Sara Erenthal avec son piercing au nez, son jean et son sweat-shirt ne ressemble en rien à ce qu’elle était il y a 20 ans. Elle faisait partie d’un des groupes juifs ultra-orthodoxes les plus extrêmes qui ne ratent jamais une occasion de soutenir les plus grands ennemis d’Israël comme le Hamas, le Hezbollah, l’Iran, les palestiniens… justifiant leur haine féroce du fait que selon eux l’État d’Israël leur appartient vu que le Messie n’est pas arrivé…

L’artiste de rue new-yorkaise de 36 ans qui a quitté la vie religieuse a attiré de plus en plus l’attention pour ses peintures murales originales et son art qui donne une seconde vie aux objets.

Le site web d’Artnet en décembre l’a classée parmi les 10 meilleurs artistes de rue. Son travail pendant 36 ans a prospéré dans les rues de Brooklyn et dans l’espace d’exposition et de performance FiveMyles du quartier de New York. Cela a été une reconnaissance improbable pour cette personne issu du monde  très fermé des ultra-orthodoxes, qui suivent leur interprétation stricte de la loi juive.

« Je n’ai pas eu une enfance heureuse », a déclaré Erenthal à l’AFP lors d’un récent retour en Israël pour la première fois de sa vie professionnelle.

« J’ai cessé de croire en Dieu quand j’étais très jeune, mais je ne l’ai jamais dit. Il y avait des disputes avec ma famille. « 

De retour en Israël pendant plusieurs semaines, Erenthal travailla dans un studio et dans les rues de Jérusalem et de Tel Aviv. Une partie de son travail a été exposée à la galerie Bait Ha’adom (Red House) dans le quartier branché de Shapira au sud de Tel-Aviv.

Elle a peint le visage de cette femme emblématique, avec des courbes stylisées noires et des lèvres rouges, dans les rues de Jérusalem au quartier ultra-orthodoxe de Geula près de Mea Shearim, la zone strictement religieuse où elle est née. Ce visage et ses différentes formes, presque expressionnistes, sont devenus sa signature.

« C’est un autoportrait. Il me représente dans toutes mes variations et aussi toutes les femmes et les personnes », a-t-elle dit.

« C’est un autoportrait subconscient. »

L’image prend parfois la forme d’une jeune fille avec des tresses, comme elle l’était elle-même petite fille. Erenthal vient d’une famille qui appartenait à la branche Neturei Karta du judaïsme ultra-orthodoxe, connue pour son style de vie religieux particulièrement strict et son opposition au sionisme.

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Page Facebook – Sara Erenthal

Pour les membres de Neturei Karta, l’établissement d’un État juif est interdit avant la venue du Messie.

Quand elle avait seulement quelques années, ses parents ont quitté Jérusalem et ont déménagé dans un quartier ultra-orthodoxe de Brooklyn, où elle a passé la plus grande partie de son enfance.

« Quand j’avais 17 ans et demi, nous sommes retournés en Israël », a déclaré Erenthal.

« Quelques mois plus tard, mes parents m’ont dit qu’ils avaient trouvé quelqu’un pour moi (se marier) sans vraiment me donner le choix. J’avais l’intuition que c’était le moment, que si je ne partais pas tout de suite je ne partirais jamais.  » Elle s’est enfuie de sa famille et s’est rendue au bureau de recrutement de l’armée pour effectuer son service militaire, obligatoire en Israël, bien que les jeunes ultra-orthodoxes soient généralement exemptés.

Elle a passé du temps dans un kibboutz et les communautés collectives en Israël et a appris l’hébreu là-bas après avoir déjà appris le yiddish, la langue juive d’Europe de l’Est millénaire que certains ultra-orthodoxes en Israël utilisent encore.

Erenthal a fait son service militaire pendant 2 ans, travaillant dans l’administration d’une unité d’infanterie. « Mon service militaire a été mon introduction dans le monde laïque », a-t-elle dit.

Plus tard, elle est retournée à New York, survivant grâce à de petits boulots et endurant un «sentiment de vide».

Cherchant à combler ce vide, elle a passé près d’un an en Inde. Puis, à la trentaine, elle a commencé à dessiner.

« En Inde, j’ai commencé à m’épanouir en tant qu’artiste. Jusque-là, je n’avais jamais pensé que pouvoir être un artiste », a-t-elle dit.

« Dans ma famille, je n’étais pas en contact avec  l’art contemporain et  la culture en général. Nous n’allions jamais au musée. »

De retour à New York, elle fait ses premiers pas dans le monde de l’art, en commençant par travailler dans un studio. Elle se tourne rapidement vers le street art, utilisant des objets trouvés tels que des matelas, des télévisions et de la ferraille dans son travail,  et s’essayant ensuite aux peintures murales. Elle a progressivement inclus des messages dans ses peintures.

Beaucoup sont spontanés, inspirés par ses sentiments du moment ou par les objets eux-mêmes. Certains sont plus militants, même si elle se défend de vouloir de provoquer.

Pendant son séjour à Jérusalem, ses graffitis sur une fenêtre abandonnée comprenaient les mots «Ouvrez vos yeux».

« Ces mots sont une invitation à s’arrêter un instant et à réfléchir », a-t-elle déclaré.

« C’est un message subtil au cas où quelqu’un en aurait besoin. Je n’essaie pas de dire aux juifs ultra-orthodoxes comment ils devraient vivre leur vie. Je n’essaie pas de convaincre qui que ce soit.

« Si quelqu’un doit voir ce message, il le fera. »