Il y a 12 ans, l’Espagne était synonyme d’échec économique. Aujourd’hui, elle est désignée par The Economist comme « la grande économie occidentale la plus performante en 2024 ». Ce revirement spectaculaire s’explique par plusieurs facteurs, notamment une énergie bon marché, un marché du travail dynamique et une politique gouvernementale interventionniste. Cependant, certains estiment que ce succès pourrait être éphémère.

Une croissance remarquable dans un continent en difficulté

Alors que les grandes économies européennes traversent des crises diverses, l’Espagne affiche une croissance impressionnante de 3 % en 2024 selon l’OCDE, contre -0,2 % en Allemagne, 1,1 % en France et 0,5 % en Italie. Ce contraste a été mis en lumière par The Economist, qui souligne que « l’Espagne réfute l’idée selon laquelle l’Europe serait condamnée à la stagnation économique. »

L’Allemagne, jadis moteur de l’Europe, est en récession. La France est embourbée dans des crises économiques et politiques. L’Italie, après une embellie grâce à une réforme immobilière massive (« superbonus »), a vu sa croissance ralentir. Dans ce contexte, l’Espagne brille, non seulement par sa croissance économique, mais aussi par une inflation maîtrisée et une résilience notable.

Facteurs clés du succès espagnol

  1. Une énergie bon marché et diversifiée
    L’éloignement géographique de l’Espagne par rapport au conflit russo-ukrainien joue en sa faveur. Reliée à l’Algérie par des pipelines de gaz naturel et riche en ressources hydroélectriques et éoliennes, l’Espagne bénéficie d’un coût énergétique inférieur de 25 % à celui de la France et de 81 % à celui de l’Allemagne.
  2. Un marché du travail renforcé par l’immigration
    Entre 2020 et 2023, environ 700 000 migrants, principalement d’Amérique latine, ont rejoint le marché du travail espagnol, contribuant à contenir les coûts salariaux dans des secteurs à faible valeur ajoutée comme l’agriculture, l’hôtellerie et la construction. Cette dynamique a permis à l’Espagne de limiter l’impact de l’inflation mondiale et de soutenir la consommation.
  3. Un secteur touristique en plein essor
    Après la pandémie, le tourisme espagnol a atteint des records, avec environ 90 millions de visiteurs par an. Ce secteur a enregistré une croissance de 5 % en 2024, presque deux fois supérieure à celle du PIB global.
  4. Des mesures fiscales et sociales expansives
    Le gouvernement de Pedro Sánchez a mis en place des politiques visant à alléger le coût de la vie : subventions pour les transports publics, aides au chauffage et autres. Environ 60 % de la croissance économique espagnole en 2024 est attribuée à ces mesures, selon un rapport de la banque espagnole FUNCAS.

Les défis à venir

Malgré ce succès, des préoccupations subsistent. La dette publique espagnole s’élève à 107 % du PIB, bien qu’elle ait baissé par rapport au pic de 120 % en 2020. Le faible niveau des dépenses militaires (1,3 % du PIB, loin des objectifs de l’OTAN) et une régulation gouvernementale lourde sont également pointés du doigt.

L’opposition et certains économistes estiment que cette croissance repose sur des bases fragiles, notamment une dépendance à des secteurs à faible productivité et une immigration massive qui pourrait poser des défis à long terme.

The Economist prévient également que l’Espagne devra éviter la complaisance : « Elle prouve que les économies européennes peuvent surmonter des défis apparemment insurmontables, mais elle devra veiller à ne pas succomber à l’immobilisme. »

Un modèle pour l’Europe ?

En 2024, l’Espagne est devenue le troisième plus grand bénéficiaire d’investissements étrangers en Europe, après l’Allemagne et le Royaume-Uni. The Economist conclut que l’Espagne pourrait servir de modèle en mettant davantage l’accent sur les services et la diversification économique. Mais pour maintenir ce dynamisme, elle devra relever les défis structurels qui persistent et garantir que cette période de croissance ne soit pas qu’un feu de paille.