Joel Mergui, président de Consistoire :  » Il est peut-être juif, mais il n’est pas la voix de la communauté et représente un danger »

Eric Zemmour pourrait devenir le premier candidat juif à la présidence pendant la période de la Ve République française après la Seconde Guerre mondiale. Les sondages récemment publiés avant les élections de printemps indiquent qu’il a le soutien de 16 % des voix, le plaçant au même point de départ que les principaux candidats face au président Emanuel Macron.

Mais il y a un hic : Zemmour, journaliste d’extrême droite, intellectuel et provocateur à plein temps n’a pas encore officiellement annoncé sa candidature.

Une partie des Juifs français préféreraient qu’il reste à l’extérieur et essaient de rester loin de la politique. « C’est un homme politique d’extrême droite, et en tant que tel, il représente un danger pour la république. Il est peut-être juif, mais il n’est pas la voix de la communauté juive », a déclaré Joel Mergui, président de Consistoire.

Zemmour, 63 ans, a nourri un public conservateur grâce à un mouvement nationaliste fervent qui s’oppose à l’immigration et qui considère la France comme une société assiégée par des influences étrangères, musulmanes et autres. Certaines des choses qu’il a dites ont conduit à des condamnations et à des amendes pour discours de haine – en 2011, il a qualifié les immigrants musulmans d’ « envahisseurs » et en 2016, il a déclaré que la plupart des trafiquants de drogue étaient des Arabes ou des Africains.

Certains de ses détracteurs disent que son héritage est entaché d’hypocrisie : ses parents sont des immigrés d’Algérie.

Jusqu’à présent, les dirigeants et organisations juifs français n’ont pas investi beaucoup d’énergie pour répondre à la rhétorique de Zemmour, mais sa soudaine ascension fulgurante dans les sondages – malgré le fait que dans les interviews qu’il a données quelques mois avant les élections, il a pris soin de rester vague sur sa future candidature, ce qui a forcé les dirigeants à prendre des positions publiques sur le candidat. Ses taux de soutien correspondent à ceux de Marine Le Pen, qui a obtenu un tiers des voix au premier tour de l’élection de 2017 en tant que leader du Parti de l’Union nationale de droite.

Les attitudes de la communauté juive française à l’égard de Zemmour sont compliquées, principalement en raison de ses opinions sur plusieurs questions directement liées au juif.

Zemmour, qui a publié des livres à succès sur la politique et la société, a parlé ouvertement de son identité juive et a déclaré qu’il allait parfois à la synagogue et y portait une kippa. Malgré cela, il semble soutenir l’idée d’interdire le port de la kippa en public, aux côtés d’autres signes religieux. Lors d’une confrontation qui a eu lieu en 2016, il a comparé le port de la kippa à un « selfie religieux » et a déclaré que le port de la kippa « impose la religion d’une personne aux autres ». L’obligation pour les Juifs de porter la kippa, a-t-il ajouté, s’apparente à l’obligation de porter l’insigne jaune que les nazis ont forcé les Juifs à porter sur leurs vêtements pendant l’Holocauste.

Encore plus offensant pour de nombreux Juifs français est le fait qu’il défend une théorie controversée selon laquelle le gouvernement de Vichy, qui a collaboré avec les nazis, a sacrifié les Juifs étrangers vivant en France pour sauver les Juifs français pendant l’Holocauste. Cette théorie, acceptée par certains historiens, est vivement contestée par d’autres historiens, qui prétendent que le gouvernement de Vichy a également trahi les Juifs de nationalité française.

« Vichy protège les Juifs de France », a-t-il déclaré le mois dernier sur CNews, un réseau français équivalent à l’américain Fox News.

Zamor a également mis en doute l’innocence d’Alfred Dreyfus, un juif d’origine allemande et capitaine de l’armée française, dont les poursuites pour trahison et espionnage ont été largement condamnées en tant qu’accusation antisémite. Dans un panel organisé à la télévision en 2020, Zamor a déclaré que même si Dreyfus était innocent, il aurait pu être une cible « parce qu’il était allemand, et non parce qu’il était juif ».

Zemmour est capable de bouleverser même certains des Juifs identifiés à l’extrême droite, qui auraient pu être ses plus grands partisans. L’année dernière, il a déclaré à CNews que si Israël possède des armes nucléaires, l’Iran ne doit pas être empêché d’acquérir des armes nucléaires.

La Ligue française de défense des Juifs, un groupe d’extrême droite, a déclaré dans un communiqué que bien qu’elle « félicite régulièrement Eric Zemmour et défend son courage contre les islamistes », ses propos sur l’Iran pointent vers « l’ignorance ou la mauvaise foi qui sape la crédibilité de ses affirmations.

Ces positions, ainsi que sa large idéologie, ont amené la majorité de l’establishment juif français et des personnalités juives éminentes à s’opposer à Zemmour.

« Ce n’est pas un idiot utile – c’est un juif utile et le nouveau leader de la négation de l’Holocauste dans notre pays », a écrit la semaine dernière Francis Kalifa, chef du CRIF, l’organisation faîtière des communautés juives de France, dans une tribune publiée dans de nombreux médias français.

Le célèbre chasseur de nazis Serge Klarsfeld et son fils Arno ont écrit plus tôt cette année dans une chronique d’opinion du Monde que Zemmour « piétine les valeurs nationales et juives », déclarant que « les Juifs doivent combattre l’extrême droite ».

Bernard Henri Levy, un philosophe juif de centre-gauche bien connu, a écrit une chronique d’opinion dans le magazine Le Point la semaine dernière, dans laquelle il a édité des parallèles entre Zemmour et l’ancien président américain Donald Trump, affirmant que les deux sont des choix insuffisants pour quiconque apprécie les valeurs juives.

« Il y a cinq ans, je disais aux juifs américains qui étaient tentés par le trumpisme : faire une alliance avec lui pouvait être suicidaire. Maintenant, je dis la même chose aux juifs de France qui sont tentés par la simplicité maléfique d’Eric Zemmour », qui nie le « Générosité juive, vulnérabilité juive, humanisme juif et aliénation du peuple juif. », a écrit Levy.

Comme Trump, Zemmour avait tendance à adopter un récit de peur motivé par l’idée de remplacement ethnique.

« Il y a un danger que notre pays meure, que sa population soit remplacée par une autre, et donc que la civilisation soit remplacée. », a-t-il déclaré dans une interview le 1er octobre, dans laquelle il a souligné – comme Trump l’a fait dans sa campagne électorale – la différence entre lui et les hommes politiques professionnels qui lui font face, tels que Marine Le Pen et Emmanuel Macron, le président français affilié au Centre, qui devrait gagner malgré un faible soutien de -40 %.

Le Pen le père soutient Zemmour
Mais Zemmour reçoit toujours un certain soutien au sein de la communauté juive. Tribune Juive, l’un des plus anciens magazines de la communauté, a récemment publié une série d’articles d’opinion écrits par des personnes qui soutiennent le candidat possible ou se sentent obligées de riposter contre ses détracteurs de l’establishment juif.

Dans l’un de ces articles, William Fitoussi, un agent d’assurances de Paris, a qualifié Zemmour de « seul politicien cherchant à mettre fin au flux de millions de personnes, y compris ceux qui ont assassiné leurs frères dans la communauté ».

Le grand-père de Rudolf, un photographe parisien, critiquait la Tribune Juive dans laquelle il appelait « les VIP de gauche », comme Lévi, qui admirait l’ancien président François Mitterrand malgré son amitié personnelle avec René Bousquet qui était un haut responsable du régime de Vichy et collaborait avec les nazis.

Sarah a écrit sur La Tribune de Zemmour, qu’il a « des opinions abominables qui nécessitent une discussion, mais pas à travers son identité juive ».

Sur Infos Israel News, une partie de nos lecteurs ne suivent pas volontairement les avertissements des dirigeants communautaires les accusant de soutenir la macromania.

Certains pensent que Zemmour a failli volontairement lors des ses propos envers Vichy et la famille Sandler pour ne pas montrer une subjectivité juive avant les élections et amené plus de signatures et d’électeurs.

Mais le défi Zemmour reste quand même très complexe et il est difficile de prendre partie contre le Trump « Français » qui rappelle  le soutien de l’ancien président américain pour Israël et le risque d’une montée de l’antisémitisme en France pouvant mettre en danger cette communauté qui ne veut que plus de sécurité contre le mouvement islamiste.

Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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