Alors que l’émotion nationale reste vive après la libération partielle des otages, la droite israélienne s’enflamme. Le député Moshe Gafni, chef de file de Dégel HaTorah au sein du parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah, a lancé ce week-end une attaque frontale contre les ministres Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, les accusant de “mettre en danger le peuple d’Israël” et de ne s’être “jamais réellement souciés des otages”.
Lors d’un rassemblement de sa formation à Jérusalem, Gafni a fustigé les deux leaders nationalistes religieux :
“Nous avions raison depuis le début. Qui a eu tort ? Ceux qui montent sur le mont du Temple, portent la kippa et excitent tout le monde musulman contre nous — ont-ils aidé quelqu’un ?”
Le ton, rarement aussi violent entre partenaires de coalition, traduit la fracture idéologique qui mine depuis des mois le camp gouvernemental. Gafni, vétéran de la Knesset et figure influente du judaïsme haredi, reproche aux ministres sionistes religieux de “jouer avec le feu” et de privilégier la provocation à la responsabilité. Selon lui, “s’ils avaient eu gain de cause, les otages ne seraient pas rentrés. Je ne suis même pas sûr qu’ils s’y soient intéressés.”
Une réplique cinglante du camp national-religieux
Les proches de Bezalel Smotrich n’ont pas tardé à réagir dans un communiqué acerbe, citant l’Ecclésiaste :
“Mieux vaut un jeune pauvre et sage qu’un roi vieux et insensé.”
Ils accusent Gafni d’être “déconnecté d’une jeunesse haredie qui rejette son sectarisme”, et d’alimenter “la haine contre le public religieux-sioniste, celui qui donne sa vie pour la Torah, le peuple et la terre”. Le texte poursuit : “Au lieu de défendre la nation, il s’accroche à une politique d’évitement, d’hostilité et d’isolement. Il finira par être écarté par la nouvelle génération de son propre camp.”
Une coalition fracturée au lendemain de la trêve
Cet échange violent survient dans un contexte politique déjà explosif. Benyamin Netanyahou, encore auréolé du succès diplomatique de la première phase de l’accord de paix négocié avec l’aide de Washington, doit désormais composer avec les tensions internes de sa coalition : d’un côté les partis ultra-orthodoxes, attachés au statu quo religieux ; de l’autre, les courants nationalistes qui revendiquent un contrôle accru sur le mont du Temple et une attitude intransigeante face au Hamas.
Les critiques de Gafni reflètent la crainte, dans le camp haredi, de voir le gouvernement glisser vers un affrontement ouvert avec le monde musulman. Pour lui, chaque montée de militants religieux sur l’esplanade des Mosquées est perçue comme “une étincelle dangereuse susceptible d’embraser la région”. Ce reproche rejoint les avertissements formulés par plusieurs rabbins non sionistes qui accusent Ben Gvir d’utiliser la religion comme instrument politique.
Ben Gvir et Smotrich contre-attaquent
Dans leur entourage, on ironise sur “l’hypocrisie d’un homme qui prêche la prudence pendant que nos soldats se battent”. Les partisans de Ben Gvir dénoncent une manœuvre politique : “Gafni tente de se repositionner dans l’opposition morale après la libération des otages. Il se sert de la peur pour se présenter en sage responsable.”
Bezalel Smotrich, lui, fait valoir que les jeunes haredim “ne veulent plus vivre dans un monde de dépendance et de séparatisme”. Pour lui, la ligne de Gafni — refus du service militaire et rejet de la modernité — “n’a plus d’avenir”.
Une rivalité idéologique à haut risque
Ce nouvel épisode illustre le fossé croissant entre les deux piliers historiques de la droite israélienne. Les ultra-orthodoxes voient dans la religion un bouclier spirituel à préserver des tumultes du monde politique, tandis que les sionistes religieux considèrent la conquête et la souveraineté sur toute la Terre d’Israël comme une mission sacrée.
Cette tension, longtemps contenue au nom de la survie de la coalition, explose désormais au grand jour. L’affaire des otages, symbole d’unité nationale, devient paradoxalement le terrain d’un affrontement idéologique sur la nature même du sionisme religieux et sur la définition de la responsabilité politique dans un État juif moderne.
Enjeux futurs
À court terme, Netanyahou devra arbitrer entre ses partenaires, tout en préservant l’équilibre fragile qui lui permet encore de gouverner. Mais cette querelle publique pourrait marquer un tournant : elle révèle l’érosion du consensus moral qui unissait autrefois le camp national-religieux et le monde haredi autour d’un objectif commun — la protection d’Israël.
À long terme, la question est de savoir si la fracture deviendra irréversible : la droite israélienne peut-elle continuer à gouverner quand ses composantes s’accusent mutuellement d’avoir “oublié les otages” ?
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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