « Marche du retour et la rupture du siĂšge ».

Comme lors de la seconde guerre du Liban, l’opĂ©ration Tzuk Eitan s’est terminĂ©e par un sentiment de tristesse publique que la longue campagne n’avait pas permis de remporter une victoire dĂ©cisive. Et comme pour la guerre de 2006, ici aussi, un calme a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© (par rapport au secteur sud) qui a durĂ© trois ans et demi.

IsraĂ«l a mis fin Ă  l’opĂ©ration militaire avec un haut niveau de dissuasion contre le Hamas Ă  Gaza, tandis que dans la bande de Gaza, l’opĂ©ration avait Ă©tĂ© abandonnĂ©e dans l’attente d’un changement important de la situation de la population civile dans la ville. Lors de la confĂ©rence interna-tionale tenue au Caire aprĂšs l’opĂ©ration, 5,4 milliards de dollars ont Ă©tĂ© promis Ă  Gaza pour sa recons-truction. Au fil des ans, un peu plus de 3,5 milliards ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©s. Pas parfait, mais certainement une somme respectable qui a stimulĂ© d’importants projets dans la bande de Gaza. Le premier pays Ă  contribuer, et payer, fut le Qatar.

Mais au fil des ans, les fonds ont diminuĂ© et la communautĂ© internationale n’est plus impatiente d’ouvrir le portefeuille. Elle et le Moyen-Orient ont de plus grands problĂšmes, tels que la restauration de la Syrie aprĂšs la guerre civile et le problĂšme des rĂ©fugiĂ©s dans les pays europĂ©ens. Gaza a lentement commencĂ© Ă  ĂȘtre oubliĂ©.

Deux ans et demi aprĂšs l’opĂ©ration Tzuk Eitan, le Hamas a choisi une nouvelle direction pour l’organisation et les changements ont Ă©tĂ© importants. AprĂšs des annĂ©es au cours desquelles le centre d’occupation de l’organisation Ă©tait Ă  l’extĂ©rieur (en Syrie puis au Qatar), l’ùre de Khaled Meshal a pris fin et le dirigeant de l’organisation a Ă©tĂ© Ă©lu dirigeant de Gaza – Ismail Haniyeh.

La direction de la bande de Gaza a nommĂ©e ensuite un dirigeant particuliĂšrement dominant, Yahya Sinwar, qui est passĂ© de l’accord Shalit Ă  la fin de la pyramide. C’était une mĂ©tĂ©orite, et son aile politique Ă©tait remplie de personnes ayant un lien particuliĂšrement Ă©troit avec l’arme militaire de l’organisation.

Au dĂ©but de son mandat, Sinwar a entamĂ© une sĂ©rie de rĂ©unions avec tous les Ă©lĂ©ments de la bande de Gaza pour tenter de comprendre leur dĂ©tresse, leurs problĂšmes et leurs dĂ©sirs. L’une des dĂ©cisions stratĂ©giques les plus importantes auxquelles Sinwar ait abouti a Ă©tĂ© une avancĂ©e dĂ©cisive dans le dossier de la rĂ©conciliation interne palestinienne avec le Fatah.

Sinwar Ă©tait le fer de lance de ces efforts, prĂȘt Ă  offrir Ă  l’Abou Mazen des concessions importantes du Hamas, notamment la restauration de l’électricitĂ© dans la bande de Gaza Ă  l’AutoritĂ© palestinienne. En fait, le Hamas Ă©tait prĂȘt Ă  renoncer au gouvernement de maniĂšre sans prĂ©cĂ©dent, mais pas Ă  contrĂŽler la bande de Gaza – c’est-Ă -dire au maintien du contrĂŽle de la sĂ©curitĂ© sur la bande de Gaza et Ă  la sĂ©paration complĂšte entre la rĂ©conciliation et la poursuite du fonctionnement de la branche armĂ©e.

Mais Abou Mazen n’était pas prĂȘt Ă  cligner des yeux sur cette question et a bien rĂ©sumĂ© l’opinion en affirmant qu’il n’accepterait pas la «libanisation» de la bande de Gaza, qui compte le gouvernement central Ă  Beyrouth et l’armĂ©e du Hezbollah.

La bonne volontĂ© du Hamas a touchĂ© un mur de fer et le dernier clou dans le cercueil de la rĂ©conciliation a Ă©tĂ© clouĂ© le 13 mars 2018, lors de la tentative d’assassinat du premier ministre palestinien Rami Hamdallah et du chef du renseignement gĂ©nĂ©ral Majid Faraj lors de leur visite Ă  Gaza. Deux semaines plus tard, les manifestations ont commencĂ© et Gaza.

Les annĂ©es de retenue et de calme que le Hamas a imposĂ©es aux autres organisations au cours des trois annĂ©es qui se sont Ă©coulĂ©es entre l’opĂ©ration Tzuk Eitan et le dĂ©but des marches de retour Ă©taient principalement liĂ©es au dĂ©sir de l’organisation d’accĂ©lĂ©rer la rĂ©habilitation de la bande de Gaza et de permettre Ă  la branche militaire de se renforcer.

À la veille de Tsouk ‘Eitan, le Hamas avait entre 10 000 et 13 000 roquettes. Aujourd’hui, selon diverses estimations, le Hamas est parvenu Ă  combler le fossĂ© et Ă  dĂ©tenir un arsenal de roquettes plus important, ainsi que de nombreux autres moyens, tels que des tireurs d’élite, qui seront utilisĂ©s pour rĂ©pondre Ă  des besoins militaires et pour renforcer les capacitĂ©s du commando naval de l’organisation.

Ce n’est pas par hasard qu’IsraĂ«l est revenu presque systĂ©matiquement sur l’attaque des bases des forces navales du Hamas. On peut supposer que ces attaques visaient Ă  nuire aux capacitĂ©s avancĂ©es de l’organisation sur le terrain. Le Jihad islamique est un autre facteur qui a fait un bond considĂ©rable au cours des cinq derniĂšres annĂ©es. Il est raisonnable de supposer que les sentiments de l’organisation Ă  la fin de Tzuk Eitan Ă©taient difficiles et il est Ă©vident que le Jihad islamique a fait de l’ombre au Hamas et n’a pas Ă©tĂ© un facteur important dans les combats.

À la fin de l’opĂ©ration, le Jihad islamique a entamĂ© un processus d’apprentissage et d’amĂ©lioration continus de la constitution de la force militaire avec un soutien clair de l’Iran. L’élection de Ziad Nahaleh en tant que nouveau chef de l’organisation a changĂ© sa doctrine. Il est devenu une organisation plus dominante, essayant de dĂ©terminer l’ordre du jour de la bande de Gaza entre les combats et en son sein.

Le Hamas a reconnu que le mouvement pouvait se faire Ă  ses propres frais. Il a donc placĂ© le Jihad islamique sous le parapluie de la salle de guerre commune et l’a impliquĂ© dans les nĂ©gociations avec l’Egypte, afin que le Jihad islamique se sente au coeur du jeu, mais qu’il soit plus contrĂŽlĂ©. Et leurs capacitĂ©s crĂ©ent un dĂ©fi important pour IsraĂ«l, ainsi que pour le Hamas.

Cinq ans aprĂšs la fin de l’opĂ©ration Ă  Gaza, la situation des civils dans la bande de Gaza n’a pas changĂ© et reste mauvaise. Les taux de chĂŽmage ont franchi la barre des 50% et ne reprĂ©sentent pas moins de 70% chez les jeunes. Dans la vraie vie, cela signifie que presque tous les diplĂŽmĂ©s universitaires Ă  Gaza ne peuvent pas trouver un emploi, mĂȘme comme plongeur dans un restaurant. La situation de l’électricitĂ© n’est toujours pas bonne – et la crise reste la mĂȘme que la crise de l’eau.

Les discussions avec les habitants de la bande de Gaza se terminent par le mĂȘme sentiment : la population est pessimiste, dĂ©sespĂ©rĂ©e et pense principalement que tous les arrangements ne sont que temporaires jusqu’à la prochaine sĂ©rie de combats. Étonnamment, les sentiments du public Ă  Gaza sont remarquablement similaires Ă  ceux des rĂ©sidents israĂ©liens de l’autre cĂŽtĂ© de la frontiĂšre. Eux aussi ne sont pas prĂȘts Ă  continuer Ă  subir la rĂ©alitĂ© des rondes courtes.

Le discours central parmi les habitants de Gaza est « tout ou rien ». Ou une autre guerre ou un silence complet. Dans le mĂȘme temps, il existe d’autres phĂ©nomĂšnes inquiĂ©tants, tels que        l’évasion de la bande de Gaza, une augmentation du nombre de suicides et de toxicomanes, une augmentation de la prostitution et des taux de divorce.

En mĂȘme temps que le dĂ©sespoir des civils du Hamas, il est estimĂ© qu’il parviendra Ă  faire accepter Ă  IsraĂ«l d’ouvrir la bande de Gaza au monde extĂ©rieur, que ce soit par un port de mer ou du moins en ouvrant les portes du travail aux travailleurs en territoire israĂ©lien.

Dissuasion ou non, la plus grande crainte du Hamas cinq ans aprĂšs Tsouk Eitan n’est pas IsraĂ«l. Le Hamas est plus prĂ©occupĂ© que toute tentative publique-civile de provoquer un coup d’État gouvernemental dans la bande de Gaza. La rĂ©pression violente et trĂšs rapide de la manifestation sur le coĂ»t de la vie Ă  Gaza il y a quelques mois l’a prouvĂ©. Et avec une telle oppression, tous les moyens sont lĂ©gitimes – mĂȘme diriger le feu vers IsraĂ«l, mĂȘme au prix de la guerre.


RĂ©daction francophone Infos Israel News pour l’actualitĂ© israĂ©lienne
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