Histoire qui se répète : Trump ne pardonnera pas – et les Saoudiens deviennent une puissance régionale

Pendant que l’attention de la région se concentre sur les suites de la guerre à Gaza et les équilibres fragiles du Moyen-Orient, un débat ancien refait surface sous une forme nouvelle : celui de la vente d’armes américaines avancées à l’Arabie saoudite, et des limites de l’influence israélienne sur ces décisions stratégiques. L’analyse publiée dans Maariv rappelle un épisode presque oublié, mais dont les échos résonnent aujourd’hui avec force : l’affrontement diplomatique de 1981 entre le Premier ministre Menahem Begin et le président américain de l’époque, Ronald Reagan, autour de la vente des avions AWACS à Riyad. Aujourd’hui, plus de quarante ans après ce bras de fer historique, la situation semble étrangement similaire : Riyad négocie avec Washington l’achat d’armements avancés, dont les avions F-35, et Israël, une fois encore, exprime son inquiétude.

Selon les informations publiées par Reuters (source mentionnée dans le texte original), le président Donald Trump, actuellement en exercice, considère l’accord avec Riyad comme un pilier majeur de sa stratégie régionale, appuyé par des investissements saoudiens massifs aux États-Unis. Le parallèle avec 1981 apparaît presque mécanique : un président américain déterminé à conclure la transaction, une Arabie saoudite qui renforce sa position stratégique, et un gouvernement israélien placé devant un fait accompli. Comme à l’époque Begin tenta en vain de mobiliser le Congrès contre Reagan, l’analyse souligne qu’une opposition frontale à l’administration actuelle serait vouée à l’échec et exposerait Israël à des conséquences diplomatiques majeures.

Le souvenir de la défaite diplomatique de 1981 est encore vif dans les milieux stratégiques israéliens, car le prix politique aurait pu être lourd : une crise de confiance profonde avec Washington, le risque d’accusations de « double loyauté » visant la communauté juive américaine, et l’affaiblissement potentiel du soutien militaire vital pour l’État hébreu. À l’époque, l’AWACS, avion de commandement et de surveillance avancée, représentait une capacité susceptible de réduire la liberté d’action de Tsahal dans plusieurs zones aériennes du Moyen-Orient. Aujourd’hui, les F-35 représentent un enjeu comparable — mais dans un environnement géopolitique encore plus complexe.

La lecture proposée dans Maariv insiste sur le fait que la région a profondément changé. L’Arabie saoudite, portée par la vision stratégique de Mohammed ben Salmane (« Vision 2030 »), n’est plus un simple acteur régional mais un centre de pouvoir économique et technologique, cherchant à diversifier son influence et à renforcer ses capacités militaires. L’un des éléments de fond les plus marquants est la transformation d’une relation autrefois définie comme « pétrole contre sécurité » en un partenariat élargi, englobant technologies avancées, intelligence artificielle, chaînes d’approvisionnement critiques, et même coopération nucléaire civile. Cette évolution, largement documentée par Reuters et les analyses économiques américaines, montre que l’ordre régional est en mutation accélérée.

L’auteur rappelle que si Israël est toujours un allié central de Washington, elle n’est plus l’unique partenaire stratégique des États-Unis au Moyen-Orient. L’Arabie saoudite, forte de sa puissance financière, se positionne désormais comme un acteur incontournable pour la Maison Blanche. L’intérêt américain pour les monarchies du Golfe s’explique aussi par l’émergence de nouveaux pôles de puissance : la Turquie, malgré ses fractures avec Washington ; les Émirats, devenus un hub technologique ; le Qatar, acteur diplomatique omniprésent ; et l’Iran, dont les ambitions nucléaires façonnent l’essentiel des dynamiques sécuritaires régionales.

Face à ces transformations, le texte souligne avec insistance que la marge de manœuvre d’Israël auprès du Congrès s’est réduite. Les divisions internes dans la communauté juive américaine, la fracture politique entre Jérusalem et une partie du Parti démocrate, et l’héritage encore sensible du discours de Benjamin Netanyahou devant le Congrès contre l’accord nucléaire iranien ont érodé certaines capacités d’influence autrefois perçues comme acquises. De plus, Trump, dont le pouvoir repose sur une coalition politique très précise, n’oublie pas les positions prises contre lui et ne tolère pas ce qu’il perçoit comme une entrave à ses initiatives diplomatiques ou économiques.

L’analyse de Maariv pose également une question stratégique majeure : Israël peut-elle réellement empêcher la vente de F-35 à Riyad sans s’exposer à un revers diplomatique encore plus sévère que celui de 1981 ? L’auteur estime que non. Toute confrontation directe serait interprétée par Washington comme une tentative de saboter une architecture régionale que l’administration américaine considère désormais comme indispensable pour contrer l’Iran, stabiliser le Golfe et absorber les tensions post-guerre à Gaza. Et même si Israël estime légitime sa crainte de voir des avions avancés entre les mains d’un régime dont la stabilité n’est jamais totalement garantie, cette inquiétude ne suffit plus à convaincre un Congrès focalisé sur la rivalité sino-américaine et sur la sécurisation des alliances énergétiques.

Dans ce tableau complexe, un point mérite toutefois d’être souligné : les États-Unis, depuis 2008, sont juridiquement tenus de préserver l’avantage militaire qualitatif d’Israël (QME). Cette obligation inscrite dans le droit américain, confirmée par plusieurs votes du Congrès, garantit que Washington doit compenser tout transfert d’armement stratégique à un pays arabe par un renforcement parallèle des capacités israéliennes. C’est ce principe qui a permis à Israël de recevoir de manière continue une assistance militaire annuelle de plusieurs milliards de dollars, ainsi qu’un flux constant de technologies avancées, dont les F-35 eux-mêmes.

Mais le cœur du raisonnement présenté dans l’article repose sur un constat plus large : le monde change, les alliances se recomposent, et Israël doit naviguer dans cette nouvelle réalité avec finesse, stratégie et lucidité. L’auteur exprime clairement la crainte que les dirigeants israéliens actuels soient trop absorbés par des considérations internes — dossiers judiciaires, querelles politiques, échéances électorales — pour consacrer l’attention nécessaire à cette mutation géopolitique profonde.

Ce texte, loin d’être pessimiste, appelle surtout à une prise de conscience : l’Arabie saoudite n’est plus un simple client des États-Unis, mais un partenaire majeur. Les États-Unis ne peuvent plus ignorer Riyad, et Israël ne peut plus espérer bloquer des transactions stratégiques simplement par tradition ou réflexe sécuritaire. La puissance saoudienne, consolidée par des investissements colossaux aux États-Unis, et l’affirmation d’un leadership régional ambitieux imposent une redéfinition du rôle d’Israël dans la région, ainsi qu’un dialogue renouvelé avec Washington. Dans un Moyen-Orient où les plaques tectoniques bougent sans cesse, l’avenir stratégique d’Israël dépendra moins de sa capacité à dire « non » que de sa capacité à anticiper, adapter, négocier et préserver, dans ce nouveau paysage, son avantage qualitatif et sa sécurité nationale.


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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