Un nouveau front du boycott culturel contre Israël s’ouvre dans le monde du cinéma. Plus de 1 500 acteurs, réalisateurs et professionnels du secteur ont signé une tribune publiée dans The Guardian lundi 8 septembre, annonçant qu’ils refuseront désormais toute collaboration avec des institutions cinématographiques israéliennes accusées d’être « complices du génocide à Gaza ».
Parmi les signataires figurent des figures majeures comme Olivia Colman, Javier Bardem, Tilda Swinton, Mark Ruffalo, mais aussi les réalisateurs Yorgos Lanthimos, Joshua Oppenheimer et Ava DuVernay. L’appel, lancé par le collectif Film Workers for Palestine, fait écho au précédent du boycott artistique de l’Afrique du Sud de l’apartheid dans les années 1980, alors soutenu par Martin Scorsese et Jonathan Demme.
Concrètement, il s’agit de cesser toute coopération avec les festivals et sociétés de production qui, selon les auteurs de la lettre, participeraient à la « normalisation » des politiques israéliennes. Le Festival du film de Jérusalem et le Docaviv de Tel-Aviv sont nommément cités comme cibles, accusés de collaborer avec le gouvernement israélien. « La majorité des institutions cinématographiques israéliennes n’ont jamais reconnu les droits internationaux du peuple palestinien », dénoncent les signataires.
Le texte précise que ce boycott vise des structures et non des individus israéliens. « Nous répondons à l’appel des cinéastes palestiniens, qui ont exhorté l’industrie cinématographique internationale à refuser le silence, le racisme et la déshumanisation », peut-on lire. Cette prise de position s’ajoute à une série d’initiatives récentes : à Cannes, en mai dernier, 900 personnalités – dont Juliette Binoche, Pedro Almodóvar ou Joaquin Phoenix – avaient signé une pétition similaire. À Venise, en août, le collectif Venice4Palestine avait rassemblé plus de 2 000 signatures, parmi lesquelles Guillermo del Toro et Ken Loach.
Pour Israël, ce boycott s’apparente à une offensive culturelle orchestrée dans la continuité du mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), que l’État hébreu considère comme profondément antisémite car il vise à délégitimer son existence même. « Ce n’est pas du cinéma, c’est de la propagande », a réagi un diplomate israélien cité dans la presse locale, dénonçant « l’hypocrisie d’artistes qui ne disent rien face aux atrocités commises ailleurs dans le monde ».
Le parallèle avec l’apartheid sud-africain, de plus en plus mis en avant par les militants pro-palestiniens, illustre une stratégie claire : isoler Israël non seulement sur le terrain diplomatique et économique, mais aussi dans le domaine symbolique et culturel. Dans un secteur comme le cinéma, où la visibilité mondiale est capitale, l’impact de ce type de mobilisation pourrait peser lourd sur l’image d’Israël à l’international.
Reste une question centrale : ce boycott parviendra-t-il réellement à fragiliser Israël ou ne servira-t-il qu’à renforcer le sentiment, largement partagé dans l’opinion israélienne, que le pays est victime d’un acharnement antisémite sous couvert d’humanisme ? Comme souvent, la bataille ne se limite pas aux faits mais se joue aussi sur le terrain narratif, là où Israël entend rappeler que la guerre a commencé par le massacre du 7 octobre 2023, et que toute comparaison avec l’apartheid sud-africain est une manipulation grossière.
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