Mecredi, 8 Nissan 5774 (8 Avril 2014), le bulletin d’information de Radio Judaïca annonce que des « colons » ont résisté – avec jets de pierres et barres de fer – à la destruction de bâtiments et à l’enlèvement de caravanes dans « l’implantation » de Yitzhar. Bilan : six blessés dans les rangs de Michmar Hagvoul (sorte de gendarmerie) ! Ma première réaction est « Qu’est-ce qui leur arrive ? Un Juif ne doit, en aucun cas, porter la main contre un autre Juif ! » C’est qu’il a bien retenu la leçon des rabbanim, le petit Yéh’ezkel, ancien habitant de Atzmona et de Kyriat Arba, qui – lors de l’abandon de la Bande de Gaza – y est retourné spécialement pour résister pacifiquement à la déportation des Juifs par un gouvernement israélien « criminel » (…ainsi que l’a prouvé la suite). L’affaire me tracasse, je cherche à comprendre. Jadis, nous chérissions nos militaires, nos policiers : ils étaient nos protecteurs, les anges gardiens de notre Terre.
Je me souviens alors de la « rupture » entre le peuple et les « Forces de l’ordre » : des soldats de l’Etat juif, un petit drapeau israélien sur la poitrine, arrachant manu militari des femmes et des enfants de leur foyer. Plusieurs de ces appelés versaient toutes les larmes de leur corps mais, à nos incitations à refuser d’obéir (Cela leur valait à peine 28 jours d’arrêts !), ils répondaient presque toujours « Un ordre est un ordre ! » et, conscients de l’immoralité de leur action, ils continuaient leur sale travail. Je me souviens aussi de ces h’ayalim poussant des milliers de civil dans des autobus servant de fourgons cellulaires, de ces bulldozers écrasant ensuite sous leurs chenilles, en même temps que les maisons, des milliers de mézouzoth. Pour moi, ce fut un choc dont je ne suis toujours pas tout à fait remis : le bleu de l’Etoile de David frappant notre drapeau me semblait s’être délavé sous les larmes des victimes, l’uniforme de notre armée – que j’avais porté avec fierté quelques dizaines d’années plus tôt – indigne d’être à nouveau revêtu ! De notre côté, beaucoup de nos dirigeants avaient saboté notre action, se refusant à nous donner des consignes pour un plan de résistance élaboré, nous appelant à un cours de Torah au centre de Névé Dkalim juste au moment où l’armée essayait d’enfoncer la porte principale du Yichouv, et l’on vit même par la suite la photo d’un de nos rabbins principaux plaisantant, à l’abri des dunes, avec le chef des forces d’évacuation forcée (« J’avais quelque chose à discuter avec lui » fut sa justification aposteriori). S’étonner, après cela, que les « Jeunes des collines » n’aient plus confiance ni dans l’armée, ni dans le gouvernement, ni même dans les dirigeants officiels de Yèsha ! Je pouvais donc commencer à comprendre la révolte de Yitzhar… sans cependant l’excuser.
L’affaire me tracassait cependant et, après certaines recherches, j’ai découvert où le bât blessait. Il faut d’abord savoir qu’en mai 2013, donc il y a moins d’un an, un résident de la localité – Evyatar Borovsky, ז »ל, qui consacrait sa vie à un théâtre thérapeutique se voulant aider les personnes atteintes d’un choc post-traumatique – a été assassiné par un terroriste… qui avait été libéré par le gouvernement israélien, crime ayant de plus été facilité par la levée de nombreux points de contrôles demandée par l’Occident. Trois mois plus tard, un autre résident de ce village a été, sans raison aucune, neutralisé devant ses enfants par un flic jouant du Taser. Dans l’affaire qui nous occupe aujourd’hui, la destruction de quatre maisons et la confiscation d’une caravane a été effectuée suite à un acte de vandalisme – commis on ne sait trop par qui – consistant au fait que les pneus de la jeep du Commandant de Brigade pour la Samarie, le colonel Yoav Yarom, aient été crevés. Il s’agissait donc d’une punition collective, commise contre des personnes innocentes, en guise de représailles.
L’indignation des quelques dizaines d’habitants du Yichouv qui ont « saccagé un poste militaire » (en fait, une simple tente) des environs – après avoir jeté quelques cailloux, brûlé deux ou trois pneus et bloqué la route – me semble donc parfaitement compréhensible. Ce mouvement de colère devait d’ailleurs être bien moins grave que ce qu’ont voulu nous présenter les médias, car, selon un communiqué de Tsahal, « Tous les blessés ne l’ont été que légèrement et quatre d’entre eux ont pu être rapidement soignés sur place » (deux autres ont quand même reçu des soins à l’hôpital). Le communiqué des Forces de Défense d’Israël, qui s’indignent du fait que c’était le Michmar Hagvoul et la police qui ont détruit les habitations et non l’armée, que l’attaque de la casemate était donc injustifiée, oublie de signaler que c’est sur l’ordre direct du colonel Yarom – donc de l’autorité militaire – que la petite vengeance mesquine a été effectuée.
Que tout le monde condamne, c’est dans la logique du « politiquement correct » : même moi, je me sens obligé de « condamner ». Quoique… ! Quand un gouvernement libère – simplement pour pouvoir continuer à boire le café avec des assassins qui n’ont aucune intention d’arriver à un accord – une petite centaine de terroristes ayant du sang sur les mains (dont 50%, pour le moins, ont repris depuis leurs activités meurtrières), il me semble que, pour quatre pneus crevés, jeter à la rue des familles juives qui ne sont même pas coupables de ces déprédations consiste à installer dans les mains de Thémis une balance aux poids faussés !