La France a besoin d’Israël aujourd’hui comme un allié proche et ferme, plus que jamais, dans le cadre de son large alignement régional d’Abu Dhabi à Paris. Les politiques énergiques du président Macron en Méditerranée, y compris la confrontation aux dangereuses ambitions hégémoniques de la Turquie, offrent à la France et à Israël l’opportunité d’institutionnaliser des consultations bilatérales et multilatérales de haut niveau, complétées par une coopération étroite en matière de renseignement et une planification stratégique conjointe.

Israël et la France peuvent trouver un terrain d’entente (en consultation avec la Grèce et l’Égypte) sur un large éventail de questions, de la Libye au Liban, et de la péninsule arabique à l’Iran. Les intérêts communs devraient également servir à réduire l’importance des différences entre les deux pays par rapport à la question palestinienne.

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Au cours de l’année écoulée, la France s’est positionnée comme une force active, voire un chef de file, dans les efforts pour rétablir l’équilibre des forces en Méditerranée ; un équilibre qui a été bouleversé par les ambitions néo-ottomanes et islamistes du président Erdogan de Turquie. Le président Emmanuel Macron, un jeune homme d’État qui a cherché à changer radicalement la carte politique intérieure de la France, a ravivé une vision de la France en tant qu’acteur stratégique indépendant avec une influence unique en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient ; et plus précisément, sur les traces de l’ancien président Sarkozy, également dans la région méditerranéenne.

En étroite coordination avec l’Égypte et les Émirats arabes unis (ce dernier est un allié majeur de la France dans le Golfe), Macron a défini la protection des nations musulmanes modérées et la lutte contre le radicalisme islamiste comme les principaux intérêts français. Cela comprend les domaines suivants :

Au Sahel, où les troupes françaises ont été directement impliquées au Tchad et au Mali.

En Libye, où la France a aidé les forces de l’ANL dirigées par Khalifa Haftar, s’opposant au régime du «gouvernement d’accord national» à Tripoli qui a des liens islamistes.

Au Liban, où Macron s’est rendu deux fois depuis l’explosion de Beyrouth, et la France a pris les devants en exigeant des réformes gouvernementales, contestant ainsi la domination du Hezbollah.

En Méditerranée orientale, où Macron s’est opposé aux politiques turques, soutenant pleinement les positions grecques et égyptiennes.

Quant à l’Iran, la France continue de s’opposer à la démarche de Téhéran vers l’arme nucléaire. (La France ne souhaite pas que d’autres pays rejoignent le «Club nucléaire»).

Au-delà de la dimension régionale, l’objectif de Macron est apparemment de rendre la France à nouveau pertinente et une nation leader dans l’UE, en particulier dans le sillage du Brexit britannique. Sur le plan intérieur, une position ferme sur tous ces fronts pourrait affaiblir les campagnes contre le leadership de Macron et renforcer son image.

Sur pratiquement tous les sujets, les intérêts géopolitiques de la France s’accordent avec ceux d’Israël. Par conséquent, la France devrait revoir les avantages de relations plus étroites avec Israël. À son tour, Israël devrait prendre l’initiative de créer un cadre formel / informel pour des pourparlers bilatéraux, éventuellement complété ultérieurement par un cadre multilatéral comprenant la Grèce, Chypre, les Émirats arabes unis et l’Égypte. Macron et son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian partagent le point de vue selon lequel la France devrait participer à la realpolitik et mener une diplomatie soutenue par des capacités militaires et de renseignement. Si tel est le cas, ils pourraient envisager l’initiative d’un partenariat avec Israël pour répondre à leurs besoins.

La politique actuelle de la France en Méditerranée et au Moyen-Orient découle de l’intervention d’Ankara en novembre 2019 en Libye. Ayant déjà eu une relation complexe avec Haftar alors que Le Drian était ministre de la Défense, et cherchant à enrayer la subversion des Frères musulmans en général et en Égypte en particulier, la France soutient désormais Haftar, commandant de l’«Armée nationale libyenne» (ANL), contre la Turquie et le «gouvernement d’accord national» (GNA) islamiste basé à Tripoli.

En mai 2020, les forces du GNA, soutenues par la Turquie, ont forcé l’ANL à abandonner son siège de la capitale et à se retirer. L’Égypte, soutenue par la France, a alors averti le GNA de ne pas avancer vers l’est au-delà de la ligne Syrte-Youfra. Les Turcs, pour leur part, veulent arrêter la France dans ses élans, prendre le contrôle du centre de la Libye et de ses ressources, autonomiser les Frères musulmans dans la région et, surtout, devenir le facteur dominant de la Méditerranée orientale et annuler l’alliance EastMed Gas Forum (EMGF) (reliant la France, l’Italie, la Grèce et Chypre, l’Égypte, Israël, la Jordanie et l’ Autorité palestinienne).

Macron a également adopté une position ferme contre les mesures agressives de la Turquie envers la Grèce. Alors que l’Allemagne, bien qu’en étroite coordination avec la France, a assumé le rôle de médiateur, Macron est le seul dirigeant à affronter activement la politique turque en Méditerranée orientale et non seulement à s’y opposer. Ce faisant, il a fait de la France un allié efficace de l’Égypte, des Émirats arabes unis et d’Israël.

Perspectives de changement dans les relations franco-israéliennes

Au fil des ans, les relations d’Israël avec la France ont connu des hauts et des bas dramatiques. Les attitudes israéliennes sont toujours marquées par la crise qui a conduit à la guerre des Six jours de 1967, quand Israël s’est senti trahi par la politique pro-arabe de de Gaulle. À l’époque, de prétendues considérations de realpolitik séparaient les deux pays. Vous pouvez maintenant les rejoindre.

Macron a déjà exprimé des réserves sur la campagne palestinienne pour faire de l’Europe un allié contre Israël. Bien qu’il se prononce du bout des lèvres sur la nécessité d’un État palestinien, il n’a pas fermé la porte à l’initiative de paix du président Trump au Moyen-Orient et, plus important encore, a protesté contre la délégitimation d’Israël. En 2017, en commémoration des déportations de juifs par les nazis et le régime de Vichy, il a dénoncé sans équivoque l’antisionisme comme une nouvelle forme d’antisémitisme.

Plus récemment, la France a salué l’accord de normalisation d’Israël avec son proche allié contre la Turquie, les Emirats Arabes Unis, ainsi que l’accord avec Bahreïn. En arrière-plan, les intérêts communs de la France, des Émirats arabes unis, d’Israël, de la Grèce et de l’Égypte. Le chef du Mossad, Yossi Cohen, a récemment déclaré que la Turquie pourrait représenter une plus grande menace pour Israël que l’Iran. La citation peut avoir été prise hors de son contexte. Cependant, alors que la Turquie adopte une position résolument hostile envers Israël sur des questions comme Jérusalem et Gaza, elle n’est pas un ennemi actif.

Pourtant, les propos de Cohen indiquent qu’Israël, comme la France, doit reconsidérer ses priorités stratégiques. La réponse arrogante d’Erdogan aux mouvements français en Méditerranée orientale reflète son humeur belliqueuse. Il en va de même pour son affirmation selon laquelle transformer Sainte-Sophie en mosquée ouvrira la voie à la libération de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem.

Macron et son fidèle partenaire Le Drian veulent réhabiliter l’influence française. Contrairement à l’époque de De Gaulle, la politique française au Moyen-Orient nécessite aujourd’hui une association avec Israël, plutôt qu’une aliénation et une prise de position pro-arabe. L’alignement ouvert d’Abu Dhabi, Manama et Jérusalem offre une plate-forme diplomatique et militaire pour reconstruire les liens du passé sur la base d’intérêts communs émergents et d’une nouvelle perspective sur le Moyen-Orient. Macron est motivé non seulement par l’évolution des sentiments envers Israël, mais aussi par la compréhension que pour que les interventions de la France au Liban et en Libye et les efforts pour contenir la Turquie soient couronnés de succès, le rapprochement avec Israël est essentiel.

Macron fait face à deux obstacles principaux. Premièrement, dans le domaine de la politique étrangère, le ministère français des Affaires étrangères continue de souscrire à la vision «traditionnelle» de la question israélo-palestinienne, qui est à l’origine de tensions entre Paris et Jérusalem depuis des décennies. En outre, certains aspects de la question nucléaire iranienne, dans laquelle la France a été plus forte que l’ancien président Obama mais pas aussi ferme qu’Israël l’espère maintenant à la lumière de la politique de Trump, restent une source sérieuse de discorde entre les deux pays. Deuxièmement, au niveau national, l’importante communauté musulmane française reste politiquement affiliée aux partis de gauche, qui sont fortement pro- palestiniens et fondamentalement anti-israéliens.

Cependant, la France reconnaît désormais que l’approche binaire «Arabe contre Israël» au Moyen-Orient est dépassée. Reste à savoir si Macron aura le courage de prendre une nouvelle direction politique, défiant la communauté musulmane française tout en ralliant la droite gaulliste, le centre et les catholiques contre Le Pen et l’extrême droite.

Recommandations pour la politique israélienne

Face à une nouvelle carte géopolitique du Moyen-Orient et de la Méditerranée orientale, Israël devrait saisir l’opportunité de renouer ses relations avec la France. Cela devrait inclure des mécanismes formels et informels pour des conversations stratégiques régulières, au moins deux fois par an.

Israël devrait également entreprendre des visites de haut niveau pour consolider les compréhensions géopolitiques.

Un tel format bilatéral pourrait conduire à un format de consultations multilatérales, peut-être discret, qui inclurait l’Égypte, les Émirats arabes unis, la Grèce et Chypre, travaillant ensemble pour obtenir le soutien des États-Unis.

Les décideurs israéliens doivent surmonter les associations négatives avec la France qui prévalent depuis 1967. Une approche israélienne pragmatique a permis d’entretenir des relations fondamentalement positives avec la France pendant des années, et le moment est venu de servir les intérêts des deux pays. passer à un nouveau niveau.

Israël devrait également utiliser son accord de paix avec les Émirats arabes unis pour nouer des liens plus étroits avec la France. Les Émirats arabes unis sont particulièrement bien placés pour encourager Paris à améliorer ses relations avec Jérusalem.

La France et Israël ont tous deux beaucoup à gagner d’une amélioration de leurs relations.

Via: JISS – Colonel (res.) Olivier Rafowicz.