Élections israéliennes : le spectre de Yossi Cohen et le pari incertain de l’opposition

ערב נר שני חג החנוכה משכן נשיא ההמדינה טקס מצטייני המוסד במעמד נשיא המדינה ראובן רובי ריבלין ראש הממשלה בנימין נתניהו ראש המוסד יוסי כהן Photo by Kobi Gideon / GPO

À l’approche des élections, le débat politique en Israël se cristallise autour d’une question récurrente : le camp anti-Netanyahou peut-il vraiment espérer vaincre sans un leader unique, ou bien la diversité des forces d’opposition est-elle un atout ? Amit Segal rappelle que la seule fois, en vingt ans, où Benyamin Netanyahou a perdu, en 2021, ce fut précisément face à une opposition fragmentée, portée par un « désordre organisé » plus qu’un chef de file.

Dans ce contexte, Avigdor Lieberman a récemment proposé une formule hybride : non pas une fusion des listes, mais un « supermarché politique », allant de la droite laïque au centre, en passant par la gauche, sous un même label commun. L’objectif affiché : offrir une coalition identifiable et des lignes directrices claires, sans céder aux illusions des « partis d’ambiance » qui gaspillent les voix. « Depuis Dash jusqu’aux retraités, quinze formations de ce type ont fleuri et disparu. Inutile de répéter les erreurs », a-t-il martelé.

Mais l’équation se complique avec la menace des nouveaux partis, à commencer par celui qu’incarne Yossi Cohen. L’ancien chef du Mossad, adulé pour ses exploits diplomatiques et de renseignement, apparaît désormais comme une carte imprévisible. Ses premières intentions électorales lui promettaient déjà une douzaine de sièges, sans qu’il ait ouvert la bouche. Pourtant, ses récentes sorties médiatiques donnent l’image d’un homme brouillon, changeant de cap au gré des interviews : « relaviste » militant pour l’unité de l’opposition dans Yedioth Ahronoth, puis « likoudnik » ouvert à une collaboration avec Netanyahou sur le plateau de Dana Weiss.

Pour Amit Segal, cette stratégie relève du « bizarre ». Si la promotion de son nouveau livre peut justifier une telle agitation, l’effet politique est désastreux : Cohen perd en crédibilité et brouille son positionnement. Plus grave, il pourrait offrir un renfort indirect à Netanyahou, simplement en siphonnant des voix sans construire d’alternative claire.

L’autre grand enjeu se situe dans l’hypothèse d’un résultat sans majorité absolue. Selon certains scénarios, l’opposition pourrait dépasser de peu le bloc Netanyahou et former un gouvernement provisoire grâce à l’abstention des partis arabes. Objectif : déloger Netanyahou de son fauteuil et relancer immédiatement des élections. Mais une telle formule risquerait de braquer l’opinion : « Netanyahou serait ravi de se représenter dans une campagne centrée sur la dépendance à l’égard des partis arabes, plutôt que sur le 7 octobre ou les ultra-orthodoxes », analyse Segal.

Dans le camp de Naftali Bennett, on rejette cette idée comme irréaliste et suicidaire. Lieberman, lui, reste énigmatique : « Il y a encore du temps, je ne ferme aucune porte », confie-t-il, tout en réaffirmant ne pas vouloir dépendre des Arabes.

La conclusion s’impose : l’opposition reste prisonnière de son dilemme, hésitant entre l’unité et la diversité, entre la recherche d’un leader charismatique et la peur de voir surgir un « parti satellite » qui affaiblirait tout le bloc. Quant à Yossi Cohen, son entrée en politique, loin de clarifier les choses, ajoute une couche supplémentaire d’incertitude. Ironie du sort pour un ancien maître de l’ombre : sa lumière médiatique pourrait bien précipiter son effacement politique.

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