Le ministre de la Défense a félicité l’ex-général David Zini pour sa nomination prochaine comme directeur du Shin Bet. Un « excellent choix » selon Israël Katz. Mais derrière les éloges se cache un constat dérangeant : le renseignement israélien reste largement fermé aux profils religieux et dominé par une élite laïque ashkénaze qui tient ses bureaux d’une main de fer.
Ce vendredi matin, Israël Katz a appelé le général de réserve David Zini pour lui adresser ses félicitations. « Tsahal a perdu un officier d’exception, mais le Shin Bet a gagné un chef remarquable », a déclaré le ministre de la Défense, assurant que l’ex-général saurait « naviguer avec talent et force » l’agence de sécurité intérieure à une période critique pour Israël. « Nous avons convenu de travailler ensemble pour la sécurité de l’État d’Israël », a-t-il ajouté.
La veille, la commission Gronis, chargée d’examiner les nominations aux postes de haute responsabilité, avait validé à l’unanimité la candidature de Zini, concluant qu’aucune « atteinte à l’intégrité » ne s’opposait à sa désignation. L’avis a été adressé au gouvernement, qui doit entériner officiellement sa nomination dimanche. Le président de la commission, l’ancien président de la Cour suprême Asher Gronis, a souligné que les doutes soulevés par certaines critiques n’étaient pas fondés.
Les débats de la commission avaient porté notamment sur les conditions de la proposition faite à Zini : une rencontre avec Netanyahou sur la base de Tsélim, en dehors du circuit classique de consultation avec le chef d’état-major. Mais la commission a estimé que l’information avait rapidement été partagée avec le général Eyal Zamir, ce qui levait toute suspicion de manquement. Autres réserves examinées : certaines déclarations polémiques attribuées à son père, ou des critiques internes venues d’anciens responsables sécuritaires. Là encore, la commission a jugé que rien ne mettait en cause la loyauté institutionnelle de Zini.
Le profil de David Zini — militaire chevronné, réputé pour sa rigueur et son attachement à l’État de droit — rassure une partie de la classe politique. Des voix comme celle de l’ex-général Roni Numa ont témoigné de son intégrité et de sa stature. À première vue, il coche toutes les cases attendues pour diriger une agence en première ligne contre le terrorisme et l’ingérence étrangère.
Mais derrière les discours officiels se cache une réalité moins reluisante : le Shin Bet, comme le Mossad, reste une forteresse sociologique. Depuis des décennies, ses plus hauts postes sont occupés par des hommes issus du même moule : ashkénazes, laïcs, passés par les mêmes unités d’élite de Tsahal. La nomination de Zini, aussi méritée soit-elle, illustre encore une fois cette logique.
Les religieux, qu’ils soient sionistes ou haredim, restent quasi absents de l’appareil de renseignement. Les rares candidats porteurs d’une identité religieuse marquée se heurtent à un plafond de verre invisible. Le phénomène est connu dans les cercles militaires : les élites du renseignement regardent avec méfiance toute expression religieuse, assimilée à un biais idéologique incompatible avec le pragmatisme supposé des services secrets. En clair, le système est « allergique » aux religieux.
Ce verrouillage a une double conséquence. Sur le plan interne, il entretient le sentiment d’exclusion d’une partie croissante de la société israélienne, qui se voit refuser l’accès à ces bastions stratégiques. Sur le plan externe, il projette une image biaisée d’Israël : un pays où la pluralité identitaire n’a pas sa place dans les organes les plus sensibles de sécurité nationale.
Certains responsables de la société civile dénoncent une forme de « monopole sociologique », qui ne dit pas son nom mais structure depuis toujours les nominations. « On peut être séfarade, religieux ou olé de France, mais il est presque impossible d’arriver au sommet du Shin Bet », confie un ancien haut fonctionnaire de la Défense. « C’est une poignée d’anciens du même réseau qui choisissent leurs successeurs. »
Pour l’instant, la nomination de Zini suscite surtout des félicitations et des espoirs de stabilité. Mais la question de fond demeure : combien de temps Israël pourra-t-il se priver de talents issus de la diversité religieuse et culturelle de son peuple, au nom d’une conception rigide et élitiste de la sécurité ? L’exclusion des religieux, loin de renforcer le renseignement, pourrait à terme l’affaiblir en le coupant d’une partie de la société qu’il est censé protéger.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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