L’affaire met en lumière la guerre informationnelle qui ronge Israël depuis le 7 octobre. Enav Tzengekoer, mère de Matan Tzengekoer, otage du Hamas pendant plus de deux ans à Gaza et libéré après 738 jours de captivité, a déposé une action civile de 400 000 shekels pour diffamation contre Aliza Illouz, militante active sur les réseaux, identifiée comme proche du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Selon la plainte, Illouz aurait publié 22 messages mensongers l’accusant d’avoir manipulé l’opinion publique et d’avoir détourné des dons destinés à soutenir la lutte pour la libération de son fils.
Cette affaire, révélée par Haayin Hashvi’it, relance le débat sur les dérives toxiques des réseaux sociaux, la polarisation extrême du débat national et la vulnérabilité des familles d’otages face à des campagnes de dénigrement orchestrées.
Selon les documents judiciaires, la militante — connue sur X sous le pseudonyme “Aliza Bekriza”, dont la photo de profil utilise l’image de Sara et Benjamin Netanyahu — a diffusé pendant plusieurs semaines des accusations graves :
que Matan n’aurait jamais été réellement otage, que la mère aurait “monté une histoire”, ou encore qu’elle aurait “encaissé de l’argent en se faisant passer pour une victime”.
Pour Enav Tzengekoer, ces attaques relèvent d’une violence inimaginable.
À travers ses avocats, Ohad Rosen, Lior Sokol et Idan Sagar, elle détaille les 22 publications incriminées.
Selon eux :
« Il s’agit de propos calomnieux, diffamatoires et totalement dénués de fondement, relevant d’une imagination malade. Leur diffusion répétée vise uniquement à salir une mère qui a consacré deux ans de sa vie au combat pour sauver son fils. »
Une campagne organisée contre une mère d’otage
Les publications d’Illouz, largement partagées au sein de groupes militants, ont visé non seulement Enav mais aussi Matan, quelques jours seulement après sa libération.
Les messages prétendaient notamment qu’il n’avait pas été détenu par le Hamas mais “qu’il se trouvait en Égypte”, ou encore qu’il aurait remis à sa mère une “enveloppe d’argent” filmée lors de leur retrouvailles.
Là encore, la réponse de la famille est nette :
la vidéo originale montre simplement Matan tendant une boîte de mouchoirs à sa mère, un geste banalisé, transformé en mensonge viralisé.
Enav Tzengekoer rappelle avoir consacré chaque don reçu à la lutte pour la libération des otages, notamment les manifestations organisées porte de Beguin à Tel-Aviv, durant lesquelles elle a dormi dans une tente pendant des mois.
« Je n’ai jamais fait un seul usage privé des contributions. Chaque shekel a été investi dans le combat pour Matan et pour les autres otages », précise-t-elle.
Un phénomène politique : les familles d’otages ciblées
Cette affaire n’est pas isolée. Depuis un an, plusieurs familles d’otages ont été ciblées par des campagnes personnelles provenant de réseaux militants.
Certaines ont été qualifiées de “traîtres”, d’autres accusées d’affaiblir le gouvernement ou de “collaborer” avec les pressions internationales.
Ce climat de haine numérique n’épargne personne — et s’amplifie lorsqu’il s’agit de familles visibles, actives et critiques.
Enav fait partie des leaders du mouvement réclamant un accord pour la libération de tous les otages, ce qui lui vaut parfois les foudres de cercles extrémistes qui accusent toute contestation du gouvernement d’être “politique”.
Dans un pays traumatisé par le 7 octobre, cette polarisation est devenue un élément central de la vie publique.
Mais elle produit aussi des dégâts humains considérables.
La justice face à la désinformation
L’action de Tzengekoer pourrait devenir un cas test dans la lutte contre la diffamation en ligne.
Les tribunaux israéliens voient affluer des plaintes pour harcèlement numérique, souvent liées à la sphère politique ou sécuritaire.
Ce dossier pose une question essentielle :
où se situe la frontière entre l’opinion politique et la destruction volontaire d’une personne en situation de fragilité extrême ?
Les avocats de la plaignante affirment que la responsabilité est claire :
« Notre cliente n’a pas menti, n’a pas profité de la captivité de son fils.
Son enfant a été enlevé par le Hamas, pas “parti en vacances en Égypte”.
Les allégations diffusées sont fausses, destructrices et doivent être sanctionnées. »
Un miroir de la fracture israélienne
Au-delà de l’affaire individuelle, ce dossier reflète une tension profonde :
le fossé qui s’est creusé entre les familles d’otages, la société civile, et certaines sphères politiques.
L’image de Matan, filmé dans un hélicoptère de Tsahal lors de son retour en Israël, devrait être un symbole de soulagement national.
Mais pour certains militants, elle est devenue un prétexte pour mener une campagne de dénigrement, ravivant les fractures internes.
Dans un pays où la douleur des otages représente une blessure nationale encore ouverte, le cas d’Enav Tzengekoer force une réflexion nécessaire :
quels sont les limites, les responsabilités et les conséquences réelles de la parole publique à l’ère numérique ?
À l’heure où Israël cherche à reconstruire la cohésion nationale, l’affaire rappelle que le combat pour la vérité, la dignité et le respect commence aussi sur les réseaux sociaux — et parfois devant les tribunaux.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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