En IsraĂ«l, le flĂ©au silencieux continue de frapper les rangs des vĂ©tĂ©rans et des soldats de Tsahal : lâĂ©pidĂ©mie des suicides post-traumatiques. Des chiffres glaçants, des visages brisĂ©s, et derriĂšre les statistiques, des familles dĂ©truites par lâindiffĂ©rence institutionnelle. La mort rĂ©cente de Daniel Edri et dâEliran Mizrahi, deux soldats, lâun rĂ©serviste de Gaza, lâautre du Corps du gĂ©nie de combat, a relancĂ© le cri dâalarme : lâĂtat hĂ©breu abandonne ceux qui ont pourtant risquĂ© leur vie pour lui.
Ginny Mizrahi, mĂšre dâEliran, tĂ©moigne avec une dignitĂ© dĂ©chirante : « Mon fils Ă©tait fort, il disait toujours que tout allait bien. Mais Ă lâintĂ©rieur, il Ă©tait broyĂ©. » Ce dĂ©calage entre lâimage du soldat invincible et la rĂ©alitĂ© psychologique dramatique est lâune des causes principales du silence qui tue. Les combattants israĂ©liens sont Ă©levĂ©s dans une culture du stoĂŻcisme, du dĂ©passement de soi, oĂč avouer une faiblesse Ă©quivaut Ă une dĂ©faite personnelle. Mais Ă force de taire leur douleur, les soldats comme Eliran finissent par sâeffacer dĂ©finitivement.
La sĆur de Daniel Edri, Eden Keidar, partage le mĂȘme rĂ©cit dâhorreur : son frĂšre, traumatisĂ© par les scĂšnes vĂ©cues dans la bande de Gaza et hantĂ© par le massacre de la fĂȘte de Nova oĂč il a perdu deux amis, ne dormait plus, se rĂ©veillait chaque nuit pour « combattre », victime de cauchemars incessants. « Il se douchait dix fois par jour pour faire disparaĂźtre lâodeur des corps brĂ»lĂ©s », confie-t-elle, comme si lâeau pouvait laver lâhorreur incrustĂ©e dans la chair et lâesprit.
Pire encore : Daniel avait rĂ©clamĂ© Ă plusieurs reprises Ă ĂȘtre hospitalisĂ©. En vain. Les autoritĂ©s lui ont simplement prescrit un traitement psychiatrique Ă prendre chez lui, comme on donne une aspirine Ă un mourant. Une lenteur bureaucratique criminelle dans un contexte oĂč chaque heure peut sauver une vie.
Le traumatisme post-traumatique (TSPT), ou Ś€ŚŚĄŚ ŚŚšŚŚŚŚ en hĂ©breu, nâest pas un concept nouveau en IsraĂ«l, pays oĂč chaque gĂ©nĂ©ration a son lot de guerres. Mais Ă lâheure oĂč les combats se sont intensifiĂ©s, oĂč Gaza et ses horreurs sont devenus un théùtre quotidien pour les soldats, la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne semble incapable de traiter lâurgence. Le post-traumatique reste une « blessure visible mais honteuse », selon les mots de Ginny Mizrahi. Tant que le soldat tient debout, la souffrance intĂ©rieure est niĂ©e, minimisĂ©e, ignorĂ©e.
Les chiffres sont pourtant sans appel : en un mois seulement, plus de 6 000 soldats ont sollicitĂ© la ligne dâassistance psychologique ERAN (*2201). 28 % souffraient dâune dĂ©tresse psychologique aiguĂ«, 20 % Ă©voquaient des angoisses et des pertes traumatiques. Et 10 % faisaient Ă©tat de pensĂ©es suicidaires explicites. Le Dr Shiri Daniels, directrice nationale professionnelle de lâERAN, explique cette dĂ©tresse par la culture militaire qui impose de « rĂ©primer ses Ă©motions, rester fonctionnel sous pression, coĂ»te que coĂ»te ». RĂ©sultat : les signaux dâalerte sont souvent ignorĂ©s, les soldats eux-mĂȘmes ne sâautorisent pas Ă demander de lâaide.
Lâironie tragique est lĂ : IsraĂ«l, qui dispose de lâune des armĂ©es les plus redoutĂ©es au monde, Ă©choue lamentablement Ă protĂ©ger ses propres hĂ©ros du gouffre intĂ©rieur. Il y a un paradoxe honteux dans une sociĂ©tĂ© qui pleure ses soldats tombĂ©s sous les balles ennemies mais qui dĂ©tourne le regard face Ă ceux qui tombent seuls, Ă lâombre de leurs cauchemars.
Ă cela sâajoute la violence administrative. Pour ĂȘtre reconnu comme souffrant de TSPT, il faut affronter des procĂ©dures kafkaĂŻennes, des examens Ă rĂ©pĂ©tition, des preuves de souffrance â comme si les cauchemars, les crises dâangoisse et les pensĂ©es suicidaires devaient se justifier. Eden Keidar dĂ©nonce cette rĂ©alitĂ© : « La bureaucratie brise encore plus ceux qui sont dĂ©jĂ fragilisĂ©s. Pour quelquâun de sain, câest dĂ©jĂ lourd, mais pour un traumatisĂ©, câest une double peine. »
Et pourtant, les solutions existent : un accĂšs immĂ©diat Ă lâhospitalisation pour tout soldat exprimant un risque suicidaire, une reconnaissance automatique du TSPT pour les soldats ayant combattu dans les zones de conflit, des cellules de soutien psychologique directement intĂ©grĂ©es dans les unitĂ©s militaires, comme cela se pratique dans certaines forces spĂ©ciales amĂ©ricaines.
Mais il y a plus grave encore : lâĂtat refuse de reconnaĂźtre certains suicides comme des dĂ©cĂšs en service, privant ainsi les familles endeuillĂ©es de leur droit Ă la reconnaissance et aux compensations. Eden se bat pour que son frĂšre soit reconnu comme une victime de Tsahal, tombĂ© au front, mĂȘme si lâennemi Ă©tait intĂ©rieur. Un combat pour la mĂ©moire, pour la dignitĂ©.
Le PDG dâERAN, David Koren, rĂ©sume la situation : « Cette guerre prolongĂ©e provoque une dĂ©tresse cumulative chez les soldats et leurs familles. Cela affecte non seulement leur santĂ© mentale, mais aussi leur quotidien, leur famille, leur stabilitĂ© financiĂšre. » Une bombe Ă retardement sociale qui pourrait bien coĂ»ter cher Ă IsraĂ«l si rien nâest fait.
Mais les familles ne comptent pas se taire. Ginny Mizrahi et Eden Keidar exigent que lâon « parle haut et fort », que le pays entier ouvre les yeux sur ce carnage silencieux. Le combat pour la vĂ©ritĂ© et la prise en charge ne fait que commencer. IsraĂ«l doit cesser de considĂ©rer ces morts comme des dĂ©gĂąts collatĂ©raux psychologiques. Chaque soldat brisĂ© est un Ă©chec national.
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