Ils libĂšrent les bourreaux : l’affaire de Muhammad Yadak et le prix humain d’un Ă©change qui divise IsraĂ«l

Par le rĂ©cit d’un seul crime, celui qui a coĂ»tĂ© la vie Ă  Arieh (Arnaldo) Agranioni en mai 2001, se dessine la rĂ©alitĂ© crue d’un conflit de civilisations : quand l’État relĂąche des dĂ©tenus dont la mĂ©moire est portĂ©e en hĂ©ros dans les rues ennemies, il rend Ă  ses adversaires non seulement des hommes, mais des mythes. Cette libĂ©ration annoncĂ©e — et la dĂ©tresse qu’elle provoque chez les familles — rĂ©vĂšlent l’écart abyssal entre notre lecture de la sĂ©curitĂ© et celle des organisations qui nous affrontent. (WikipĂ©dia)

La scĂšne du crime est simple et implacable : dans la nuit du 7 au 8 mai 2001, des terroristes pĂ©nĂštrent dans la ferme Binyamin prĂšs d’Itamar et abattent Arieh Agranioni — rencontrĂ© au poste de garde, touchĂ© par de multiples balles. Le nom d’un des auteurs figure aujourd’hui dans les bases de donnĂ©es palestiniennes sous la forme Muhammad Ghazi Muhammad Yadak (ŚžŚ•Ś—ŚžŚ“ ڒڐږڙ ŚžŚ•Ś—ŚžŚ“ ڙړڛ) ; son profil communautaire et sa glorification sur les rĂ©seaux locaux tĂ©moignent d’un phĂ©nomĂšne central : la cĂ©lĂ©bration sociale de l’acte terroriste, avant mĂȘme toute sanction pĂ©nale. (WikipĂ©dia)

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Cette glorification n’est pas anecdotique. En 2018, des pages publiques ont postĂ© des photos et des messages prĂ©disant la libĂ©ration de dĂ©tenus — y compris des hommes liĂ©s au Fatah — comme s’il s’agissait d’une rĂ©compense nationale. Une dĂ©cennie et demie plus tard, le mĂȘme schĂ©ma se rĂ©pĂšte : des images de prisonniers accueillis en hĂ©ros alimentent le rĂ©cit victimaire et nourrissent le cycle de la violence. Lorsque l’État consent Ă  des Ă©changes massifs pour ramener des otages, il offre au systĂšme Ă©ducatif et clanique de l’ennemi une victoire symbolique qui dĂ©passe la personne libĂ©rĂ©e. (Ś”ŚžŚšŚ›Ś– ŚœŚ Ś™Ś˜Ś•Śš ŚŚ™Ś•ŚžŚ™Ś Ś‘Ś™Ś˜Ś—Ś•Ś Ś™Ś™Ś (CMST))

Les familles des victimes vivent cette dynamique au quotidien — et aujourd’hui elles sont en colĂšre, terrorisĂ©es Ă  l’idĂ©e que “leur” meurtrier fasse partie des cohortes rendues Ă  la rue. Les tĂ©moignages affluent : appels, crises de panique, demandes de vĂ©rification d’identitĂ©s. Le message est brutal : la libĂ©ration transforme la douleur en humiliation lorsque l’État, censĂ© protĂ©ger la mĂ©moire des morts, apparaĂźt incapable d’anticiper l’impact symbolique de ses actes. Des journalistes communautaires et des associations ont dĂ» jouer, Ă  la place des autoritĂ©s, le rĂŽle d’assistants sociaux et d’alertes publiques lors des prĂ©cĂ©dentes listes — une dĂ©faillance administrative et morale que beaucoup refusent d’oublier. (Ś—ŚšŚ“Ś™Ś10)

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Politiquement, l’échange est prĂ©sentĂ© comme un calcul — ramener des otages contre des prisonniers — mais il faut mesurer la portĂ©e stratĂ©gique et culturelle de ce choix. Dans les quartiers et villages dont sont originaires ces dĂ©tenus, leur retour est un Ă©vĂ©nement d’honneur : il nourrit les recrues, renforce la rĂ©solution des groupes armĂ©s et sert de propagande pour de futures enlĂšvements. La libĂ©ration n’efface pas les crimes ; elle les sanctifie. Face Ă  cela, une partie de l’opinion publique, et de la classe politique, rĂ©clame une rĂ©flexion claire : quel prix moral et stratĂ©gique sommes-nous prĂȘts Ă  payer pour un otage rendu ?

Le dĂ©bat n’est pas seulement interne. Les chancelleries Ă©trangĂšres, les ONG et les mĂ©dias internationaux jugeront IsraĂ«l selon des critĂšres moraux parfois contradictoires : sauver des vies contre respecter la mĂ©moire des victimes. Mais pour les familles, cette dialectique est abstraite ; la seule rĂ©alitĂ© qui compte est l’image du meurtrier fĂȘtĂ© sur sa place natale. Et pour l’armĂ©e, chaque libĂ©ration pĂšse sur la dissuasion : un prisonnier rendu trop vite peut revenir Ă  la violence ou inspirer d’autres actes. (mako)

Que faire ? Le rĂ©cit de Muhammad Yadak et d’Arieh Agranioni appelle Ă  trois actions concrĂštes et urgentes :

  1. transparence officielle immĂ©diate — publication claire des listes et des chefs d’accusation pour que les familles n’apprennent pas la nouvelle par les mĂ©dias ;
  2. accompagnement psychosocial massif et prise en charge étatique des familles endeuillées (notification, soutien juridique, indemnisation) ;
  3. une stratĂ©gie long terme qui lie la restitution d’otages Ă  des garanties opĂ©rationnelles (surveillance, arrestations ciblĂ©es post-libĂ©ration, coopĂ©ration internationale) pour rĂ©duire le risque que la libĂ©ration devienne simple instrument de propagande ennemie.

Le cƓur du problĂšme reste politique et moral : un État qui renonce Ă  dĂ©fendre la mĂ©moire de ses morts s’affaiblit devant ses ennemis — et, pire encore, risque de trahir ceux qui ont payĂ© le prix ultime. Raconter l’histoire d’un seul meurtre, celle d’Arieh, c’est mesurer le coĂ»t total de dĂ©cisions prises Ă  l’échelle d’intĂ©rĂȘts stratĂ©giques : la paix qu’on obtient au prix de l’honneur national n’est pas une paix durable.


RĂ©daction francophone Infos Israel News pour l’actualitĂ© israĂ©lienne
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