À trois semaines de son quatre-vingt-dixième anniversaire, Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne (AP) et chef historique du Fatah, vient de publier un décret constitutionnel qui fixe le mécanisme de sa succession. Un geste rare et lourd de symboles : pour la première fois depuis deux décennies, Ramallah se prépare ouvertement à l’après-Abbas.
Selon la dépêche officielle de l’agence palestinienne Wafa, en cas de vacance du pouvoir — décès ou incapacité —, le vice-président du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) prendra la tête de l’Autorité pour une période transitoire de soixante jours, le temps d’organiser de nouvelles élections. L’homme désigné à ce poste est Hussein al-Sheikh, 64 ans, fidèle compagnon d’Abbas et actuel ministre des Affaires civiles.
Un décret à la saveur testamentaire
À Ramallah, le texte a provoqué une onde de choc.
Mahmoud Abbas, au pouvoir depuis 2005, n’a jamais nommé de successeur clair. Ses années de règne ont été marquées par la division politique, la corruption et l’effondrement du processus de paix. Aujourd’hui, en désignant Hussein al-Sheikh comme héritier institutionnel, il met fin à des années de spéculations.
Selon Al-Quds News et Reuters, la décision aurait été prise sous la pression combinée de l’Égypte, de la Jordanie et des États-Unis, désireux d’éviter un vide politique dans les Territoires palestiniens — un scénario qui pourrait profiter au Hamas.
Le décret stipule également que, si Hussein al-Sheikh devait être empêché, c’est le président du Parlement palestinien qui assumerait l’intérim. Problème : cette instance est aujourd’hui paralysée depuis la prise de contrôle de Gaza par le Hamas en 2007. En clair, Abbas a verrouillé la transition au profit de son clan, tout en prétendant respecter la légalité.
Hussein al-Sheikh, le « dauphin » de Ramallah
Pour les observateurs, le nom d’Hussein al-Sheikh n’est pas une surprise. Longtemps bras droit d’Abbas, il a servi d’interlocuteur principal entre Ramallah et Tel-Aviv dans les questions de coordination sécuritaire. Pragmatique, polyglotte, il est considéré comme l’un des rares dirigeants palestiniens à comprendre les contraintes israéliennes.
Selon The Jerusalem Post, il entretient des relations suivies avec la CIA et plusieurs chancelleries arabes. Mais cette proximité avec Israël fait aussi sa faiblesse : dans la rue palestinienne, il est perçu comme un homme de compromis, voire un collaborateur.
Un diplomate européen cité par France 24 résume : « Al-Sheikh est accepté par les Américains et toléré par Israël, mais il n’a pas de légitimité populaire. » Ce constat explique les tensions grandissantes entre le Fatah et les autres factions, notamment le courant de Marwan Barghouti, toujours emprisonné en Israël, mais adulé par une grande partie des Palestiniens.
Ramallah sous haute tension
L’annonce de la succession intervient dans un contexte explosif.
À Gaza, la guerre contre le Hamas a redistribué les cartes. Les États-Unis et plusieurs pays arabes, dont les Émirats arabes unis, poussent pour une « Autorité palestinienne rénovée » capable de gérer la reconstruction sous supervision internationale.
Mais à Ramallah, beaucoup y voient une manœuvre occidentale destinée à recycler une élite vieillissante. Des manifestations sporadiques ont éclaté ces derniers jours, notamment à Naplouse et Hébron, pour dénoncer « le régime héréditaire du Fatah ».
Le Hamas, de son côté, a dénoncé une « succession illégitime ». Dans un communiqué relayé par Al Jazeera Arabic, le mouvement islamiste a affirmé que « le peuple palestinien n’a pas besoin d’un nouveau dictateur, mais d’une résistance unifiée ».
Une inquiétude à Jérusalem
À Jérusalem, la nouvelle a été accueillie avec circonspection.
Les services de sécurité israéliens suivent de près la transition, redoutant une lutte de pouvoir interne au Fatah qui pourrait déstabiliser la Cisjordanie. « L’Autorité palestinienne est fragile, mais son effondrement serait pire », commente un responsable du Shin Bet cité par Ynet.
Benjamin Netanyahou, interrogé par Channel 12, a réaffirmé qu’Israël « ne s’ingérera pas dans les affaires palestiniennes », tout en rappelant que « la stabilité est préférable à l’anarchie ».
En coulisses, Tsahal a déjà renforcé sa présence autour de Ramallah et de Jénine, anticipant d’éventuels troubles à l’annonce du décès d’Abbas.
Le spectre de la succession ouverte
Si Hussein al-Sheikh hérite du pouvoir, il devra affronter plusieurs rivaux : le secrétaire général du Fatah Jibril Rajoub, l’ex-chef des renseignements Majed Faraj, et le vétéran Mahmoud al-Aloul. Tous revendiquent une part du pouvoir, tous craignent l’ingérence israélienne ou américaine.
Dans ce contexte, la nomination du successeur d’Abbas ressemble moins à une transition démocratique qu’à une désignation de crise.
Comme le note l’analyste israélien Ehud Yaari sur Channel 13, « Mahmoud Abbas n’a jamais préparé son peuple à l’après lui. Il a gouverné par décret, sans élection, et laisse derrière lui un système à bout de souffle. »
Après Abbas, le vide
Qu’il parte dans l’ordre ou dans la confusion, Mahmoud Abbas emportera avec lui la dernière illusion d’un État palestinien unifié.
Son héritier désigné, Hussein al-Sheikh, ne dispose ni du charisme d’Arafat, ni de l’autorité militaire du Hamas. Dans un Proche-Orient en recomposition, la succession d’Abbas pourrait bien marquer non pas la renaissance, mais la dissolution politique du projet palestinien.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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