Onze ans après sa mort et son enlèvement à Gaza, le lieutenant Hadar Goldin a enfin été ramené en Israël pour être enterré. Sa famille, le chef d’état-major Eyal Zamir, des milliers de citoyens et le chanteur Idan Amedi lui ont rendu hommage dans une cérémonie bouleversante.
Sous un soleil de novembre doux mais pesant, les rues de Kfar Saba étaient envahies d’un silence que seuls les chants d’hommage et les pleurs rompaient. Ce mardi matin, 4 120 jours après sa disparition pendant l’opération « Bordure protectrice » (צוק איתן), le lieutenant Hadar Goldin, tombé et enlevé à Rafah le 1er août 2014, a été conduit à sa dernière demeure. Après onze années d’attente, d’efforts diplomatiques, de supplications publiques et de combats politiques, son cercueil a été porté en terre au cimetière militaire de sa ville natale.
Des milliers d’Israéliens ont accompagné la famille Goldin, symbole d’un combat devenu collectif : celui du retour des soldats tombés et retenus à Gaza. Des écrans géants diffusaient la cérémonie à l’extérieur du cimetière, tandis que le chef d’état-major, le général Eyal Zamir, saluait le cercueil, rappelant que « l’opération Bordure protectrice se clôt ici, le cercle est bouclé ».
« Nous avons abandonné Hadar »
Les mots du père, le professeur Simcha Goldin, ont saisi le pays tout entier :
« Pendant onze ans, nous avons abandonné Hadar dans les mains de l’ennemi. Nous nous sommes enivrés d’argent, de pouvoir et d’orgueil. La société israélienne a échoué à comprendre jusqu’au 7 octobre ce que signifiait cet abandon. »
Les yeux embués mais la voix ferme, il a ajouté :
« Nos soldats ont vaincu cet abandon. Grâce à eux, il n’y a plus de tombes vides à Kfar Saba. »
La mère, Leah Goldin, a, elle aussi, livré un adieu d’une intensité rare :
« Hadar, nous avons attendu onze ans. J’espérais que tu surgisses tout à coup, comme ce jour où tu t’étais renversé en quad à 18 ans et que tu m’avais dit ‘tout va bien’. »
Ces paroles ont bouleversé un pays entier qui, au-delà du drame familial, y a vu le miroir d’une société épuisée mais encore debout.
La nation tout entière autour du cercueil
Le cortège funéraire est parti du camp Shura, accompagné par des unités de la brigade Givati, où servait Goldin. Le rabbin en chef de Tsahal, le général Eyal Krim, a ouvert la cérémonie, avant de laisser la parole à une succession d’orateurs : le chef d’état-major, le commandant de brigade, les membres de la famille, l’ancienne fiancée Edna Seroussi, et enfin Idan Amedi, chanteur et réserviste, blessé en janvier dernier à Gaza.
Dans une allocution pleine de dignité, Eyal Zamir a salué « un héros dont l’esprit guidera pour toujours l’armée d’Israël ».
« Aujourd’hui, nous accompagnons Hadar, celui dont la lumière n’a jamais cessé de briller. Vous, sa famille, êtes devenus une boussole morale pour toute la nation. »
Ces mots, lourds d’émotion, ont résonné comme une reconnaissance officielle du combat acharné mené par les Goldin depuis plus d’une décennie pour que le corps de leur fils soit restitué.
« Une génération Hadar est née »
Hami Goldin, l’un des frères du soldat, a pris la parole avec colère et amour mêlés :
« Il y a onze ans, nous avons enterré ici un livre à la place d’un corps. Nous vivons dans un pays où l’on parle d’Iran, d’élections, d’argent, mais pas de nos prisonniers. Ce n’est pas une société normale. »
Puis il a ajouté :
« Une génération Hadar est née le 7 octobre. Ces jeunes n’ont pas attendu d’ordre pour combattre, ils ont simplement compris que leur devoir était de protéger Israël. »
Son frère jumeau Tsour a renchéri :
« Le Hamas a voulu nous diviser, dresser une famille contre la nation. Notre victoire, c’est notre unité. Le peuple d’Israël ne laisse personne derrière. Aujourd’hui, la famille Goldin peut dire : Hadar est rentré à la maison. »


Une voix d’artiste devenue cri du cœur
Puis, la foule s’est tue. Le chanteur Idan Amedi, proche de la famille, s’est avancé, le visage grave. Son discours, repris dans tout le pays, a frappé par sa franchise :
« Le professeur Simcha m’a parlé des défaillances du système, de l’impuissance des dirigeants. Et j’avoue, honteusement, que je pensais que quelqu’un prenait au sérieux les menaces du Hamas et les tunnels du terrorisme. Nous avions tort. Étape après étape, j’ai perdu confiance dans nos dirigeants, quels qu’ils soient. Ils nous regardaient avec des yeux vides. Ils disaient que c’était important, mais pas stratégique. »
Et de conclure :
« L’État d’Israël a tout donné sans rien recevoir en retour. Nous avons financé le carburant du Hamas. Ce n’est pas une guerre de renaissance. Elle ne viendra que lorsque nous admettrons notre échec. « On parle de catastrophe pour les incendies, pour les accidents. Le 7.10 n’est pas une catastrophe, c’est un échec. Un aveuglement volontaire malgré tous les signes sur le mur. Ce n’est pas une guerre d’indépendance. L’indépendance sera possible quand nous reconnaîtrons que nous avons échoué. Quand nous serons à l’écoute pour enquêter et corriger ».»
Avant de chanter Nigmar (« C’est fini »), Amedi a levé les yeux vers le ciel :
« Depuis que j’ai appris à connaître Hadar, j’ai compris la phrase qui le définissait : ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même’. Hadar, mon frère que j’ai aimé sans te connaître, repose en paix. »
Un symbole national, bien au-delà de la mort
La figure de Hadar Goldin dépasse depuis longtemps son propre destin. Fils d’universitaires, artiste, dessinateur, jeune officier idéaliste, il est devenu un symbole de l’éthique israélienne : celle d’un peuple qui ne renonce ni à ses valeurs ni à ses disparus. Son enlèvement, survenu pendant une trêve, avait provoqué une onde de choc à travers le pays.
Pendant des années, ses parents ont multiplié les appels, les interventions à la Knesset, les rencontres diplomatiques et les manifestations, exigeant du gouvernement qu’il fasse de son retour une priorité. Pour beaucoup, leur combat a révélé les fractures morales d’une élite politique plus prompte à négocier avec les médiateurs du Qatar qu’à se battre pour les siens.
En refusant la visite du Premier ministre Benyamin Netanyahou, la famille a envoyé un message clair : il ne s’agissait pas d’un moment politique, mais d’un moment de vérité nationale.
Une leçon pour l’avenir
Dans les rangs des soldats présents, certains avaient combattu à Gaza lors de la guerre actuelle. L’un d’eux, cité par Ynet, a résumé l’état d’esprit :
« Nous sommes venus pour dire que le combat de Hadar n’est pas fini. Tant qu’un seul otage reste à Gaza, c’est comme si lui aussi était encore là-bas. »
Ce message rejoint celui d’Ayelet Goldin, la sœur du lieutenant, qui s’est adressée au public avec une énergie bouleversante :
« Sans le peuple d’Israël, Hadar ne serait jamais rentré. Mais il reste quatre otages vivants à Gaza. Le retour de Hadar prouve qu’on peut les ramener, tous. Nous n’avons pas d’autre choix. C’est cela, les valeurs d’Israël. »
Ces paroles ont résonné comme une exhortation à la fois morale et patriotique, dans un pays encore secoué par la guerre contre le Hamas et la douleur du 7 octobre.
Une guerre d’identité
L’enterrement d’Hadar Goldin, en novembre 2025, n’est pas seulement la conclusion d’un drame ancien. C’est aussi un miroir tendu à la société israélienne d’aujourd’hui, confrontée à sa propre image : courageuse, endeuillée, mais déchirée entre sa foi et sa fatigue.
En affirmant « ce n’est pas une guerre de renaissance », Idan Amedi a mis des mots sur ce que ressentent beaucoup : la guerre actuelle, malgré son intensité et son héroïsme, ne peut devenir fondatrice que si Israël tire les leçons de ses faiblesses.
Car au-delà des chiffres et des opérations, c’est la conscience nationale qui est en jeu : celle d’un peuple qui refuse de se voir comme victime, mais comme bâtisseur d’un avenir plus digne pour ceux qui tombent sous son drapeau.
Le cercueil de Hadar Goldin, recouvert du drapeau bleu et blanc, repose désormais à Kfar Saba. Sur la pierre, on a gravé son nom et une phrase simple : « Je ferai le bien, et la lumière brillera. »
Et, pour la première fois depuis onze ans, cette lumière ne vacille plus.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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