Le ton est grave et sans détour. S’exprimant lors de la conférence des directeurs du Trésor à Jérusalem, l’ex-général Amira Baram, aujourd’hui directeur général du ministère israélien de la Défense, a prévenu : « Il y aura d’autres cycles avec l’Iran. Nous devons dès maintenant investir dans la réflexion sur les prochaines surprises et sur les futures opérations de type ‘Beeper’ ». Derrière cette formule se dessine la conviction que la confrontation avec Téhéran n’a pas atteint son terme et que l’État hébreu doit se préparer à une décennie de guerre intense, tant sur le plan militaire que sur le plan économique.
Baram a rappelé que la guerre en cours a déjà coûté plus de 205 milliards de shekels à l’économie israélienne. Pourtant, il insiste : chaque succès opérationnel, comme les frappes ciblées baptisées “Opération Beeper” ou “Im K’Lavi”, renforce la résilience des marchés. Les chiffres confirment cette lecture : selon ses données, les exportations de défense israéliennes ont franchi le seuil des 8 milliards de shekels cette année, avec des contrats récents de 2,5 milliards de dollars conclus en une seule semaine. Des transactions dont il a refusé de citer les pays partenaires, mais qui témoignent de l’attractivité mondiale de l’industrie sécuritaire israélienne dans un contexte géopolitique incertain.
L’ancien chef du commandement Nord a dressé un constat mondial : les dépenses de défense ont bondi de 20 % en un an, atteignant 2 700 milliards de dollars en 2024, leur plus forte hausse depuis 1988. Cette course à l’armement, qui touche aussi bien l’Asie que l’Europe, impose à Israël d’accélérer ses propres processus de production et de développement. « Ce qu’un régime comme l’Iran achève en un mois nous prend parfois des années », a-t-il regretté, appelant à réduire la dépendance aux chaînes d’approvisionnement mondialisées. Selon lui, seule une autonomie nationale en matière de composants critiques et une politique de contrats pluriannuels permettront à Israël de préserver son avantage stratégique.
La préparation se décline sur trois horizons : immédiat, intermédiaire et long terme. Dans l’immédiat, il s’agit de l’approvisionnement en armes et munitions. À moyen terme, de l’amélioration de la préparation opérationnelle pour la prochaine décennie. Et à long terme, du développement de systèmes d’armes dits “briseurs d’équilibre”. Pour coordonner ces efforts, Baram a annoncé la création d’un “Conseil supérieur de l’armement” réunissant autour d’une même table le ministère de la Défense, le ministère des Finances, le Conseil de sécurité nationale, les industries de défense et la commission des dérogations. Objectif : accélérer de manière drastique la capacité de l’armée à répondre aux menaces du “troisième et quatrième cercle”, une référence transparente à l’Iran et à ses alliés régionaux.
Mais la bataille ne se joue pas uniquement sur le front militaire. Le directeur général a insisté sur la nécessité de penser aussi au “jour d’après” pour les milliers de blessés israéliens. Plus de 20 000 soldats ont été touchés depuis le début du conflit avec Téhéran, dont plus de la moitié souffrent de traumatismes psychologiques. « La défense seule ne pourra assumer ce fardeau », a-t-il averti, appelant à une mobilisation nationale. Une commission conjointe Défense-Finances, dirigée par le professeur Shlomo Mor Yosef, doit présenter une stratégie nationale de réhabilitation, afin de réintégrer les blessés dans la vie active et de restaurer leur dignité.
En filigrane, le discours de Baram envoie un double message. À l’intérieur, il veut convaincre l’opinion que chaque sacrifice consenti, chaque shekel investi, contribue à maintenir Israël debout face à l’Iran et à ses relais. À l’extérieur, il adresse un avertissement à Téhéran : malgré le coût humain et financier, Israël se prépare déjà à la prochaine confrontation et ne sera pas pris de court. “La sécurité et l’économie sont les deux faces d’une même pièce”, a-t-il conclu, résumant la doctrine qui guide désormais la politique sécuritaire israélienne : endurance, innovation et anticipation.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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