Homme – femme, drĂŽle d’Ă©quation ! – Par Rony Akrich

 

 

Dans la Bible, devenir homme et devenir femme est aussitĂŽt mis en dĂ©pendance avec «ĂȘtre Ă  l’image de D.ieu.» « D.ieu conçut l’Humain (Adam) Ă  son image, Il le crĂ©a, masculin et fĂ©minin (zakhar ou neqĂšva) Il les crĂ©a. » (Gn 1,27). L’initial du propos biblique parle de l’Humain, comme un ĂȘtre mĂąle et femelle. Cette notion rĂ©vĂšle donc une relation singuliĂšre avec la projection divine, comme si c’est en Ă©tant mĂąle et femelle que l’homme et la femme sont Ă  l’image de D.ieu.

Le D.ieu de la Bible n’est pas sexuĂ©, dĂ©passant l’image d’un dieu-mĂąle, fĂ©condateur, adorĂ© pour sa puissance virile et l’image d’une dĂ©esse-mĂšre, adorĂ©e pour sa fĂ©conditĂ©. Ni le masculin, ni le fĂ©minin ne doivent ĂȘtre divinisĂ©s. Ni le masculin, ni le fĂ©minin ne suffisent Ă  dire D.ieu, Il est le Tout-Autre. L’évĂšnement crĂ©ateur de l’ĂȘtre humain prouve, sans ambages, qu’entre l’homme et la femme se formule une plĂ©nitude absolue quant au constitutif de l’identitĂ© humaine.

 

La premiĂšre partie du texte nous parle de l’image Divine empreinte en l’Homme, d’un signifiĂ© exprimant le concept de l’esprit moral. Au vu et su de cette connaissance le philosophe Kant soulignait: «Je suis rempli d’admiration, d’étonnement devant les espaces Ă©toilĂ©s infinis, et face Ă  la profondeur de la conscience humaine». L’ĂȘtre humain n’est-il pas la seule crĂ©ature capable d’intelligence morale dans ses faits et gestes? D’autres considĂšrent que cette Image en l’homme s’incarne au travers de son intellect qui participe indubitablement aux domaines les plus divers et les plus matĂ©riels, si ce n’est les plus triviaux de l’activitĂ© des hommes.

Pourtant cette Image reste encore et toujours le pivot indispensable menant aux sommets les plus Ă©levĂ©s de la rĂ©flexion humaine. A propos de cette symbolique il nous faut prĂ©ciser qu’il n’existe aucune discrimination entre l’homme et la femme, ils existent tous deux de maniĂšre identique. AssurĂ©ment, nous pouvons trouver par ailleurs des diffĂ©rences qui touchent Ă  la rĂ©alitĂ© physique et psychologique mais elles reprĂ©sentent si peu d’effets vis Ă  vis de l’ampleur de la nature humaine, «à l’image de D.ieu».

Les maĂźtres du Talmud ont Ă©tudiĂ© avec acuitĂ© les spĂ©cificitĂ©s de chacun et fait l’éloge originale de la femme: «D.ieu a donnĂ© plus de discernement Ă  la femme qu’à l’homme».

Les termes qui en français s’achĂšvent par «té» indiquent frĂ©quemment un principe (la beautĂ©, la crĂ©ativitĂ©, l’inventivitĂ©, la bontĂ©, le principe de ce qui est beau, de l’initiative crĂ©atrice, l’initiative d’inventer, l’initiative gĂ©nĂ©reuse). Un principe est ce pluriel qui s’accomplit dans le singulier. Dans toute initiative valeureuse, il y a le principe mĂȘme des valeurs.

Le principe de la FĂ©minitĂ© est en chacune des femmes. La fĂ©minitĂ© n’est donc pas simplement la reprĂ©sentation de la femme suivant les us et coutumes d’une postmodernitĂ© qui la voudrait ainsi selon l’engouement du moment et non moins l’image culturelle de la femme selon les continents.

La fĂ©minitĂ© ne s’incarne guĂšre au travers du seul caractĂšre biologique, du seul devoir de la femme vis-Ă -vis de l’homme; la femme ne se rĂ©duit pas Ă  la dimension de femelle, comme l’homme ne se limite pas au mĂąle. La fĂ©minitĂ© comprend dans son principe ce qui est spĂ©cifiquement fĂ©minin, cela suppose l’existence de valeurs fĂ©minines, une maniĂšre bien Ă  elles d’apprĂ©hender et de de guider la Vie. La facultĂ© de concevoir clairement les enchaĂźnements logiques et rĂ©alisables, de s’affirmer dans une prise de position conceptuelle est en consĂ©quence plus Ă©minente chez la femme.

La personne douĂ©e de «discernement» possĂšde, selon nos Sages, la capacitĂ© de «saisir une vĂ©ritĂ© Ă  partir d’une autre», de faire aboutir l’analyse et d’en accepter les conclusions. Cette intelligence intuitive si particuliĂšre de la femme tĂ©moigne d’un niveau incomparable de bonification de l’ĂȘtre humain. Cette qualitĂ© si singuliĂšre et propre Ă  la femme est incontestablement une disposition additionnelle de sa nature face Ă  celle de l’homme, en conclusion elle est sans aucun doute plus finie mentalement Ă  ce sujet.

On dĂ©couvre au quotidien l’envergure intĂ©rieure de la fĂ©minitĂ© et c’est en vertu de cette sensibilitĂ© lĂ  qu’il est probablement permis de parler d’un «éternel fĂ©minin». La gestion fĂ©minine de l’existence, comme l’administration masculine de la vie, rĂ©vĂšlent une genĂšse prĂ©sente dans l’ñme du projet crĂ©ateur.

Le midrash traduit la symbolique humaine sous le portrait de l’Androgyne, une crĂ©ature dans lequel fĂ©minin et masculin sont concentrĂ©s. L’androgyne incarne la reprĂ©sentation de l’unitĂ© du Soi. C’est alors que D.ieu dĂ©cida de les sĂ©parer en deux entitĂ©s dissemblables, tout un chacun se devait de reconquĂ©rir sa moitiĂ©, l’homme cherchait la femme, la femme attendait l’homme afin de recouvrer l’harmonie originelle. De ce fait, le concept prĂ©sente l’ñme rĂ©cupĂ©rant son entiĂšretĂ©, sa plĂ©nitude lorsqu’elle pouvait enfin reconquĂ©rir l’unitĂ© du fĂ©minin et du masculin.

La «matiĂšre premiĂšre» Ă  l’origine de laquelle l’homme fut conçu, la matiĂšre premiĂšre qui participa Ă  la rĂ©alisation de l’homme, est la «poussiĂšre dĂ©tachĂ©e du sol», une substance inanimĂ©e que le Verbe divin a Ă©veillĂ©e ultĂ©rieurement: «Il fit pĂ©nĂ©trer dans ses narines un souffle de vie, et l’homme devint un ĂȘtre humain» (GenĂšse, II, 7).

La femme, par contre, ne fut pas conçue Ă  partir de la poussiĂšre mais Ă  partir de l’homme lui-mĂȘme, cet ĂȘtre dĂ©jĂ  créé Ă  «l’image de D.ieu». Sa source premiĂšre Ă©tait donc d’essence divine: «Celle-ci sera nommĂ©e ‘icha’ [femme], parce qu’elle a Ă©tĂ© prise de ‘ich’ – [d’un homme]» (GenĂšse, II, 23).

La tradition orale, de son cotĂ©, soutient l’idĂ©e que la dimension spirituelle de la femme provient d’une naissance plus divine que celle de l’homme. Cela Ă©clairerait ainsi le sens de la bĂ©nĂ©diction que les femmes disent tous les matins: «Sois louĂ©, Eternel, notre Dieu, Roi de l’Univers, qui m’a faite conformĂ©ment Ă  ta volonté», une dĂ©claration qui exaspĂšre nombre de fĂ©ministes qui elles se considĂšrent de ce fait condamnĂ©es Ă  souffrir un destin apparemment accessoire Ă  celui de l’homme.

Le Maharal de Prague, l’un des plus grands Sages juifs de l’époque de la Renaissance, dĂ©montre abondamment que la femme est plus propice Ă  apprĂ©hender et Ă  accueillir l’Ordre divin (voir son discours sur la Torah). Raison pour laquelle lorsque D.ieu souhaita transmettre la Torah aux HĂ©breux, il fit interpeller tout d’abord la gente fĂ©minine: «Adresse ce discours Ă  ‘Beit Yaakov’, cette dĂ©claration aux bnei IsraĂ«l» (Exode, IXX, 3), la formule Beit Yaakov renvoyant gĂ©nĂ©ralement aux femmes, et Bnei IsraĂ«l aux hommes.

Etant donnĂ© qu’elles seraient davantage compĂ©tentes Ă  comprendre le verbe divin, il Ă©tait donc fondamental de s’adresser aux femmes en premier.

La Torah a assurĂ©ment Ă©tĂ© octroyĂ©e Ă  l’ensemble des HĂ©breux mais les maĂźtres du Talmud s’obstinent Ă  affirmer que si une seule servante eut Ă©tĂ© absente lors de cette cĂ©rĂ©monie, les HĂ©breux n’auraient jamais pu recevoir la Torah.

La Loi Ă©crite comme la Loi orale insistent toutes deux et de maniĂšre rĂ©pĂ©titive que l’homme et la femme sont Ă  l’image de D.ieu, de façon Ă©gale, dĂ©claration liminaire de l’égalitĂ© naturelle ente les ĂȘtres, entre l’homme et la femme?

Deux ĂȘtres, un Ă©change qui ne peut survivre sans un engagement mutuel. Encore une fois, l’esprit de la langue hĂ©braĂŻque rapproche de maniĂšre fabuleuse cette leçon par un sous-entendu de la «Guematria», valeur numĂ©rique de chaque mot hĂ©breu et permettant de mettre Ă  nu des Ă©quivalences cachĂ©es Ă  la premiĂšre lecture. En effet, la valeur numĂ©rique du mot «Aava» – «amour» – Ă©quivaut Ă  celle du mot «Ehad» – «un».

La spĂ©cificitĂ© de tout un chacun incarnerait alors une charge de transcendance, elle Ă©tablirait une limite Ă  la perception de l’homme par lui-mĂȘme. Il ne serait pas l’HumanitĂ© achevĂ©e mais uniquement une partie.

Qui saura expliquer ultimement le masculin et le féminin ?

Chaque essence est une Ă©nigme pour l’autre mais aussi pour lui-mĂȘme, et on peut s’interroger sur qui serait le plus apte Ă  Ă©prouver le masculin: l’homme ou la femme, et de la mĂȘme façon pour le fĂ©minin?

L’exĂ©gĂšse ultime de la diffĂ©rence des ĂȘtres reste donc difficile.

En effet, pour connaĂźtre rĂ©ellement ce qu’est un homme, une femme, on devrait se situer au-delĂ  de l’altĂ©ritĂ©, dans un dĂ©tachement infaisable. En rĂ©sumĂ©, il faudrait ĂȘtre Ă  la place du CrĂ©ateur.

Cependant, «masculin» n’a de raison d’ĂȘtre que dans sa relation au «fĂ©minin» et vice versa.

Ils sont inexorablement liés, beaucoup plus essentiellement que noir et blanc, blond et brun.

Le rĂ©cit biblique instruit donc que la diffĂ©rence elle-mĂȘme est posĂ©e d’abord. Elle est initiale par rapport Ă  l’identitĂ© de l’un et de l’autre. Cette asymĂ©trie mise au cƓur de l’Humain est ontologique. Tout un chacun doit en consĂ©quence se dire: «Je ne contiens pas le tout en moi, je ne peux me comprendre qu’en rĂ©fĂ©rence avec l’autre».


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