La scène s’est déroulée ce lundi au Parlement israélien : plusieurs vétérans de Tsahal souffrant de traumatismes de guerre ont jeté leurs médicaments au visage des députés lors d’une séance consacrée à la prévention du suicide. Selon Davar, la commission du Travail et du Bien-être social, présidée par la députée Mikhail Waldiger, débattait de l’augmentation alarmante des cas d’autodestruction parmi les soldats et anciens combattants. Mais pour ces hommes marqués par le feu, les mots ne suffisent plus : « Cela fait des années que nous crions, et rien n’a changé. Les fêtes de Tichri seront un déclencheur de suicides supplémentaires », ont-ils lancé en brandissant leurs pilules avant de les jeter sur la table.
Dès l’ouverture des débats, Waldiger avait reconnu l’urgence : « Notre responsabilité est d’éclairer les zones sombres et de briser les stigmates. Chaque citoyen et chaque soldat doit savoir qu’il n’est pas seul. Malheureusement, nous voyons une hausse dramatique des appels à l’aide, de la détresse ressentie et des suicides, aussi bien dans la société civile que dans l’armée », a-t-elle déclaré. Mais ce discours a vite été balayé par la colère des vétérans, accusant les parlementaires d’inaction. L’un d’eux a interpellé les élus : « Je vous ai donné des rapports il y a cinq ans sur les suicides. Vous n’avez rien fait. Où sont les ministres ? Vous n’avez fait que vous asseoir ici. Donnez-nous des réponses. »
Les anciens combattants présents ont dénoncé un manque cruel de moyens. En jetant leurs médicaments, ils ont crié : « Prenez toutes ces pilules, nous n’en voulons plus. Vous nous avez transformés en malades mentaux. Gardez vos cachets, vous n’avez aucune solution. » Un geste dramatique, qui symbolise l’écart béant entre les discours officiels et la réalité vécue par ceux qui, après avoir servi en première ligne, se battent désormais contre les séquelles invisibles.
Les chiffres dévoilés en parallèle illustrent l’ampleur de la crise. En 2024, le délai moyen d’attente pour voir un psychologue militaire (kaban) s’élevait à 18,5 jours pour les soldats non-combattants et à 14 jours dans les unités de combat. Des délais jugés insupportables par les familles et les spécialistes, dans un contexte où chaque jour peut être décisif. Le manque de personnel qualifié, la lourdeur administrative et l’absence de budgets pérennes aggravent encore la situation.
Cette crise de santé mentale survient au moment où Israël vit une guerre prolongée, qui accentue les traumatismes. Les vétérans rappellent que les périodes de fêtes juives, synonymes de réunion familiale mais aussi de solitude pour certains, sont particulièrement propices aux passages à l’acte. Faute de suivi psychologique adapté, beaucoup d’anciens combattants se sentent abandonnés par l’État. « Nous avons sacrifié nos corps et nos âmes pour protéger le pays. En retour, on nous donne des pilules et des délais d’attente », a dénoncé un autre témoin.
Au-delà de l’épisode spectaculaire, cette audition met en lumière un problème structurel : Israël a investi massivement dans la défense physique, mais peine à faire face aux blessures psychiques de ses soldats. La colère des vétérans rappelle une vérité crue : sans soutien réel, les héros d’hier risquent de devenir les victimes silencieuses de demain. Et tant que la Knesset ne traduira pas ses promesses en budgets et en actes concrets, chaque période de fête restera une épreuve mortelle pour une partie de ceux qui ont servi sous l’uniforme.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
© 2025 – Tous droits réservés