La journée « al-Qods »
Le 17 août 2012, lors de la journée « al-Qods » (Jérusalem), instituée par l’ayatollah Khomeiny pour promouvoir la défense des Palestiniens spoliés par Israël, le président iranien Ahmadinejad a proclamé que la « tumeur cancéreuse », le « régime sioniste » allait bientôt disparaître.
Ce n’est pas la première fois que les dirigeants iraniens, et en particulier Ahmadinejad, s’en prennent à l’Etat hébreu en des termes que Hitler n’aurait pas désavoués.
En réalité, l’antisémitisme officiel de l’Etat iranien remonte à Khomeiny qui, dans les années soixante, lança ses premières diatribes antisémites, alors qu’Israël entretenait des rapports normaux avec l’Iran du shah. Ce dernier qui avait reconnu de facto Israël l’avait soutenu en lui fournissant du pétrole. La chute du shah inaugura une politique de rupture avec Israël, l’Iran islamique, viscéralement hostile à l’Etat juif, faisant désormais l’apologie du peuple palestinien.
Un antisémitisme d’Etat
C’est le 3 mai 1963 que Khomeiny prononça son premier discours dirigé contre les juifs et Israël, les accusant d’être à l’origine des projets de réformes du shah, contraires à l’islam[1] : « Israël ne veut pas que le Coran existe dans ce pays. Israël ne veut pas que les ulémas de l’islam existent dans ce pays. Israël ne veut pas que les préceptes de l’islam règnent dans ce pays. Israël ne veut pas que les hommes de science existent dans ce pays… Israël veut opprimer le peuple. Il veut accaparer votre économie, votre commerce, votre agriculture, s’approprier vos patrimoines… »
Après l’échec de 1963, Khomeiny résolut d’élargir son champ politique en décrétant comme le Cheikh Nouri « l’Islam en danger » afin de mobiliser les esprits. Considérant que la société iranienne était imprégnée par les valeurs occidentales, il résolut de jouer sur les deux tableaux qui font florès chez les démagogues habiles à flatter les bas instincts du peuple : la haine de l’étranger à laquelle les Iraniens sont sensibles, compte tenu de leur histoire, et surtout l’antisémitisme[2]. Une certaine xénophobie a été alimentée chez les Iraniens par un sentiment permanent du complot et une tendance à attribuer le moindre des événements aux agissements souterrains des services secrets anglais ou américains. L’Intelligence Service est rendue responsable du meurtre du Premier ministre Razmara. Le shah accusera les Britanniques, et plus généralement les puissances occidentales désireuses de maintenir en Iran l’hégémonie des compagnies pétrolières, d’avoir provoqué son éviction[3].
Khomeiny vouait aux gémonies les comploteurs qui tentaient d’abaisser l’Islam. L’étranger qui est avant tout l’Occidental, et surtout l’Anglais ou l’Américain, devient le bouc émissaire idéal, celui qui est responsable de la condition misérable du monde musulman en ayant tenté de l’exploiter et de le diviser. L’ayatollah ne craint pas l’outrance, il suffit que l’image frappe les esprits : « L’Europe (l’Occident) n’est qu’un ensemble de dictatures pleines d’injustices ; l’humanité entière doit frapper d’une poigne de fer ces fauteurs de troubles si elle veut retrouver sa tranquillité. Si la civilisation islamique avait dirigé l’Occident, on ne serait plus contraint d’assister à ces agissements sauvages indignes même des animaux féroces[4]. » Rabaissant la civilisation occidentale, il la rend coupable de tous les maux subis par les musulmans en général et les Iraniens en particulier. Il s’agit d’un procédé souvent utilisé vis-à-vis de leurs populations par les dirigeants du tiers-monde qui imputent aux occidentaux ce qui relève souvent de leurs propres turpitudes. Et compte tenu des appétits colonialistes montrés par les Anglais, les Russes et les Américains, un tel argument ne pouvait que faire mouche. La mauvaise situation du pays était de la responsabilité des étrangers impérialistes auxquels le shah avait vendu l’Iran.
Comme Hitler, Khomeiny fera montre d’un antisémitisme monomaniaque : « Nous constatons aujourd’hui que les juifs – que Dieu les abaisse ! – ont manipulé les éditions du Coran publiées dans leurs zones d’occupation. Il nous faut protester, attirer toutes les attentions, pour enfin faire comprendre au monde que ces juifs et leurs souteneurs ont pour dessein de détruire l’Islam et d’établir un gouvernement universel juif[5].»
L’on s’indigne des appels à la destruction d’Israël éructés par le président Ahmadinejad. C’est oublier que ce disciple de Khomeiny n’a fait que réactiver les diatribes de son maître qui fit diffuser par la radio-télévision d’Etat, le 5 avril 1982, ce faux grossier qu’est le « Protocole des Sages de Sion », très en vogue au Proche-Orient.
Khomeiny milita pour l’anéantissement de l’Etat hébreu : « Israël doit totalement brûler ». Dès son avènement, la République islamique pourchassa la communauté juive, arrêtant de nombreux membres. Certains furent exécutés sur la seule accusation d’être juif et espions à la solde d’Israël. Citons le cas de l’homme d’affaires Habib Elghanian[6] prévenu d’avoir levé des fonds pour l’armée israélienne et s’être rendu complice de « raids armés meurtriers contre d’innocents Palestiniens ».
L’antisémitisme peut franchir les frontières de l’Iran. En 1992 et 1994, deux attentats à la bombe atteignent la communauté juive de Buenos Aires, une des plus importantes d’Amérique latine. La première explosion vise l’ambassade d’Israël, la seconde, en 1994, le siège de l’Association mutuelle israélite argentine provoquant 85 morts et 300 blessés. En octobre 2006, le gouvernement argentin a accusé officiellement le Hezbollah et l’Iran d’en être les instigateurs. En 2007, Interpol a lancé un mandat d’arrêt contre Ahmad Vahidi, un proche d’Ahmadinejad candidat au poste de ministre de la Défense[7].
Un antisémitisme d’Etat revendiqué sans complexe par la République islamique a culminé en 2006 avec l’organisation d’un concours international de caricatures sur l’Holocauste : y ont participé des révisionnistes de tout acabit et un prix a été remis par le ministre de la Culture.
En 2008, à l’occasion de la journée de Qods (Jérusalem) de soutien aux Palestiniens instaurée par Khomeiny, des étudiants islamistes iraniens présentent un nouveau livre de caricatures. La réalité de l’Holocauste est mise en doute à l’aide des poncifs antisémites les plus éculés. Les slogans appellent à la destruction physique de l’Etat hébreu et le communiqué officiel affirme que « le monde islamique ne reconnaîtra en aucune façon le régime fantoche sioniste et croit que le jour viendra où cette tumeur cancéreuse disparaîtra de la surface du monde[8]. »
Daniel CLAIRVAUX : extrait de mon essai inédit, « Iran : la contre-révolution islamique ».