Selon L’Express, France 3 diffusait une émission consacrée à l’ancien président, Valéry Giscard d’Estaing, au cours de laquelle il évoquait les origines étrangères de l’ancien candidat au poste, Edouard Balladur, comme raison de son soutien à Jacques Chirac en 1995. Haïm Korsia, Grand rabbin de France, réagit.

« Lundi 3 avril, en rentrant chez moi, j’ai pu voir les dernières minutes de l’émission que France 3 consacrait à l’ancien Président Valéry Giscard d’Estaing. Et entendre, abasourdi et consterné, le vieil homme expliquer les raisons de son choix de voter pour Jacques Chirac plutôt que pour Edouard Balladur lors de l’élection présidentielle de 1995. Explication qualifiée d' »inattendue » par le commentateur : les origines orientales de Balladur [né à Izmir, en Turquie] lui conféraient selon lui une culture complexe et donnaient à ses propositions un côté incertain. Alors que les racines limousines de Jacques Chirac, « Chirac, c’est le Limousin, la France du Centre », permettaient d’être sûr de son imprégnation de la culture française…

Une déclaration ouvertement raciste

On est frappé. Violemment. Atterré devant une déclaration aussi ouvertement raciste, pétainiste, devant une pensée aussi nauséabonde. Comment un homme d’Etat, réputé intelligent, qui a dirigé la patrie des Droits de l’Homme, peut-il énoncer, sans vergogne aucune, des réflexions aussi manifestement contraires aux valeurs qui fondent notre République ? Qu’a-t-il pensé alors de Nicolas Sarkozy qui avait revendiqué son sang mêlé ? Qu’aurait-il pensé de Dominique Strauss-Kahn ?

Que dit-il du discours de Xavier Vallat, devant la Chambre le 6 juin 1936, refusant de voter pour le gouvernement de Léon Blum à cause de « Blum lui-même » ? « Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par un Juif… »

Lui qui est de l’Académie française, que pensait-il de ses éminents confrères Hector Bianciotti, François Cheng, Amin Maalouf ou Andreï Makine, tous nés hors de France et pourtant porteurs du génie de la France ?

Dénoncer sans relâche la bêtise et l’intolérance

On m’objectera peut-être que la véhémence de ma colère paraît bien disproportionnée, s’agissant d’un homme du passé, pour une phrase diffusée à une heure tardive. Non. Se taire serait se faire complice de l’acceptabilité molle de cette pensée fétide et la laisser prospérer.

Il nous faut réaffirmer que la lutte contre le racisme, contre toutes les formes de discrimination, est une lutte de tous les instants. Que la vigilance ne doit en aucune façon se relâcher. Transposons le principe de la vitre brisée : si nous laissons passer un « petit » écart, c’est l’ensemble de l’édifice social qui bientôt va se délabrer. D’autant plus si cet écart n’est pas celui de n’importe qui, mais de quelqu’un qui a incarné la modernité, qui nous a représentés, devant qui le drapeau tricolore s’incline !

N’hésitons pas à dénoncer sans relâche la bêtise et l’intolérance. Et rappelons que chacun d’entre nous, dans la période troublée que nous traversons, se doit d’être gardien de notre liberté commune et porteur du projet formidable qu’est la diversité et l’unité de la France. »