Israël face au fléau silencieux des sectes : des témoignages choc révèlent l’ampleur d’un phénomène ignoré

Un débat d’une rare intensité s’est tenu hier à la Knesset : la commission spéciale pour les droits de l’enfant, présidée par la députée Keti Shitrit (Likoud), a alerté sur un danger longtemps mis sous le tapis en Israël — l’existence de plus de 170 sectes actives, regroupant environ 5 000 enfants. Des mineurs qui, selon les témoignages livrés devant la commission, vivent dans des univers d’abus physiques, d’endoctrinement, d’isolement social et d’effacement identitaire.
Source : Arutz Sheva – https://www.inn.co.il/news/664917

Ce phénomène, connu depuis des années mais jamais traité comme une priorité par les autorités, revient brutalement sur la scène publique. Et cette fois, les mots choisis par les victimes et les experts ont résonné dans l’hémicycle comme un cri d’alarme.


« אחת התופעות המושתקות בישראל » — une réalité cachée qui détruit des enfances

La députée Keti Shitrit a ouvert la séance par une phrase glaçante :
« אחת התופעות המושתקות ביותר בישראל… ילדים שחיים בכתות — זו המציאות שלהם. אלימות, בידוד, שליטה מוחלטת. המדינה מחכה שייפגעו ולא מונעת מראש ».

Elle a dénoncé une absence totale de structure étatique dédiée :

  • aucun organisme spécialisé,
  • aucune définition juridique claire du mot « secte »,
  • aucun mécanisme de contrôle systématique,
  • aucune politique de prévention.

Dans une société où la protection de l’enfance est souvent placée au cœur du débat public, le contraste est saisissant.


Témoignage d’Orit : « הרעבות, אונס, מכות… הילדים נעלמים למערכת »

Le récit d’Orit, dont les neveux ont grandi dans la secte Lev Tahor, a bouleversé la salle.
Elle décrit un système fermé, violent, totalement opaque :

  • privation alimentaire,
  • violences physiques,
  • humiliations,
  • viols,
  • isolement forcé,
  • scolarité maison utilisée comme outil d’effacement,
  • déplacements constants des enfants pour échapper aux autorités.

Elle prévient :
« הילדים האלה נעלמים מהמערכת… המנהיגים עושים הכל כדי שלא יהיו תחת פיקוח ».

Sa demande est simple : former les enseignants, les travailleurs sociaux, les médecins, pour qu’ils sachent reconnaître les signaux faibles. Aujourd’hui, dit-elle, « aucun filet de sécurité » n’existe.


Le cas « Shouvo Banim » : un père alerte — « הילדה יורקת על מי שלא צנוע »

Autre témoignage, celui d’un père dont l’ex-épouse a emmené leur fille au sein de la communauté liée au rabbin Berland (Shouvo Banim).
Il affirme :
« משרד הרווחה לא יודע מה זה כת… הילדה מדברת אחרת, יורקת ברחוב על מי שלא צנוע… קוראת לסבתא וסבא ‘גויים’ ».

Il raconte avoir alerté tous les organismes possibles, sans réponse.
Personne n’ose intervenir, dit-il, de peur d’affronter des groupes organisés, hermétiques et parfois violents.


170 sectes actives, 5 000 enfants : un iceberg administratif

Selon la directrice du Centre israélien des victimes de sectes, Rachel Lichtenshtein :

  • plus de 170 sectes fonctionnent aujourd’hui en Israël ;
  • près de 5 000 enfants y sont élevés.

Les caractéristiques communes :

  • vie coupée du monde,
  • aucune scolarité encadrée,
  • absence de système médical,
  • rotations fréquentes de logement,
  • déplacements à l’étranger,
  • effacement identitaire,
  • contrôle total du leader.

Elle explique que ces enfants ne sont même pas repérés par les institutions :
« הם מחונכים להתבדלות… לא מגיעים לרופאים… עוברים דירות כל הזמן… נעלמים מבתי הספר ».


L’État avoue son incapacité : aucune définition juridique du terme “secte”

Du côté des ministères, les représentants ont eux-mêmes reconnu les lacunes immenses.

Ministère des Affaires sociales – “אין הגדרה”

Ilan Sharif explique :

  • Israël n’a jamais défini juridiquement ce qu’est une secte.
  • Le ministère ne peut agir que s’il existe une infraction pénale ou un signalement grave de maltraitance.
  • La loi actuelle ne permet pas de surveiller les groupes fermés.

Lorsque la présidente a demandé pourquoi des enfants placés en famille d’accueil sont envoyés dans des environnements liés à Shouvo Banim, Sharif a répondu que les contrôles sont identiques pour toutes les familles, quel que soit leur cadre.

Ministère de la Sécurité nationale – aucun outil juridique

Oudaya Rubin Ben Zaken a été encore plus claire :
« אין לנו כלי לעבוד מול כתות… אלא אם יש עבירה פלילית ».

La police ne peut intervenir ni surveiller, tant qu’un crime n’est pas signalé.

Procureure de l’État – “אי קטן מתחת לרדאר”

L’avocate Lizu Wolfus, du Parquet, résume :
« עולם הכתות הוא אי מתחת לרדאר… אין חוק שמאפשר לפרק כתות ».

Elle rappelle que dans l’affaire de la secte « Amash », les procureurs ont dû utiliser la loi sur l’esclavage — faute d’outil spécifique.


Vers une réforme ? La Knesset veut un plan national

En conclusion, la députée Shitrit a exigé un plan inter-ministériel comprenant :

  • une définition juridique claire,
  • une unité nationale spécialisée,
  • une cartographie complète des groupes,
  • une réforme de la scolarité à domicile,
  • une révision urgente du placement d’enfants en famille d’accueil,
  • une coordination entre police, justice, éducation et santé.

Elle demande la tenue d’un nouveau débat avec tous les ministères autour d’une table ronde législative.


Conclusion : un enjeu moral et social majeur que l’État ne peut plus ignorer

L’affaire révèle un vide béant dans les mécanismes de protection des mineurs en Israël.
Alors que le pays fait face à des menaces terroristes, à une guerre prolongée et à des fractures internes, des milliers d’enfants vivent dans des micro-univers violents, coupés de toute autorité publique.

Pour un État qui place la sécurité, l’enfance et la résilience sociale au centre de son identité, l’idée que 5 000 enfants puissent grandir sous l’emprise totale de leaders destructeurs constitue un défi éthique majeur.
La question maintenant est de savoir si les institutions oseront affronter ce monde opaque — ou continueront, comme le dit Shitrit, « לחכות שהפגיעה תגיע ».


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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