Huit minutes de doute : comment Tsahal a failli annuler l’élimination des chefs houthistes au Yémen

Le récit d’un des coups les plus spectaculaires portés par Israël au Moyen-Orient révèle une dimension insoupçonnée : la frappe aérienne qui a décapité la direction politique des Houthis au Yémen, jeudi dernier, a failli ne jamais avoir lieu. Pendant plus d’une heure et demie, les avions de chasse israéliens ont survolé l’espace aérien yéménite sans tirer le moindre missile, le commandement hésitant sur la fiabilité des informations recueillies. Finalement, après confirmation, l’ordre d’attaque fut donné, entraînant la mort du « Premier ministre » houthi et de neuf de ses ministres.

Un renseignement précieux, une cible unique

Tout commence jeudi matin, lorsque la direction du renseignement militaire israélien (Aman) reçoit une information jugée capitale : plusieurs dirigeants houthis de premier plan doivent se réunir à Sanaa, la capitale du Yémen, bastion du mouvement chiite soutenu par l’Iran. Une telle concentration de responsables – rarement exposés ensemble – représente une opportunité unique.

L’information est rapidement transmise au cabinet du Premier ministre Benyamin Netanyahou. Après consultation avec le chef d’état-major et les services de sécurité, le feu vert est donné. Tsahal ordonne à ses appareils de décoller pour préparer une frappe chirurgicale.

Une heure et demie de flottement

Mais au moment d’approcher l’objectif, les doutes surgissent. Certains signaux de renseignement ne concordent pas. Les équipes de renseignement craignent un piège ou une erreur d’identification. Dans une guerre asymétrique où les civils sont sciemment mêlés aux combattants, une erreur aurait des conséquences diplomatiques et médiatiques considérables.

Les pilotes reçoivent alors l’ordre de patienter. Pendant une heure et demie, ils tournent en cercle au-dessus du territoire yéménite, carburant consommé, tension maximale. Dans les salles de commandement en Israël, le débat fait rage : faut-il maintenir l’opération ou rappeler les appareils ?

Finalement, un nouvel élément de renseignement confirme la présence des cibles. La décision tombe : frapper.

Une frappe décisive

En quelques secondes, les missiles de précision israéliens s’abattent sur le bâtiment où se tient la réunion. Selon des sources locales et reprises par plusieurs agences arabes, le « Premier ministre » houthi et neuf ministres de son gouvernement fantoche ont été tués sur le coup.

Pour Israël, c’est un succès retentissant. Depuis des mois, les Houthis, bras armé de l’Iran en mer Rouge, multipliaient les attaques de drones et de missiles contre des navires marchands et des infrastructures régionales, perturbant le commerce international et menaçant directement la liberté de navigation【source : Houthis – Wikipédia】.

Une opération à haut risque

Ce succès n’efface pas les risques pris. Faire voler des avions israéliens au-dessus du Yémen représente un défi logistique et stratégique. L’espace aérien est surveillé par des radars iraniens et soutenus par le Hezbollah. Une interception ou un tir ennemi aurait pu transformer l’opération en fiasco.

De plus, l’hésitation au dernier moment montre la prudence extrême de Tsahal. L’armée israélienne, accusée régulièrement par ses détracteurs de frapper sans discernement, démontre ici la réalité inverse : même lorsqu’il s’agit d’éliminer l’ennemi, le doute et la vérification priment.

Une onde de choc régionale

L’élimination de la direction politique houthie bouleverse l’équilibre au Yémen. Déjà affaibli par une guerre civile interminable, le mouvement soutenu par l’Iran perd en une seule frappe une partie de son encadrement stratégique. Si le relais militaire reste assuré par ses commandants de terrain, la perte de sa structure politique crée un vide difficile à combler.

À Téhéran, les dirigeants iraniens dénoncent une « agression criminelle ». Mais en coulisses, la démonstration de force israélienne inquiète : Israël prouve qu’il peut frapper n’importe où dans la région, même dans un théâtre éloigné et complexe comme le Yémen.

Message à l’Iran et au Hezbollah

Pour les analystes militaires, cette frappe est un message clair adressé à l’axe chiite : Israël est capable de neutraliser ses ennemis, où qu’ils se trouvent. Après l’élimination de hauts responsables du Hamas à Gaza et de figures du Hezbollah au Liban, c’est désormais la branche yéménite du réseau iranien qui est frappée.

Cette stratégie vise à couper les tentacules de l’Iran, en éliminant non seulement les combattants mais aussi les dirigeants politiques qui prétendent incarner une légitimité.

Conclusion : une victoire stratégique, mais fragile

L’opération de Sanaa restera comme l’un des coups les plus spectaculaires portés par Israël contre ses ennemis régionaux. Elle révèle à la fois la puissance opérationnelle de Tsahal et la prudence de ses décideurs, capables d’interrompre une frappe pendant plus d’une heure avant de confirmer la cible.

Mais cette victoire ouvre aussi de nouvelles interrogations. Comment réagiront les Houthis dans les prochains jours ? Leurs attaques contre la navigation vont-elles s’intensifier ? Et surtout, jusqu’où Israël est-il prêt à aller dans cette guerre de l’ombre contre l’Iran et ses supplétifs ?

Ce qui est sûr, c’est que l’État hébreu a envoyé un message limpide : aucune capitale de l’« axe de la résistance » n’est hors de portée.

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