Haïfa déclarée “foyer national” de rougeole : le ministère de la Santé tire la sonnette d’alarme

L’épidémie de rougeole prend une ampleur inédite en Israël. Le ministère de la Santé a officiellement désigné Haïfa comme “épcentre de l’épidémie”, alors que le nombre réel de contaminations serait bien supérieur aux chiffres officiels. Face à l’urgence, les autorités autorisent la vaccination anticipée des nourrissons et appellent à une vigilance maximale.

Le mot “épidémie” n’a pas encore été prononcé publiquement, mais dans les hôpitaux du nord, personne n’en doute plus.
Selon un rapport interne du ministère de la Santé, révélé par Israël Hayom, Haïfa est désormais classée comme “foyer national de rougeole”, après plusieurs dizaines de cas recensés dans la communauté ultra-orthodoxe locale.
L’information a été transmise aux caisses de santé et aux hôpitaux, mais n’a pas encore été diffusée officiellement au public.


9 000 personnes potentiellement contaminées

D’après les estimations internes du ministère, au moins 9 000 Israéliens auraient contracté la rougeole depuis le début de la flambée, contre seulement 1 800 cas confirmés officiellement.
Le décalage s’explique par la sous-déclaration des infections légères et par les délais de confirmation en laboratoire.

Le docteur Or Krieger, directeur adjoint de la division de la santé publique, a précisé que les enfants de Haïfa âgés de 6 à 11 mois pourront désormais recevoir le vaccin plus tôt que prévu, une mesure exceptionnelle destinée à offrir une protection partielle de 70 à 85 % durant l’épidémie actuelle.
Le ministère recommande également d’avancer la deuxième dose du vaccin pour les enfants jusqu’à six ans, afin de renforcer l’immunité collective.


Une épidémie nationale

Haïfa ne fait pas figure d’exception : les autorités recensent des foyers actifs à Jérusalem, Beit Shemesh, Bnei Brak, Modi’in Illit, Harish, Nof HaGalil, Kiryat Gat, Ashdod, Netivot, Tekoa, Beitar Illit et dans la région de Binyamin.
Mais c’est dans le nord que la propagation inquiète le plus les experts, en raison de la densité des populations non vaccinées et du brassage communautaire.

Neuf décès ont déjà été enregistrés depuis avril, dont celui d’un enfant de sept ans mort la veille de la publication du rapport.
Douze personnes sont actuellement hospitalisées, la moitié en soins intensifs.
Un bébé, atteint d’une complication grave, devra subir une amputation partielle des jambes, conséquence dramatique de la maladie.


“Un échec politique et sanitaire”

Le professeur Hagai Levine, président de l’Association israélienne de santé publique, a dénoncé l’inaction du gouvernement :

« Nous sommes en pleine épidémie de rougeole qui a déjà coûté neuf vies, soit autant que dans toute l’Europe en une année. Et sans ministre de la Santé en poste, personne ne porte la responsabilité politique. Personne ne convoque de réunion d’urgence, ne réclame de budget ni ne fixe de stratégie nationale. »

Les critiques portent notamment sur le retard pris dans la campagne de vaccination et sur le remaniement au sein du département d’épidémiologie, dont la directrice, la docteure Rena Shibli, a quitté son poste moins d’un an après sa nomination.
Un nouvel appel à candidatures a été lancé, révélant la désorganisation interne du ministère.


Les médecins en première ligne

Dans les hôpitaux du nord, les médecins sonnent l’alerte.
Le docteur Moti Haimi, pédiatre et coordinateur médical au sein de la caisse Meuhedet, rappelle :

« La rougeole est l’une des maladies les plus contagieuses au monde. Son virus se transmet par l’air et peut infecter une personne non vaccinée en quelques minutes. Ce n’est pas une maladie bénigne : elle provoque des pneumonies, des encéphalites et des séquelles irréversibles. »

Il insiste sur la nécessité de vacciner rapidement les enfants, mais aussi les adultes non immunisés, notamment dans les familles nombreuses et les milieux fermés où le virus se propage plus vite.

« Les zones de forte densité, les écoles et les crèches non vaccinées sont des bombes épidémiques. Nous constatons les mêmes schémas qu’à Jérusalem et Bnei Brak : de grands foyers familiaux et un faible taux de couverture vaccinale. »


La vaccination comme seule ligne de défense

Les experts rappellent que le vaccin ROR (rougeole–oreillons–rubéole) reste la seule protection efficace.
Le ministère appelle les parents à ne pas attendre les campagnes officielles et à consulter immédiatement leur centre de santé.
Dans les communautés ultra-orthodoxes, certaines familles continuent de s’opposer au vaccin pour des raisons religieuses ou par méfiance vis-à-vis de l’État.

Cette résistance, selon les épidémiologistes, fragilise l’immunité collective et permet au virus de se propager à une vitesse inquiétante.
Les autorités envisagent désormais des campagnes mobiles dans les quartiers à risque et des visites domiciliaires ciblées pour vacciner les enfants non inscrits dans les écoles publiques.


Une crise sanitaire et sociale

Au-delà de la santé publique, la flambée actuelle révèle les fractures internes d’Israël : méfiance envers les institutions, saturation du système médical, et manque de coordination entre les collectivités locales et le ministère.
Les associations de médecins dénoncent aussi le sous-financement chronique des hôpitaux périphériques, qui peinent à accueillir les nouveaux cas graves.

Les experts craignent que la rougeole ne devienne un marqueur d’inégalité : les populations défavorisées et ultra-orthodoxes étant les plus touchées, faute de campagnes d’information efficaces.


Une urgence nationale

Malgré la gravité de la situation, aucune conférence de presse officielle n’a encore été organisée.
Les autorités préfèrent pour l’instant gérer la crise dans la discrétion, par peur de provoquer la panique.
Mais le virus, lui, continue de circuler Ă  grande vitesse.

Les médecins répètent un message simple : la rougeole se combat par la vaccination, pas par la prière ni l’attente.
Et tant que les Israéliens n’auront pas retrouvé le réflexe collectif de la prévention, le pays restera vulnérable à une maladie que la médecine savait déjà vaincre il y a cinquante ans.

 


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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