Lors de l’émission Ulpan Shishi diffusée vendredi soir sur la chaîne 12, le ton feutré de Hanouka n’aura pas résisté longtemps à la charge politique qui s’est invitée autour de la table. Ce qui devait ressembler à un débat presque consensuel s’est rapidement transformé en une séquence acerbe, symptomatique de la fracture israélienne persistante autour de la responsabilité du 7 octobre. Au cœur de la tempête : Dedi Simhi, dont les propos ont surpris par leur radicalité et leur clarté assumée.
Sans détour, Dedi Simhi a affirmé que le seul responsable du massacre du 7 octobre était l’appareil militaire et sécuritaire israélien. Selon lui, l’armée et les services de sécurité, dans toutes leurs composantes, devront être les premiers à rendre des comptes devant toute commission d’enquête qui verrait le jour. Une position d’autant plus déroutante que Simhi n’a cessé, depuis le début de la guerre, d’encenser Tsahal et de défendre l’idée d’une victoire totale, balayant régulièrement les doutes exprimés sur le plateau quant à la faisabilité d’un tel objectif.
Interrogé par Dana Weiss sur l’absurdité démocratique qu’il y aurait à laisser un Premier ministre potentiellement mis en cause désigner lui-même les membres d’une commission d’enquête, Simhi a répondu par un « non » catégorique. Pourtant, dans la même respiration, il a insisté pour placer la responsabilité première sur les épaules de l’armée, minimisant de facto celle du pouvoir politique. « Il est inconcevable que 1 200 civils aient été massacrés en huit heures sans que l’armée soit présente pour répondre », a-t-il martelé, comme si cette vérité suffisait à clore le débat.
La discussion a alors pris une tournure plus tendue lorsque Omri Ronen, représentant du mouvement « Frères d’armes », a rappelé une série de faits dérangeants : des années de pouvoir politique ininterrompu, des valises d’argent transférées au Hamas, la banalisation des tirs de roquettes qualifiés de simples « gouttes », et une stratégie d’endiguement devenue dogme. Autant d’éléments qui renvoient directement à la responsabilité gouvernementale. Mais Simhi est resté inflexible, estimant que ces choix politiques ne constituaient pas une responsabilité directe dans l’effondrement sécuritaire du 7 octobre.
Cette ligne de défense a fait bondir plusieurs observateurs. En exonérant presque totalement le gouvernement, Simhi a donné l’impression de préparer le terrain à un récit commode pour le pouvoir en place. Certains y ont vu une posture politique en devenir, d’autant que sa cote de popularité ne cesse de grimper. Dans les couloirs médiatiques, l’idée qu’il puisse un jour franchir le pas vers l’arène politique, voire se présenter aux primaires du Likoud, n’est plus perçue comme une provocation mais comme une hypothèse crédible.
Sur le plateau, Amnon Abramovich n’a pas laissé passer l’occasion de contre-attaquer. Fidèle à son style, il a dénoncé avec virulence la perspective d’une commission d’enquête façonnée par Benjamin Netanyahu, estimant qu’il s’agirait d’un affront aux familles des victimes, aux otages et aux soldats tombés au combat. Plus encore, Abramovich a parlé d’un mépris flagrant pour l’intelligence du public, un sentiment partagé par une partie croissante de l’opinion.
La soirée s’est poursuivie avec d’autres dossiers brûlants, du procès de Netanyahou aux tentatives de diversion médiatique autour d’affaires secondaires, mais l’ombre du 7 octobre est restée omniprésente. Dedi Simhi a bien concédé, à demi-mot, que le politique devait lui aussi être interrogé, tout en défendant l’idée d’une commission « consensuelle », dotée de pouvoirs élargis, sans jamais expliquer comment une telle structure pourrait fonctionner dans un système politique aussi polarisé.
Le contraste a été frappant lorsque l’émission a présenté un sondage montrant Naftali Bennett comme un candidat crédible pour succéder à Netanyahou. Pour beaucoup, la chaîne 12 semblait amorcer un changement de narration, suggérant qu’une alternative politique sérieuse pourrait émerger. Dans ce contexte, les propos de Simhi ont résonné comme une pièce supplémentaire d’un puzzle médiatico-politique plus large, où chacun tente d’influencer le récit national autour de la responsabilité, de la faute et de l’avenir du pouvoir.
Au final, cette séquence d’Ulpan Shishi n’a pas seulement exposé un désaccord de plateau. Elle a mis en lumière une fracture profonde : celle entre une lecture strictement sécuritaire du désastre du 7 octobre et une approche plus globale, qui refuse d’absoudre le politique de ses choix passés. Une fracture qui, à l’évidence, continuera d’alimenter le débat public israélien dans les mois à venir.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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