Criquets casher, médecine maïmonidienne et mezouzots « girafes »: entretien avec le professeur Zohar Amar

Le professeur Zohar Amar encourage ses petits-enfants Ă  manger une sauterelle de temps en temps pour maintenir la tradition familiale.

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RĂ©sident de Neve Tzuf et chargĂ© de cours au DĂ©partement d’études terrestres d’IsraĂ«l et d’archĂ©ologie Ă  l’UniversitĂ© Bar-Ilan, le Pr Amar est spĂ©cialisĂ© dans l’identification des plantes et des animaux de la Bible. Il est Ă©galement un expert de l’histoire de la mĂ©decine juive Ă  travers les Ăąges, de l’agriculture ancienne, du papier, des pierres prĂ©cieuses, de l’encens, des herbes mĂ©dicinales traditionnelles utilisĂ©es par les juifs yĂ©mĂ©nites et Ă©thiopiens, et des traditions de kashrut de diverses communautĂ©s juives.

Le site Jewish Press (Presse Juive) a interviewé le Professeur :

Presse juive : si le Beit HaMikdash Ă©tait reconstruit aujourd’hui, aurions-nous tous les ingrĂ©dients nĂ©cessaires pour la offrir la ketoret ?

M. Amar : Oui, mais cela dĂ©pend de l’opinion que vous acceptez. Tout le monde n’est pas d’accord sur l’identitĂ© des ingrĂ©dients. Par exemple, il y a un dĂ©saccord concernant le « mor » – qu’il soit dĂ©rivĂ© d’un arbre appelĂ© Ketoret ou qu’il provienne d’un animal et soit le parfum appelĂ© « musc ».

AprĂšs des annĂ©es de recherche et d’investigation, nous pensons avoir dĂ©couvert tous les Ă©lĂ©ments nĂ©cessaires du ketoret. Le moment venu, les Sages, ou Eliahu, pourront Ă©tudier nos dĂ©couvertes et conclure si nos identifications sont exactes.

Presse juive : Veuillez excuser la question, mais certains jeunes insistent aujourd’hui sur le fait que le cannabis Ă©tait un ingrĂ©dient du ketoret, citant des sources qui affirment que l’odeur de l’ancien ketoret a fait sourire les gens toute la journĂ©e.

M. Amar : Il n’y a absolument aucun dossier biblique ou dĂ©couverte scientifique pour corroborer une telle affirmation.

Presse juive : Passons au ver shamir, le puissant tailleur de roches des rochers géants du Temple. A-t-on jamais trouvé une telle créature ?

M Amar : Il existe une espĂšce d’escargot appelĂ©e « ochliot » qui pĂ©nĂštre dans les pierres et forme des tunnels et des cavernes Ă©troites. Peut-ĂȘtre, cette crĂ©ature est le ver shamir des jours bibliques, ou un parent.

Presse juive : Vous avez travaillĂ© pour enregistrer le « mĂ©sorot » concernant divers animaux casher qui ont Ă©tĂ© mangĂ©s dans le passĂ© mais qui ne le sont pas aujourd’hui. Quelles espĂšces d’animaux avez-vous traitĂ©es ?

M Amar : Nous avons documentĂ© les traditions de consommation de perdrix, de pintades et de faisans, de cailles, de moineaux et d’autres oiseaux chanteurs, ainsi que de mammifĂšres tels que cerfs, gazelles, buffles et criquets casher.

AprĂšs avoir identifiĂ© et classifiĂ© les espĂšces, nous interrogeons les anciens de la communautĂ© pour en savoir plus sur les traditions hĂ©ritĂ©es de leurs ancĂȘtres. Étant donnĂ© que l’ancienne gĂ©nĂ©ration ne sera pas lĂ  pour toujours, la collecte de ces informations est vitale pour garantir la fiabilitĂ© de la transition.

Presse juive : Avez-vous déjà mangé des sauterelles ?

Oui, dans la tradition de mes grands-parents et ancĂȘtres au YĂ©men, et en consultation avec d’éminents Ă©rudits de la Torah comme Rav Shlomo Machpud, chef de la kashrut pour le Badatz, qui a examinĂ© nos recherches et goĂ»tĂ© une sauterelle avec nous.

Presse juive : RĂ©cemment, nous avons lu sur la peste des criquets dans l’Égypte ancienne avant l’Exode, et dans la mĂȘme semaine, nous avons vu des photographies d’essaims de sauterelles noircissant le ciel de l’Afrique. Ces sauterelles sont-elles casher ?

Les essaims qui dĂ©vorent tout sur leur passage sont appelĂ©s criquets du dĂ©sert. Ils nous ont rendu visite en IsraĂ«l il y a quelques annĂ©es, ce qui nous a donnĂ© l’occasion de les Ă©tudier et de les manger.

La Torah répertorie quatre variétés de criquets casher. La Gemara en mentionne huit, mais nous ne savons pas comment les identifier. En pratique, le seul type mangé est le criquet pÚlerin du désert.

Il est important de noter que leur kashrut est dĂ©terminĂ©e par une tradition transmise, et non Ă  partir des signes mentionnĂ©s dans les textes halakhiques. Les Juifs qui n’ont pas la tradition de manger des sauterelles ne les mangent pas. Mais si vous visitez une communautĂ© juive au YĂ©men ou en IsraĂ«l, vous ĂȘtes libre de faire comme les YĂ©mĂ©nites.

Presse juive : Combien de criquets du désert devez-vous manger pour se sentir rassasié ?

Je ne sais pas si vous pouvez vous sentir rassasiĂ©, mais les manger peut vous garder en vie lorsque vous n’avez pas d’autre nourriture. Au YĂ©men, lorsqu’il n’y a pas eu de famine, le criquet a Ă©tĂ© mangĂ© en complĂ©ment du repas. Ils ne sont pas sucrĂ©s, vous ne pouvez donc pas les appeler un dessert, mais ils sont savoureux lorsqu’ils sont salĂ©s ou frits. Beaucoup de gens les mangent comme des noix ou des graines.

Dans la Guemara, la question est posĂ©e: quelle bĂ©nĂ©diction est rĂ©citĂ©e avant de manger des sauterelles ? La rĂ©ponse est shehakol. Le rabbin Yehuda demande comment peut-on faire une bĂ©nĂ©diction pour quelque chose qui vient comme une malĂ©diction. L’explication est qu’en pĂ©riode de famine, un essaim de sauterelles sauve des vies. Par consĂ©quent, nous rĂ©citons la bĂ©nĂ©diction.

Presse juive : Comment sont-ils mangés ?

Les pattes avant et arriĂšre sont enlevĂ©es avec les ailes. Ensuite, le corps est mangĂ©, parfois avec la tĂȘte, parfois sans, selon ses prĂ©fĂ©rences.

Presse juive : Vous avez aidĂ© Ă  restaurer la kashrut du buffle d’Asie. Comment est-ce arrivĂ© ?

AprĂšs un projet de recherche approfondi sur les traditions de l’abattage du buffle d’Asie en IsraĂ«l et Ă  l’étranger, un comitĂ© avec lequel j’ai travaillĂ© a prĂ©sentĂ© ses conclusions Ă  l’ancien grand rabbin d’IsraĂ«l, Rav Shlomo Amar, et il a dĂ©clarĂ© que le buffle d’Asie Ă©tait casher.

Il a inspectĂ© plusieurs animaux au Moshav Bitzaron et a observĂ© un troupeau dans la rĂ©serve naturelle de Hula. Les Ă©leveurs de boeuf ont demandĂ© l’autorisation d’élever le buffle, bubalus bubalis, qui est connu sous son nom arabe, jamus, afin de commercialiser le boeuf pour la consommation.

Selon les donnĂ©es de la pĂ©riode du mandat britannique, 5 000 de ces buffles ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©s en IsraĂ«l par des Arabes jusqu’à la crĂ©ation de l’État juif. J’ai interviewĂ© plusieurs shochtim Ă  la retraite qui ont pratiquĂ© la shechitah et j’ai tĂ©moignĂ© que la viande Ă©tait consommĂ©e dans les communautĂ©s religieuses Ă  travers le pays, y compris Bnei Brak. Pendant la guerre d’IndĂ©pendance, les Ă©leveurs de buffles arabes ont abandonnĂ© l’entreprise. Aujourd’hui, il ne reste qu’un petit nombre de buffles dans la rĂ©serve naturelle de Hula.

Jusqu’à ce que le rabbin Amar examine notre documentation et rende sa dĂ©cision, le buffle  n’avait pas Ă©tĂ© abattu en IsraĂ«l au cours du dernier demi-siĂšcle, et le grand rabbinat ne lui avait pas accordĂ© l’approbation de la cacheroute, de sorte que la tradition devait ĂȘtre rĂ©tablie.

Fait intéressant, en Italie, les produits de mozzarella casher proviennent du lait de bufflonne.

Presse juive : Vous avez publiĂ© un livre sur l’art de guĂ©rir de Rabbi Haim Vital, le premier Ă©lĂšve de l’Arizal. Peuvez-vous nous rĂ©vĂ©ler quelques secrets ?

Pas si vous cherchez des remĂšdes miracles. Les extractions de plantes, d’herbes, d’huiles, de minĂ©raux et similaires Ă©taient quelque peu diffĂ©rentes il y a 500 ans, tout comme les divers facteurs qui influencent la santĂ© d’une personne. Il a laissĂ© un manuscrit expliquant les mĂ©thodes qu’il a utilisĂ©es pour guĂ©rir les gens. Il s’appuie sur les traditions mĂ©dicales grĂ©co-arabes de son temps, Ă©galement utilisĂ©es par les Rambam, et sur sa propre expĂ©rimentation.

Presse juive : Certaines personnes s’appuient aujourd’hui sur les recommandations mĂ©dicales du Rambam. Qu’en pensez vous ?

Il y a un dĂ©saccord sur cette question. Certains disent oui, d’autres disent non. Vous pouvez trouver toutes sortes d’opinions sur Internet. Il se pourrait que suivre les conseils de tsadikim comme le rabbin Haim Vital et le Rambam ait un effet curatif beaucoup plus important que si vous ou moi prescriviez les mĂȘmes Ă©lixirs, exercices et rĂ©gimes.

Il est important de noter que le Rambam s’est appuyĂ© sur la connaissance de son temps et sur les pratiques courantes en Espagne et au Maroc. Je suis certain que s’il vivait aujourd’hui, il ne tiendrait pas Ă  100% Ă  ses propres Ă©crits mĂ©dicaux et intĂ©grerait Ă  son systĂšme les nombreuses dĂ©couvertes de l’ùre moderne.

Presse juive : J’ai lu que vous avez une mezouza dans votre maison Ă©crite sur la peau d’une girafe. Comment est nĂ©e cette curiositĂ© ?

MĂȘme si une girafe est un animal casher, nous ne mangeons pas de viande de girafe aujourd’hui car c’est une espĂšce protĂ©gĂ©e. Cependant, comme l’animal est casher, sa peau peut ĂȘtre utilisĂ©e comme parchemin pour Ă©crire le mezuzot et le Sifrei Torah. Les Juifs du YĂ©men avaient pour tradition de tanner la peau pour produire des « gvilim », qui sont les parchemins utilisĂ©s pour les textes sacrĂ©s.

Les Rambam et Rabbeinu Tam dĂ©clarent tous deux que les parchemins peuvent ĂȘtre produits Ă  partir d’animaux casher tachĂ©s. Par consĂ©quent, dans nos efforts pour reproduire les traditions yĂ©mĂ©nites, nous avons utilisĂ© une girafe morte au zoo de Ramat Gan Safari. Depuis la girafe a la plus Ă©paisse peau de tout animal, la peau doit ĂȘtre coupĂ©e en morceaux minces pour permettre au Sofer l’encre d’ĂȘtre absorbĂ© correctement.

L’importance de cette entreprise n’était pas d’élargir les sources de parchemins casher. Étant donnĂ© que la girafe est une espĂšce protĂ©gĂ©e, les gvilim fabriquĂ©s Ă  partir de peau de girafe n’inonderont pas le marchĂ©. La valeur rĂ©side dans la re-confirmation des traditions de notre passĂ© et la validation des directives que nous utilisons aujourd’hui.

Presse juive : Je ne sais pas si vous ĂȘtes Ă©galement engagĂ© dans l’archĂ©ologie des civilisations passĂ©es, mais avez-vous dĂ©jĂ  rencontrĂ© des preuves factuelles pour soutenir l’affirmation des Palestiniens selon laquelle ce sont les Philistins d’origine qui ont habitĂ© le pays de Canaan avant les Juifs ?

Ce n’est pas mon domaine, mais je peux vous assurer que cette affirmation est totalement absurde. Les Palestiniens ne sont en aucun cas liĂ©s aux anciens Philistins. Le peuple palestinien, si une telle chose existe, est une crĂ©ation politique fictive, se rĂ©fĂ©rant Ă  des tribus d’Arabes nomades qui n’ont jamais dĂ©tenu la souverainetĂ© sur la Terre d’IsraĂ«l.

Les clans ont commencĂ© Ă  apparaĂźtre en IsraĂ«l aprĂšs la premiĂšre Aliyah. Il n’y a pas de traces ou d’artefacts anciens des Palestiniens car il n’y a jamais eu de peuple palestinien Ă  cette pĂ©riode.


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