Selon un rapport alarmant de l’Institut central des statistiques, plus de 56 000 Israéliens ont quitté le pays en 2024 sans y revenir — soit quatre fois plus qu’avant l’arrivée au pouvoir du gouvernement Netanyahou-Ben Gvir-Smotrich. Le phénomène ne touche plus seulement les jeunes, mais désormais des familles entières, signe d’un désenchantement social et politique profond.
Les chiffres sont implacables.
En 2024, près de 83 000 Israéliens ont quitté le pays, dont 78 000 Juifs, tandis que seuls 24 000 sont revenus s’y installer.
Résultat : un solde migratoire négatif de 56 800 personnes, un record depuis plus de vingt ans.
Pour comprendre l’ampleur du phénomène, il faut rappeler qu’avant 2023, la moyenne annuelle de départs n’était que d’environ 13 800 personnes.
Autrement dit, l’émigration juive a été multipliée par quatre en deux ans.
Des départs qui ne sont plus temporaires
Ce n’est plus une fuite de jeunes aventuriers en quête d’expérience à l’étranger : c’est une migration de couples, de familles entières, d’ingénieurs et de cadres.
Les statistiques montrent que près de la moitié des partants sont mariés, contre un tiers seulement parmi ceux qui rentrent.
Le profil type : des Israéliens de 25 à 64 ans, diplômés, souvent parents de jeunes enfants, qui ne croient plus à la stabilité du pays.
« Ce ne sont plus des backpackers après l’armée, ce sont des familles avec des enfants en âge scolaire », explique un chercheur en démographie.
« Ils emportent avec eux leur pouvoir d’achat, leur productivité et, surtout, leur confiance dans l’avenir du pays. »
Cette évolution transforme la nature même du tissu social israélien.
Quand une famille part, ce sont non seulement deux adultes actifs qui disparaissent du marché du travail, mais aussi une génération d’enfants qui grandira ailleurs, parlera une autre langue, et ne fera pas son service militaire.
Une onde de choc pour l’éducation et le logement
Les conséquences se font déjà sentir :
baisse du nombre d’inscriptions scolaires dans certaines municipalités,
fermeture de classes dans le sud et le nord,
ralentissement de la demande immobilière dans la périphérie.
Les économistes s’inquiètent : la disparition de ces ménages actifs affaiblit la base fiscale du pays,
et donc le financement des systèmes de santé et de protection sociale.
Moins de cotisations, moins de consommation, moins d’impôt : la spirale est enclenchée.
« C’est une saignée silencieuse », commente un haut fonctionnaire du ministère des Finances.
« Les familles qui s’en vont sont celles qui soutiennent l’économie réelle. »
Une question d’amour-propre national
Le constat est d’autant plus amer que cette fuite n’épargne aucun milieu.
On y retrouve des diplômés en haute technologie, des enseignants, des médecins, mais aussi des familles issues de l’immigration récente.
Selon les données de 2023-2024, le pourcentage de titulaires d’un master parmi les émigrants a grimpé à 24 %, contre 19 % en moyenne les années précédentes.
Cette fuite des cerveaux coïncide avec une érosion de la confiance dans les institutions.
Les familles disent fuir un climat de polarisation politique, d’insécurité économique et d’instabilité gouvernementale.
Plusieurs témoignages évoquent aussi la lassitude face au coût de la vie, à la bureaucratie et à la pression constante du conflit régional.
Un espoir illusoire : la “compensation” par l’alyah
Le seul contrepoids potentiel à cette hémorragie aurait pu être l’immigration juive, mais là encore, la tendance s’inverse.
Après un pic historique de 74 400 nouveaux immigrants en 2022, les arrivées ont chuté à 31 100 en 2024, et à 25 000 seulement cette année.
Ainsi, les nouveaux arrivants ne compensent plus les départs ; le pays perd désormais plus de citoyens qu’il n’en gagne.
Les statistiques révèlent d’ailleurs que 66 % des personnes quittant Israël en 2023-2024 sont des olim récents, souvent originaires de Russie ou d’Ukraine.
Ces derniers, venus chercher refuge pendant la guerre, auraient utilisé Israël comme simple pays de transit avant de rejoindre l’Europe ou l’Amérique du Nord.
« Israël est devenue une escale plutôt qu’une destination », résume un responsable du ministère de l’Intégration.
« Certains n’ont jamais eu l’intention de s’y enraciner. »
Les causes d’un malaise profond
Si le conflit russo-ukrainien a influé sur certains flux migratoires, il n’explique pas la hausse générale des départs israéliens, qui persiste en 2025.
Les analystes évoquent un mélange explosif de facteurs :
- la flambée du coût du logement,
- l’instabilité politique chronique,
- la crise de confiance envers les institutions,
- et, pour certains, le sentiment d’un pays fracturé depuis le 7 octobre.
Le phénomène dépasse la question économique : il traduit un malaise identitaire et existentiel.
Des Israéliens qui ont bâti leur vie ici, servi dans Tsahal, payé leurs impôts, affirment désormais ne plus se reconnaître dans le visage actuel du pays.
« On ne part pas parce qu’on déteste Israël, mais parce qu’on n’arrive plus à y vivre », confie une mère de famille avant son vol pour Toronto.
« Nous voulons élever nos enfants sans peur et sans colère. »
Une alerte nationale
Les démographes parlent d’un tournant.
En dix-huit mois, Israël est passé d’une nation d’immigrants à une nation d’émigrants.
Et si la tendance se poursuit, le pays pourrait perdre plus de 250 000 habitants d’ici la fin de la décennie.
Ce chiffre n’est pas qu’un indicateur statistique : c’est un baromètre du moral collectif.
Une société qui voit ses familles partir s’affaiblit de l’intérieur,
et aucune technologie, aussi brillante soit-elle, ne peut remplacer la foi des citoyens dans leur propre avenir.
À travers cette hémorragie discrète, c’est une question centrale qui se pose :
Israël peut-il encore retenir ceux qui l’ont rêvée ?
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Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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