Alors que le grand public associe encore la défense aérienne israélienne à des systèmes iconiques comme le Dôme de fer ou les missiles Arrow, une autre couche de protection, plus discrète mais tout aussi essentielle, est activement à l’œuvre : la guerre électronique. Ces derniers jours, des dizaines de drones iraniens ont été neutralisés sans qu’un seul missile ne soit tiré. Comment ? Grâce à une unité de cyberdéfense spécialisée, opérant dans l’ombre du champ de bataille — et du spectre électromagnétique.
Des drones par centaines, une réponse électromagnétique
Depuis le lancement de l’opération « Am Kalavi » face à l’Iran, plus de 1 000 drones iraniens ont été lancés en direction d’Israël. Si la majorité ont été interceptés par des missiles ou des avions de chasse, plusieurs dizaines ont été « abattus » d’une autre manière : par brouillage, grâce aux capacités de l’unité 5114 de Tsahal.
Cette unité, appelée « Bataillon Psagot », fait partie du Commandement des télécommunications et de la cyberdéfense de l’armée israélienne. Elle a pour spécialité la guerre du spectre, c’est-à-dire l’utilisation de puissantes émissions électromagnétiques pour neutraliser la communication et le guidage des drones ennemis.
Comment brouiller un drone sans tirer
Les drones iraniens (comme les Shahed-136) sont généralement guidés via GPS ou par liaison radio avec leur opérateur. L’unité 5114 utilise des systèmes de brouillage avancés qui émettent des signaux radio à haute puissance sur les mêmes fréquences que celles utilisées par le drone.
Résultat : la liaison est rompue, les signaux GPS sont faussés ou coupés, et le drone devient aveugle et sourd. Il peut alors s’écraser, dévier de sa trajectoire ou retourner à son point de départ — le tout sans qu’aucune munition ne soit utilisée.
« C’est comme si vous coupiez un câble reliant le drone à son opérateur », explique le lieutenant-colonel (rés.) Udi Kauf, ancien chef de la guerre électronique à Tsahal.
« Le drone ne sait plus où il est. Il est désorienté. Et c’est là que nous avons gagné. »
Une réponse bien moins coûteuse
Le coût d’un missile anti-aérien peut aller de 30 000 à 500 000 dollars, selon le système utilisé. En comparaison, brouiller un drone ne coûte quasiment rien : seulement du carburant pour faire fonctionner les générateurs de l’unité de guerre électronique. Cette solution est donc non seulement efficace, mais aussi économiquement durable à grande échelle.
Leçons de la guerre en Ukraine
La guerre en Ukraine a mis en lumière le rôle crucial des drones dans les conflits modernes. Pourtant, selon le lieutenant-colonel Kauf, l’armée israélienne n’a pas tiré assez rapidement les leçons de ce conflit :
« Nous n’avons pas suffisamment intégré les leçons du conflit russo-ukrainien en matière de guerre par drones. Mais cette guerre avec l’Iran nous oblige à accélérer. »
Tsahal est désormais en train de créer une division spécialisée dans le spectre, dirigée par un général de brigade — preuve que cette guerre invisible gagne ses lettres de noblesse.
Plus qu’une défense, une guerre active
Outre la neutralisation de drones, la guerre du spectre permet également de brouiller les communications ennemies, de couper la synchronisation de mines télécommandées, et même de désorganiser les centres de commandement adverses. En résumé, cette capacité est un multiplicateur de puissance stratégique.
La bataille actuelle face à l’Iran a mis en lumière un tournant doctrinal : dans l’arsenal de Tsahal, les ondes sont devenues une arme aussi redoutable qu’un missile.
Un combat d’intelligence
Les spécialistes israéliens savent que chaque progrès dans le brouillage entraîne une contre-mesure iranienne. « C’est une guerre de cerveaux, un jeu d’échecs électromagnétique », explique Lior Segal, PDG d’une entreprise israélienne d’électro-optique spécialisée dans la détection de drones.
Et de conclure :
« Plus que jamais, la supériorité israélienne repose aussi sur la capacité à rendre sourds, muets et aveugles ceux qui osent l’attaquer depuis les airs. »
Cette guerre ne se voit pas à l’œil nu. Elle se joue sur les ondes. Et aujourd’hui, Israël la gagne sans tirer.
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